Afrique: Incapacité du continent à s'unir 50 ans après la mort de Kwame N'Krumah - La déception post-mortem d'un panafricaniste

analyse

Le 27 avril 2022 marque les cinquante ans du décès de Kwame N'Krumah, le premier président du Ghana indépendant. L'emblématique leader politique anglophone qui ne jurait que par l'unité africaine, doit sa notoriété surtout à ses idées panafricanistes.

En effet, convaincu qu'aucun Etat ne pouvait résister individuellement aux grandes puissances et que l'arbitraire des frontières coloniales pouvait être source de conflits, le père de l'indépendance ghanéenne militera de toutes ses forces en faveur de la création d'une entité supranationale, les " Etats-Unis d'Afrique ", qui permettrait au continent africain de compter dans le concert des Nations en tant qu'une des grandes forces du monde.

Un rêve, ô combien noble, mais qui ne se réalisera jamais. Sa première tentative, en 1959, de traduire en acte concret son idée panafricaniste à travers une union avec la Guinée de Sékou Touré, union rejointe une année plus tard par le Mali de Modibo Kéïta, n'ira pas véritablement au-delà de la symbolique de ses textes créateurs.

L'Osagyefo reste aujourd'hui dans la conscience collective, comme l'une des icônes du continent, qui force le respect pour sa vision

Pas plus que son idée de création d'un gouvernement central africain ne sera retenue, lors de la rédaction de la charte de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) à laquelle il a activement participé en 1963. Toujours est-il qu'en six ans de présidence à la tête du Ghana, l'Osagyefo (son surnom qui signifie le rédempteur) a su imprimer sa marque à la marche de son pays au point de rester aujourd'hui dans la conscience collective, comme l'une des icônes du continent, qui force le respect pour sa vision et sa clairvoyance.

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Renversé en 1966 par un coup d'Etat militaire alors qu'il était en voyage en Chine, l'ex-chef d'Etat ghanéen vivra cinq longues années d'exil en Guinée, sous l'aile protectrice de son ami, feu le président Ahmed Sékou Touré qui n'avait trouvé meilleur hommage à lui rendre que de lui proposer la co-présidence de la Guinée. Hospitalisé par la suite à Bucarest en République socialiste de Roumanie, il succombera à un cancer d'estomac, le 27 avril 1972.

A noter que de son vivant, ses initiatives lui avaient valu l'hostilité des pays occidentaux dont il gênait les intérêts, mais aussi de dirigeants africains qui le soupçonnaient de subversion communiste voilée derrière ses projets panafricanistes. Mais cinquante ans après sa mort, que reste-t-il de l'héritage de Kwame N'Krumah? Ses idéaux font-ils toujours rêver en Afrique ? Si beaucoup d'Africains s'accordent à reconnaître en lui un grand visionnaire, ses conceptions pour l'évolution du continent noir et son appel à l'unité du continent pour mieux faire face à l'adversité et répondre aux défis du moment, n'ont jamais été autant d'actualité.

Il est temps, pour l'Afrique, de changer de paradigme si elle ne veut pas continuer à rester à la traîne du monde

L'une des illustrations parfaites est la guerre contre le terrorisme dans la sous-région ouest-africaine où la mutualisation des forces pour venir à bout du phénomène, apparaît aujourd'hui comme une nécessité absolue pour les Etats qui, pris individuellement, sont conscients de leurs limites. Il en est de même du projet de monnaie commune aux pays de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), censé permettre à ces derniers d'être plus compétitifs dans un environnement international hautement concurrentiel. C'est dire si l'Afrique a tout à gagner dans une union qui ferait sa force plutôt que dans la désunion qui l'expose aux vicissitudes de l'histoire.

Mais la principale faiblesse de ce continent, reste son incapacité à former des entités fortes pour répondre aux défis de l'histoire, plus de soixante ans après les indépendances. De quoi faire se retourner dans sa tombe, un panafricaniste comme Kwame N'Krumah. Car, l'on oublie volontiers le poids qu'aurait été celui de l'Afrique dans le concert des nations, si le rêve de fédération de l'Osagyefo avait abouti à la création des Etats-Unis d'Afrique.

C'est pourquoi son appel à l'union de l'Afrique sonne aujourd'hui encore comme une vive interpellation pour les dirigeants africains. Malheureusement, tout porte à croire que le continent noir doit se résoudre à faire le deuil de cet idéal. Comment peut-il en être autrement quand les dirigeants africains se révèlent pour la plupart plus pouvoiristes que visionnaires, ou se comportent en véritables roitelets boulimiques de pouvoir, plus guidés qu'ils sont par des intérêts claniques que par ceux de la Nation ?

Leur principale préoccupation étant la préservation de leur trône, peu importe qu'ils soient la cause de la misère ou de l'infortune de leur peuple. Il est temps, pour l'Afrique, de changer de paradigme si elle ne veut pas continuer à rester à la traîne du monde.

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