Burundi: Assurances - L'affluence reste faible, les assurés se lamentent

Alain-Guillaume Bunyoni, lors de l’ouverture de la semaine dédiée à l’assurance, à Bujumbura, sur le boulevard de l’Indépendance
2 Août 2022

Retard de paiement d’indemnisations, ignorance et manque d’informations suffisantes… C’est ce qui explique la réticence des Burundais  au secteur d’assurance. Une bonne pratique qui devrait néanmoins attirer du monde selon le gouvernement.  

« Faire assurer mes biens, c’est vraiment une bonne chose.  Seulement, le problème se trouve au niveau de nos compagnies d’assurance. Dans leurs publicités, elles te miroitent des avantages, des intérêts, … Elles te font des promesses. Mais, quand il y a un accident, ça peut te prendre des mois, des années sans être indemnisé », se lamente King Bukuru, un commerçant de Bujumbura.

A titre d’exemple, il signale qu’en 2017, il a eu un accident de voiture. « Une autre voiture m’a cogné. Et la police a fait le constat. Et ça a pris cinq mois pour que je sois indemnisé. Or, je payais régulièrement l’assurance. »

Pour ce père de famille, il y a eu un long processus pour le paiement de l’indemnisation.  « Or, ça devrait prendre une courte durée », suppose-t-il, appelant les compagnies d’assurance à rectifier le tir.

Le cas de King n’est pas isolé. Thimothée, un autre homme de Bujumbura a un autre exemple : « Moi, ma moto a été percuté par un camion. Et la moto a été déclassée et le chauffeur blessé. J’ai passé plusieurs années à réclamer le paiement de l’indemnisation auprès de ma compagnie d’assurance, en vain. J’attends encore. »

D’après lui, cette lenteur, ces longues procédures administratives font que beaucoup de Burundais ne sont pas emballés à faire assurer leurs biens. « Je suis sûr que n’eût-été le fait l’assurance des voitures, des motos, est obligatoire, beaucoup de gens préféreraient rouler sans assurance », parie-t-il, notant que c’est pour cette raison que peu de Burundais font assurer les marchandises, les maisons, les champs agricoles, … « Parce que là, ce n’est pas obligatoire. »

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D’autres Burundais ignorent totalement ce qui est l’assurance. « Pourquoi payer de l’assurance ? C’est pour rendre riche les responsables de ces compagnies d’assurance. Même pour ma voiture, si ce n’était pas obligatoire, je ne paierais pas », confie I.N, habitant de Nyakabiga, au centre de Bujumbura.

D’un sérieux, ce père de quatre enfants dit ne pas comprendre le bien-fondé de faire assurer ses marchandises. « Supposons que je paie 100 dollars américains pour mes marchandises. Au bout, d’une année, ça sera 1200 dollars américains. Et s’il ne m’arrive  aucun incident, vont-ils me remettre cet argent ? », lance-t-il.

Le gouvernement relève aussi des lacunes  

Procédant à l’ouverture de la semaine de l’assurance, vendredi dernier, Alain Guillaume Bunyoni, Premier ministre de la République du Burundi s’est insurgé lui aussi contre certaines attitudes des sociétés d’assurance.

D’après lui, au lieu de servir les handicapés physiques suite aux accidents de la route, ces compagnies engagent des procès interminables dans des cours et tribunaux.  Il leur a ainsi recommandé, de soigner leur image. Car, a-t-il expliqué, la perception des assureurs par les bénéficiaires des services dépend de la qualité des services rendus. « Cela dépend également de la rapidité et la prise en compte des dossiers soumis par les assurés aux assureurs », a-t-il souligné.

Malgré ces manquements relevés dans le fonctionnement des compagnies d’assurance, M. Bunyoni estime qu’il est important d’adhérer à l’assurance.  D’où son appel aux Burundais, aux commerçants, aux hommes d’affaires à faire assurer leurs biens, leurs familles : « C’est une bonne pratique et une meilleure façon de protéger vos biens, et familles. On ne connaît pas l’heure de l’accident et de la mort », a-t-il lancé

Un taux d’adhésion encore faible

D’après les données du ministère des Finances, au niveau national, l’industrie des Assurances compte 17 sociétés d’assurances dont 10 sociétés d’assurance-vie, six pour assurance-vie et une société d’assurance composite. Il y a également 30 sociétés de courtage et 324 mandataires non-salariés qui disposent de cartes professionnelles délivrées par l’Agence de Régulation et Contrôle des Assurance (Arca).

« Le taux de pénétration reste faible », précise ce ministère, notant qu’il est passé 0,77% en 2016 à 1,04 % en 2021. Et le chiffre d’affaires du secteur des assurances est passé de plus de 17millions de dollars américains en 2014 à plus de 38 millions de dollars américains en 2021.

A côté de l’amélioration des services rendus, pour booster ce secteur, Domitien Ndihokubwayo, ministre des Finances recommande notamment de la sensibilisation et le développement des micro-assurances accessibles par la population à faible revenu.

Les assureurs se justifient

Face aux lamentations des assurés, Rénovat Gahungu, président de l’association des assureurs du Burundi signale que les retards des paiements des indemnités ont deux causes. Il reconnait d’abord que certaines compagnies n’honorent pas leurs engagements très systématiquement et rapidement.

« S’il s’avère que la responsabilité des retards et du côté les sociétés d’assurance, on se mobilise. Nous essayons de faire des recommandations au niveau de l’association lors des réunions. Nous ne cessons pas d’appeler les sociétés à indemniser et accompagner les victimes. »

En cas de refus, il indique que cette fois-ci, c’est l’ARCA qui doit s’impliquer et prendre des mesures contraignantes.

Ensuite, M. Gahungu affirme que  le processus  dans la police ou en justice pour établir les responsabilités en cas d’accident peut prendre une longue période. « Et des fois, les assurés ignorent ce long processus et pensent que c’est du côté des compagnies d’assurance que le dossier traîne », poursuit-il.

Et d’assurer : « Les compagnies d’assurance sont là pour indemniser les victimes. Et surtout remettre en l’état les biens qui ont subi des dommages. »

 

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