Afrique: Affaire Sitrafer-Camrail - Bolloré vend-il ses entreprises pour se dérober à la justice en Afrique

Plusieurs hypothèses sont envisagées depuis le désengagement annoncé de Bolloré en Afrique. Pour autant, la double affaire qui oppose au Cameroun sa succursale Camrail à Sitrafer continue devant les tribunaux.

Malgré le dilatoire permanent. C'est en décembre 2001 que Camrail et Sitrafer signent leur premier contrat d'une durée de cinq (5) ans, relatif aux travaux de maintenance de la voie ferrée camerounaise longue d'environ 1100 km. Ce contrat sera renouvelé avant expiration, en 20003 ce jusqu'en 2011.

Genèse trouble

Pendant qu'on y est, en 2008, l'Etat va signer avec Camrail le genre d'avenant à la Convention de concession qu'on ne voit que sous les tropiques. Il s'agit de l'Avenant N° 2 à la Convention faisant de Camrail (Groupe Bolloré) le Maître d'ouvrage délégué, le Maître d'œuvre, le Prestataire des crédits octroyés à l'Etat par la Banque mondiale et ... le gestionnaire desdits crédits.

Concentrant de façon inhabituelle et scandaleuse tous les pouvoirs, Camrail (Groupe Bolloré) n'acceptera tout simplement pas la moindre petite concurrence, celle en l'occurrence de Sitrafer comme conseil de l'Etat. Ainsi, à partir de 2009, la société Camrail (Groupe Bolloré) va-t-elle entreprendre toutes sortes de manœuvres visant à écarter Sitrafer de la voie ferrée.

Malgré l'entrée de l'Etat dans le capital social de Sitrafer (2010) à hauteur de 25%, après celle de la SNI (fonds d'investissement de l'Etat) à hauteur de 15% (2007), dont le but était l'industrialisation de Sitrafer, avec la construction de nouveaux réseaux ferrés et des tramways dans les centres urbains camerounais, la construction d'une base industrielle et la mise en place d'un centre de formation des métiers du secteur ferroviaire. Un partenariat stratégique sera d'ailleurs signé entre l'Université de Douala et Sitrafer qui exportait déjà son expertise dans un pays comme Madagascar.

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Un constat cruel va se dégager : Ni le nouveau statut de Sitrafer de Société d'économie mixte au même titre que Camrail, ni même la volonté de l'Etat, rien ne fera reculer Camrail dans ses projets néfastes contre les intérêts du pays qui l'accueille.

Multiplication de préjudices

Au cours de cette année 2010, faisant fi de cette prise de position affichée de l'Etat pour Sitrafer, Camrail (Groupe Bolloré) va s'offrir le luxe non seulement d'empêcher Sitrafer et son partenaire Sotrafer d'exécuter un marché de 6 Milliards (travaux hors fournitures), mais également d'exclure Sitrafer pour longtemps des marchés IDA de la Banque mondiale. Tout simplement en inventant un mensonge auprès de cette institution financière (en tant que représentant de l'Etat) sur le statut juridique de Sitrafer, en la présentant comme une entreprise publique (au lieu d'une entreprise d'économie mixte qu'elle est) et donc non éligible aux critères de sélection de ladite institution.

Il va d'ailleurs falloir tout le poids de l'Etat pour que Camrail (Bolloré) renouvelle le contrat le liant à Sitrafer en Avril 2012, alors que celui-ci était arrivé à échéance le 31 décembre 2011. Pour " seulement " 03 ans...Mais, il est déjà tard pour le personnel de cette entreprise. L'enchaînement des blocages va contraindre Sitrafer à suspendre provisoirement ses activités en 2015. Et de 2015 à 2018, malgré la grande animosité dont fait preuve le groupe Bolloré à leur encontre, sieur Bimai et Sitrafer vont entreprendre des démarches amiables, soutenues par l'Etat, pour une solution négociée entre les deux parties visant des réparations équitables en faveur de Sitrafer pour les préjudices subis ainsi qu'une reprise des activités de l'entreprise. Las.

Comme pour bien démontrer sa toute puissance et son mépris de l'Etat camerounais, Camrail (Bolloré) va, en 2018, répondre à ces sollicitations de conciliation par une annulation unilatérale d'un marché de Sitrafer signé (attribué) pour le compte de l'Etat et déjà enregistré, et concernant des travaux d'entretien de la voie ferrée entre Bonaberi et Souza. Camrail fera même appel de l'avance de démarrage du marché, alors que Sitrafer attendait un ordre de service pour le démarrage effectif des travaux.

