Cote d'Ivoire: Grâce présidentielle pour Gbagbo - Le glaive de la justice s'éloigne définitivement pour le Woody

L'ex-chef de l'Etat, Laurent Gbagbo
analyse

"Dans le souci de renforcer la cohésion sociale, j'ai signé un décret accordant la grâce présidentielle à M. Laurent Gbagbo. J'ai également demandé qu'il soit procédé au dégel de ses comptes et au paiement de ses arriérés de rentes viagères".

La décision prise dans le cadre de la fête de l'Indépendance avait beau être prévisible, l'annonce faite par le président Alassane Ouattara n'en est pas moins un événement, même s'il s'agissait d'une recommandation issue du dialogue politique Pouvoir/Opposition/Société civile pour décrisper le climat sociopolitique éternellement tendu depuis de longue date.

Cette rencontre intervient aussi, ne l'oublions pas, après celle tripartite Ouattara/Bédié/Gbagbo - une autre recommandation issue du fameux dialogue politique - qui a eu lieu le 14 juillet 2022 dans une atmosphère particulièrement détendue comme on l'a vu sur les images qui ont circulé à l'époque. Pour un peu, on croirait à des retrouvailles entre vieux copains alors que depuis trois bonnes décennies, les trois éléphants de la faune politique ivoirienne se battaient férocement pour la gestion du pouvoir, avec le plus souvent l'un pactisant avec l'autre en fonction des circonstances contre le troisième.

Pour un cadeau d'anniversaire donc, c'en est véritablement un pour l'ancien président Laurent Gbagbo. Avec cette nouvelle donne, le Woody, entendez par-là, le Guerrier en bété, voit définitivement s'éloigner le glaive de la justice qui planait sur sa tête depuis son retour au bercail. Car, si après de longues années de procédure et de procès, il avait fini par s'extirper des fourches caudines de la Cour pénale internationale (CPI), il restait sous le coup d'une condamnation de la justice ivoirienne à 20 ans de prison dans le dossier dit du braquage de la BCEAO. En janvier 2018, quatre principaux accusés (l'ex-président Laurent Gbagbo et trois de ses ministres - l'ex-Premier ministre Gilbert Aké N'Gbo, l'ex-ministre des Finances, Désiré Diallo, et Koné Katinan, ex-ministre du Budget) sont condamnés à vingt ans de prison et 329 milliards de FCFA d'amende (500 millions d'euros) à payer à l'Etat ivoirien pour avoir au moment de la crise post-électorale de 2010-2011 donné l'ordre d'ouvrir les coffres des agences de la BCEAO, la Banque centrale ouest-africaine alors que l'institution sous-régionale avait pour consigne de bloquer les comptes de l'Etat ivoirien.

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Liberté définitive donc pour l'ex-enfant terrible de Mama qui devrait empocher au passage quelque deux milliards de francs CFA, puisque l'Etat, en plus du dégel de ses comptes bancaires, devra lui verser les arriérés de sa liste civile d'ancien chef d'Etat. De quoi donc couler une retraite paisible, même si on le sait, il se verrait bien être candidat à la présidentielle de 2025, et prendre sa revanche, lui qui avait été chassé du pouvoir à l'issue du conflit postélectoral de 2010-2011. La sagesse voudrait pourtant, même si dans cette bataille à mort c'est ADO qui est sorti finalement vainqueur en se tapant trois mandats, que le trio infernal qui pourrit la vie sociopolitique ivoirienne depuis les années 90, rejoigne enfin le cimetière des éléphants que leur indique d'ailleurs une bonne partie des jeunes de leurs camps respectifs qui ont légitimement le droit de prendre la relève.

En attendant, il faut espérer que cette grâce présidentielle s'étendra à de nombreux autres Ivoiriens qui ont pu être condamnés pour des raisons liées à la politique. Il faut reconnaître que les poursuites judiciaires ont souvent été à géométrie variable pour des raisons politiques. Et à condamnation politique, il faut une grâce tout aussi politique. Alors, serait-ce bientôt le tour de Charles Blé Goudé, compagnon d'infortune de Gbagbo à la Haye, et, surtout, de Guillaume Soro qui avait écopé d'une lourde peine et avait fui le pays ?

La question mérite d'autant plus d'être posée que pour Laurent Gbagbo et ses partisans c'est bien, mais ce n'est pas arrivé, comme auraient pu le dire les commerçants du marché d'Adjamé ou de Treichville. En effet, en lieu et place de la grâce présidentielle, le Woody et ses fidèles auraient souhaité une amnistie qui efface totalement la peine, cela d'autant plus qu'il n'a jamais véritablement reconnu sa responsabilité dans cette histoire. On comprend donc qu'il ait dans une certaine mesure boudé la cérémonie du 62e anniversaire de l'indépendance de la Côte d'Ivoire.

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