Afrique: Vera Songwe alerte sur les conséquences de tout retard sur l'investissement climatique

Mme Vera Songwe, la Secrétaire générale adjointe des Nations unies et Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique (Cea)
4 Août 2022

La Secrétaire générale adjointe des Nations unies et Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l'Afrique (Cea) estime que « même si le monde s'efforce de contenir l'inflation et de faire face au coût de la nourriture et de l'énergie, l'investissement climatique nous ne pouvons pas retarder cet investissement ».

Vera Songwe l'a fait savoir à l'ouverture des travaux du Forum régional africain sur les initiatives climatiques à financer l'action pour le climat et les Objectifs de développement durable (Odd). Une rencontre qui se tient en prélude à la COP 27 prévue du 7 au 18 novembre 2022 à la station balnéaire de Charm el-Cheikh, en Égypte.

En fait, estime-t-elle, l'investissement prioritaire en Afrique apportera les retours sur investissement les plus rapides et, par conséquent, peut être au cœur de la reprise mondiale.

C'est ainsi qu'elle a souligné certaines des priorités qui, à son avis, sont des plates-formes pour cette reprise - une reprise qui aide les pays africains à générer leurs propres ressources pour investir dans leurs priorités - dont la principale est la résilience climatique.

Pour Vera Songwe, la COP africaine est une COP de développement devant permettre d'investir correctement dans un avenir durable partagé.

A cet effet, elle estime que la communauté internationale doit reconnaître l'ampleur de l'urgence et la nature interconnectée de la réponse à la reprise de la COVID-19, à la crise climatique et à la crise alimentaire et énergétique associée à la guerre en Ukraine.

Pour la patronne de la CEA, cela signifie opérationnaliser de toute urgence les mécanismes de développement avec des fonds qui doivent provenir du Fonds pour la résilience et la durabilité. Dans la même foulée, elle invite  les banques multilatérales de développement à augmenter le flux de fonds vers les infrastructures durables.

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Un appel qu'elle justifie par le fait que le déficit de financement des infrastructures en Afrique est estimé entre 130 et 170 milliards de dollars par an jusqu'en 2025.

Du moment que le continent doit faire face aux impacts immédiats du changement climatique dans la mesure où 55 millions de personnes sont confrontées à l'insécurité alimentaire dans la Corne de l'Afrique en raison de l'impact combiné des années successives de la sécheresse et les perturbations de la chaîne alimentaire.

Devant cet état de fait, la Secrétaire générale adjointe de l'ONU considère que des fonds doivent être acheminés pour faire face aux pertes et aux dommages, tandis que nous investissons dans la résilience climatique à plus long terme.

Plaidoyer pour des investissements audacieux

Sur la même lancée, Mme Vera Songwe indique l'accroissement des investissements du secteur privé comme une priorité.

Alors que la promesse des 100 milliards USD de financement climatique n'a pas encore été tenue, rappelle-t-elle, les besoins des pays africains continuent d'augmenter, avec 3 000 milliards USD d'investissements requis pour les seuls CDN africains d'ici 2030, tandis que l'accès universel à l'électricité devrait coûter cher 500 milliards de dollars.

Alors qu'un rebond a été observé dans les investissements du secteur privé dans les énergies renouvelables en 2021, fait-elle remarquer, les promesses d'investissement globales sont inférieures de 12 % à la moyenne des cinq années précédentes.

Pour elle, en ces moments de grande incertitude, des investissements audacieux sont nécessaires dans la salle des machines de l'activité économique, à commencer par l'énergie.

Vera Songwe considère que les énergies renouvelables représentent l'opportunité à long terme la plus sûre pour l'Afrique, mais la transition juste de l'Afrique dépend de l'avancement rapide de sa capacité de production de base.

Et dans de nombreux cas, poursuit-elle, celle-ci devra être construite sur des sources d'énergie telles que le gaz pour faciliter cette transition.

Avant d'ajouter que « nous sommes également encouragés par l'immense opportunité de l'Afrique pour l'hydrogène vert et demandons instamment que le continent soit prioritaire pour le déploiement d'initiatives utilisant ces technologies ».