Fabrication et suppression des preuves ....., désinvolture criarde

Au regard de la volonté manifeste de Camrail (Groupe Bolloré) d'éteindre définitivement Sitrafer et face à une attitude constante de désinvolte arrogance et de dédain, sieur Jacques Bimaï et Sitrafer décident alors d'attraire le groupe Bolloré (Camrail) en justice. Ainsi, en février 2020 le TGI de Bonanjo est saisi au civil, accompagné d'une demande en réparation du préjudice de l'ordre de 20 885 500 000 FCFA (32 000 000 €). Les requérants vont d'ailleurs solliciter et obtenir une assistance judiciaire totale sur ce dossier, tandis que Camrail malgré ses requêtes à la Commission d'assistance judiciaire échouera à la faire se rétracter.

Pire, en juin de la même année, au cours d'une séance de la Commission d'assistance judiciaire, Camrail (Bolloré) persistant dans son arrogance aveugle, va produire de faux documents et faire valoir de faux témoignages dans l'espoir d'avoir gain de cause. Il s'agit de : 1) Un certificat de propriété appartenant à Bimaï Jacques sur un terrain non bâti à Yabassi dans le Nkam ; 2) Un Titre foncier TF 00074/0 au lieu-dit quartier Talla à Kribi appartenant à Jacques Bimaï ; 3) Un témoignage mensonger sur des parts que tiendrait Jacques Bimaï dans une société d'Etat tunisienne, SOTRAFER, etc.

Du pain béni pour sieur Jacques Bimaï et Sitrafer, qui s'empresseront de porter plainte avec constitution de partie civile au TGI du Wouri cette fois-ci au pénal. Avant, ils avaient saisi par voie d'huissier les conservateurs fonciers du Nkam et de l'Océan. Le premier révèlera que la filiation Jacques Bimaï ne figure pas dans le dossier mère du Titre foncier, alors que pour le second, le n° du TF querellé n'existe même pas dans le fichier du département de l'Océan. Il n'est pas inutile de préciser que des enquêtes approfondies permettront toutefois de découvrir que le TF de Yabassi dans le Nkam appartient bel et bien à un certain Bimaï Jacques Samuel. Seulement, Camrail et ses acolytes avaient fait le choix d'occulter le second prénom...

Infractions avérées, dilatoire récurrent

Le juge d'instruction commis pour cette nouvelle affaire ne manquera pas de dresser la liste des infractions dont s'est ainsi rendue coupable l'entreprise Camrail (Groupe Bolloré), à savoir, fabrication et suppression de preuves, fausses nouvelles et faux témoignages, tous réprimés par les articles 74, 240, 164 et 168 du Code pénal camerounais. Et en rédigeant son ordonnance d'incompétence en septembre 2021, le juge d'instruction ouvrira la voie à un procès contre Camrail (Bolloré). Ce que faisant, le sieur Bimaï et Sitrafer assigneront trois mois plus tard Camrail et ses acolytes au TPI avec constitution de partie civile. Les parties civiles seront d'ailleurs auditionnées dès le 11 mars 2022.

Pourtant, dans ces différentes affaires, le dilatoire est la ligne directrice de Camrail du groupe Bolloré. Tenez ! Alors même qu'au pénal la seconde plainte, celle au TPI a été enregistrée, les frais de consignation payés et la partie civile entendue, Sieur Bimaï et Sitrafer, ont curieusement reçu en avril 2022 des convocations d'avoir à se trouver et à comparaître par devant la cour d'Appel du Littoral à Douala statuant en chambre de contrôle de l'instruction.

En effet, les conseils de Camrail auraient interjeté appel le 15 octobre 2021 de l'ordonnance d'incompétence du Juge d'instruction sur les délits constatés et d'évidence très graves. Quant à la plainte au civil, le TGI a rejeté toutes les exceptions, nombreuses, alléguées par Camrail du groupe Bolloré. Et alors que ses conclusions sur le fonds étaient requises à l'audience du 11 avril 2022, Camrail n'a rien produit, préférant solliciter un ultime renvoi pour ce faire. Un renvoi ferme lui a été accordé pour le mois de juin 2022.

Après les dilatoires, la fuite ?

C'est sur ces entrefaites que, patatras, l'annonce du désengagement du groupe Bolloré de toutes ses représentations africaines au profit du groupe MSC tombe. La fuite ? Il va de soi qu'au plan pénal, la maison mère, ici le Groupe Bolloré, demeure responsable et comptable des délits perpétrés par ses filiales, qu'il s'agisse de Bolloré Africa Logistics (BAL) ou de Camrail.A ce titre, l'affaire Sitrafer-Camrail (Bolloré), pourrait donc rapidement se muer en une série à rebondissement au Cameroun comme en France.

Mais, il reste les procédures au civil auxquelles le repreneur MSC pourrait brutalement être confronté. Et pas seulement au Cameroun, ni avec Sitrafer uniquement. Le groupe Bolloré a-t-il préféré se dérober à la multitude de procès dont il était inéluctablement appelé à faire face au regard de son fonctionnement très peu orthodoxe partout en Afrique et a décidé de refiler la patate chaude à MSC ? Ce dernier groupe peut-il ignorer les multiples défis judiciaires qui l'attendent à la place du Groupe Bolloré ? L'avenir nous le dira ...

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