Afrique: A la quête d'un plaidoyer fort pour une justice pénale internationale

28 Mai 2015

La justice pénale internationale ne militerait pas trop en faveur des populations africaines victimes d’impunité. Face à ce constat, la fondation panafricaine Trust Africa appelle à un plaidoyer fort et une mobilisation sans faille des acteurs investis dans cette lutte afin de mieux sensibiliser les populations sur leur droit à faire recours à la justice pour réparation.

« L’engagement pour la justice pénale internationale en Afrique : Enseignements à tirer en termes de mobilisation et plaidoyer ». C’était le thème autour duquel, Trust Africa avait convié la réflexion, les 26 et 27 mai 2015 à Dakar, la capitale sénégalaise, dans le cadre d’une rencontre panafricaine.

La Directrice du Fonds pour justice pénale internationale de Trust Africa, Mme Jeanne Elone confiait que l’objectif de cette rencontre de deux jours était de permettre une réflexion sur les avancées dans la lutte contre l’impunité en Afrique à travers le plaidoyer pour une justice pénale internationale.

Ces assises ont réuni des représentants d’organisations africaines de la société civile travaillant dans le domaine de la promotion de la justice et issues de la Centrafrique, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Kenya, du Mali, du Nigeria, de l’Ouganda, de la RD Congo et du Sénégal. A cela s’ajoutent des organisations internationales opérant en faveur des principes de justice et de responsabilité en Afrique.

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Justice pénale internationale est une thématique sur laquelle Trust Africa travaille depuis 2013 à travers cinq pays cibles que sont le Nigeria, l’Ouganda, le Mali, la Côte d’Ivoire et le Kenya. Il faut rappeler que déjà en 2011, cette fondation panafricaine qui œuvre pour une amélioration de la gouvernance et des conditions d’un meilleur développement en Afrique, avait commencé à réfléchir sur là-dessus. A la même année se sont développés de nouveaux mécanismes dans le continent.

La Cour africaine de justice vient d’étendre son mandat pour devenir une juridiction internationale criminelle. Le projet de politique sur la justice transitionnelle en Afrique dont le vote est attendu au mois de juin prochain par l’Union africaine va dans le même sens. Des évolutions notées sur l’architecture de la gouvernance africaine militent en cette faveur.

Ceci est un ensemble de développements qui, de l’avis de Jeanne Elone, constitue des opportunités pour la société civile d’engager des mécanismes africains pour avancer dans la lutte contre l’impunité dans le continent africain.

Cette dernière rencontre de Dakar a été une occasion pour passer au crible les expériences des pays suscités ainsi que les défis à relever dans l’optique de la définition de points sur lesquels Trust Africa peut aider les acteurs investis dans la croisade contre l’impunité. Un exercice qui permet de constater que la justice pénale internationale est à rude épreuve en Afrique.

Une crédibilité perdue au Kenya, au Nigeria, en Ouganda, au Mali…

L’arrivée d’une africaine comme Procureure de la Cour Pénale Internationale (CPI) (la Gambienne Mme Fatoumata Bensouda) avait suscité beaucoup d’espoir surtout dans les pays en proie à des crises cycliques où les victimes sont en quête de réparation et de justice.

Un espoir qui, selon Jeanne Elone, est en train de s’effriter. En guise d’exemple, elle a cité le cas du Kenya avec la déception des victimes d’exactions après le retrait par la CPI des charges contre le président Uhuru Kenyatta.

Dans cette même veine, M. Victor Ochen de la société civile ougandaise fait état des difficultés qu’éprouve la CPI pour mener à bien sa mission dans le nord du pays qui était touché par un conflit ethnique sans précédant. Un état de fait qui est la résultante de préjugés dont a souffert la Cour suite à un manque de confiance que les populations éprouvent à l’égard d’elle.

M. Ochen a tout de même reconnu les succès de la CPI qui a mis la pression sur le gouvernement pour la protection des populations, mais aussi sur les lobbies qui défendaient Dominic Ongwen, l’un des principaux chefs de la sanglante rébellion, Armée de résistance du Seigneur (LRA). Dans ce pays, la Cour est parvenue à amener gouvernement et groupes armés à la table de négociation.

Sur le cas du Nigeria, Chico Obiagwu, membre de la société civile, a pointé du doigt la longueur du processus de réparation suite aux attaques survenues à Jos (capitale de l'État de Plateau, au centre du Nigeria) et celles de Boko Haram sans oublier les exactions à l’actif de l’ancien président nigérian Sani Abacha.

La situation est plus hilarante au Mali où, à en croire Moctar Mahamar, la population ne croit pas trop à la justice. A cela s’ajoute la forte présence des autorités traditionnelles qui peuvent décider de l’application ou non d’une décision de justice et de l’absence de la justice au Nord du pays.

Miser sur la société civile pour relever les défis

Face à cette situation peu reluisante, malgré les efforts réalisés, les défis restent énormes. La société civile est ainsi mise sur la sellette.

A la suite de ces assises de Dakar, Trust Africa s’attend à un plan d’action devant lui permettre de mieux soutenir la société civile dans le domaine de la lutte contre l’impunité. Pour l’organisation, c’est une manière de tester les différentes stratégies innovantes et permettre à la société civile d’être en contact avec des donateurs capables de soutenir leurs activités sur le long terme.

Il est également question de faire savoir que la société civile africaine n’est pas restée muette face aux différentes crises que traverse le continent. Elle se prépare à avoir les outils lui permettant de faire face aux difficultés sur le terrain.

Pour y parvenir, il est attendu un plaidoyer fort des organisations pour amener les juridictions à se baser sur les besoins des populations surtout les victimes d’impunité. Il sera également question d’édicter une législation adaptée, consolider les liens avec les médias pour la sensibilisation. Sur cette lancée, la chercheuse Ottilia Maunganidze rappelle aux acteurs de la société civile que la neutralité des acteurs est un élément important pour mener à bien un plaidoyer sur le terrain.

Entre autres défis à relever pour une justice pénale internationale en faveur de l’Afrique, Trust Africa pense qu’au niveau national, il faut que les juridictions nationales deviennent plus importantes pour traiter les questions à domicile. Ce qui, de l’avis de la Directrice du Fonds pour justice pénale internationale de Trust Africa, évite de toujours faire recours à l’international pour régler des cas d’impunité survenus en Afrique. La nouvelle Cour africaine, une fois entrée en vigueur et après sa ratification par les pays, devrait constituer un nouvel outil pour répondre à cette attente.

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