Encourager le lien entre la réduction des émissions et la mobilisation des revenus

Dans son appel à développer l'investissement climatique, Vera Songwe pense que la communauté doit également développer le marché de la finance durable en Afrique.

C'est dans ce sens qu'elle a rappelé que la CEA a lancé une facilité de liquidité et de durabilité pour améliorer l'accès au marché des pays africains en augmentant la liquidité de leurs instruments de dette et donc la demande des investisseurs privés pour ces instruments.

A son avis, le LSF pourrait permettre aux émetteurs africains d'économiser jusqu'à 11 milliards USD sur cinq ans en frais d'intérêts. En outre, la facilité vise à encourager les investissements liés aux ODD, notamment en augmentant les émissions d'obligations vertes.

D'après elle, l'Afrique devra également investir simultanément dans l'atténuation et l'adaptation pour le développement.

Selon elle, les meilleurs projets présentés dans ce Forum régional permettront à l'Afrique de s'adapter au changement climatique tout en créant des voies de développement à faible émission de carbone et des moyens de subsistance durables.

De plus, poursuit la Secrétaire exécutive de la CEA, nous devons encourager le lien entre la réduction des émissions et la mobilisation des revenus.

Mme Songwe assure que les crédits carbones offrent une opportunité de générer des revenus fiables pour l'Afrique, en encourageant un développement à faible émission de carbone et en attirant des investissements pour soutenir les moyens de subsistance.

À cet égard, confie-t-elle, la CEA soutient les pays membres de la Commission du climat du bassin du Congo dans un registre régional de haute intégrité visant des projets de haute qualité qui améliorent à la fois l'environnement naturel et contribuent aux moyens de subsistance.

Grâce à la seule séquestration basée sur la nature, souligne-t-elle, les pays africains peuvent fournir 30% des besoins mondiaux de séquestration. Avec un prix d'au moins 50 USD la tonne, ajoute-elle, nous serions également en mesure de mobiliser environ 15 milliards USD par an pour les pays africains.

Créer des chaînes de valeur durables

Dans cette logique d'encourager les investissements climatiques en Afrique, Vera Songwe pense que le continent doit créer des chaînes de valeur durables et investir dans une transformation numérique verte.

A cet effet, elle appelle les pays à investir dans la production des biens et services qui font partie intégrante d'un développement à faible émission de carbone.

C'est ainsi qu'elle a remis au goût du jour l'étude de Bloomberg, soutenue par la CEA, qui avait montré que le coût de la production de précurseurs de batteries à proximité de la source d'extraction des minéraux des batteries en RDC serait de 15 à 20 % moins cher qu'une autre destination et contribuerait à 30 % d'émissions en moins que s'il était fabriqué en Asie.

D'après elle, les nombreux avantages économiques, sociaux et environnementaux d'une économie circulaire s'alignent sur les priorités de développement du continent, notamment la promotion des industries nationales, la diversification économique, la création d'emplois, la réduction de la dépendance aux importations dans de nombreuses chaînes de valeur et la réduction du coût de certains biens et services.

Des TIC plus vertes pour réduire l'intensité carbone globale des réseaux

Au cours des deux dernières décennies, ajoute-t-elle, le développement de l'Afrique a également été alimenté par la croissance effrénée des technologies numériques.

Pour favoriser le développement numérique sur le continent, fait-elle savoir, des investissements importants sont encore nécessaires dans les centres de données, la 5G et les infrastructures de cybersécurité.

Mme Songwe pense que compte tenu de la crise climatique mondiale actuelle et de son engagement en faveur de l'action climatique, l'Afrique devrait utiliser des TIC plus vertes pour réduire l'intensité carbone globale des réseaux.

Avant de lancer : « à Sharm el Sheikh, nous voulons de l'action ». Pour elle, cela signifie des fermes solaires qui connectent les maisons à l'électricité et fournissent de l'énergie pour l'irrigation afin d'améliorer la production alimentaire.

Et d'ajouter, cela signifie investir dans la réhabilitation des mangroves pour fournir une protection côtière et améliorer les moyens de subsistance de la pêche et de l'écotourisme mais également investir dans des actions qui comptent et qui ont un impact.

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