Egypte: Carnet de Voyage - Le pays entre ambitions pharaoniques et défis économiques

27 Juin 2022

Alors que le pays s'est engagé dans des chantiers pharaoniques dont le projet le plus emblématique est la nouvelle capitale administrative, l'Égypte doit faire face à des défis économiques et sociaux non négligeables. À commencer par une inflation galopante.

Un " diamant " surgit des sables. Le somptueux complexe St Regis Al Masa, " le diamant " en égyptien, s'est paré aux couleurs africaines pour accueillir les 29e Assemblées annuelles de la Banque africaine d'import-export (Afreximbank), du 15 au 18 juin. Construit en style oriental, ce joyau qui n'est pas sans rappeler le dôme d'Al-Wasl Plaza à Dubaï, du moins dans la forme, est situé au cœur de la nouvelle capitale administrative que l'Égypte est en train de construire en plein désert, à une cinquantaine de kilomètres du Caire. Un projet pharaonique qui mobilise deux millions d'ouvriers. Hôpitaux, aéroport, salles de spectacle, ligne de Tgv, gratte-ciel (dont une tour de 400 m qui sera la plus haute d'Afrique), 35 km2 d'espaces verts, des lacs artificiels... Tout est prévu pour en faire " l'une des plus grandes capitales du monde utilisant les technologies de dernière génération ", nous expliquait Khaled El Husseiny Soliman, coordonnateur du projet, lors de notre première visite sur le site en janvier 2020.

Deux ans plus tard et six ans après le lancement officiel des travaux, la nouvelle ville prend progressivement forme. En plus du complexe St Regis Almasa, des hôtels, des logements ou encore le quartier administratif... sont sortis de terre. D'ailleurs, avant la fin de l'année, tous les Ministères et les 53 000 fonctionnaires égyptiens devraient déménager dans le nouveau quartier administratif qui s'étend sur 150 à 200 km2 (730 km2 pour tout le projet). Le coût global de la première phase du projet est estimé entre 30 et 35 milliards de dollars. Mais, le Gouvernement ne va débourser " aucune livre égyptienne ", expliquait Khaled El Husseiny. Qui va prendre alors en charge cet énorme investissement ? La réponse n'est pas claire. L'État a créé une société privée dénommée Nouvelle capitale administrative pour le développement urbain (Acud, en anglais), pour chapeauter le projet. C'est cette société qui octroie les terrains et signe les Partenariats public-privé (Ppp) avec les sociétés désirant s'installer sur place. Les revenus sont réinvestis dans les infrastructures publiques (réseau d'assainissement, routes, adduction d'eau, électricité, etc.). L'objectif du projet, c'est de décongestionner la capitale, Le Caire, qui étouffe sous les embouteillages monstres, sans l'isoler de la nouvelle capitale administrative. Située à l'est du Caire, à l'intersection des principaux axes routiers entre Suez et Ain El Sukhna, la nouvelle capitale permet de " rééquilibrer le développement vers l'est " tout en profitant de l'infrastructure existante, soulignait Khaled.

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En accueillant, dans cette " cité surgie des sables ", les 1500 participants aux Assemblées annuelles d'Afreximbank, le Président égyptien a voulu mettre en lumière ses réalisations en matière d'infrastructures et ses rêves de grandeur. Impressionné par ce qu'il a vu et ce chantier " pharaonique ", le Président d'Afreximbank, le Professeur Benedict Oramah, a reconnu " les réalisations exceptionnelles " du Président égyptien et sa " détermination " à changer le visage de son pays. " Si nous voulons changer le visage du continent africain et en faire un continent capable de réaliser les espoirs de son peuple et de sa jeunesse, nous devons développer les infrastructures pour y arriver ", lui a répondu Abdel Fattah al-Sissi.

Une inflation à deux chiffres

Alors que le pays amorce un tournant en matière de développement infrastructurel, il reste confronté à d'énormes défis économiques. Grand importateur de céréales (12 millions de tonnes par an), l'Égypte est fortement affectée par la crise russo-ukrainienne, avec une inflation frôlant les deux chiffres. Une crise qui a poussé le pays à solliciter, le 23 mars dernier, l'assistance du Fonds monétaire internationale (Fmi). " L'environnement mondial en évolution rapide et les retombées liées à la guerre en Ukraine posent des défis importants pour les pays du monde entier, y compris l'Égypte. Dans ce contexte, les autorités égyptiennes ont demandé le soutien du Fmi pour mettre en œuvre leur programme économique global ", expliquait Mme Céline Allard, Cheffe de mission du Fmi pour l'Égypte. " La situation est difficile pour tout le monde. Les prix de certains produits ont presque doublé ", a commenté Abdel Aziz, un habitant du Caire.

Pour atténuer l'impact de ce choc sur l'économie et la population, la Banque centrale égyptienne a pris un ensemble de mesures macroéconomiques et structurelles. S'exprimant à l'occasion des Assemblées annuelles d'Afreximbank, son Gouverneur, Tarek Amer, a expliqué que beaucoup de liquidités ont été injectées dans le secteur privé afin de stabiliser les prix. " Les banques centrales représentent une sauvegarde pour nos populations ; c'est pourquoi il est fondamental de garantir leur indépendance ", a plaidé Tarel Amer, appelant les institutions financières africaines à une " action commune " pour surmonter la crise et juguler cette inflation qui menace la reprise économique.

En ce qui concerne la crise ukrainienne, la priorité a été, selon lui, une " réorganisation de l'utilisation des réserves de change ". De son côté, le Fmi juge que le maintien de la flexibilité du taux de change sera essentiel pour absorber les chocs extérieurs et préserver les réserves financières en cette période d'incertitude. Des politiques budgétaires et monétaires prudentes " seront également nécessaires pour préserver la stabilité macroéconomique ".

D'après la Banque africaine de développement (Bad), la dette publique totale était estimée à 90,6 % du Pib en 2021, mais devrait diminuer régulièrement pour aboutir à 77,2 % d'ici à 2025. " L'Égypte doit rallonger l'échéance de sa dette et diversifier sa base d'investisseurs pour gérer son risque de refinancement et limiter celui lié au refinancement de la dette. En outre, le pays doit continuer à mettre en œuvre des réformes structurelles afin de promouvoir le développement du secteur privé et améliorer la mobilisation des ressources intérieures ", a recommandé la Bad dans une note. L'activité du secteur du tourisme, qui représente environ 5,5 % du Pib et 9,5 % de l'emploi, a subi de plein fouet les conséquences de la pandémie de la Covid-19, même si l'économie s'est montrée résiliente ces deux dernières années. Autant dire que les défis économiques restent entiers.

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