Cameroun: Une Cour d'appel déroutée par un huissier de justice et un avocat

29 Septembre 2022

ROUBLARDISE. L'homme d'affaires "Longchamp" accusé avec son avocat et son huissier de justice d'avoir orchestré un faux en écritures publiques et profité de déclarations mensongères et de fabrica- tions de preuves pour accaparer un lopin de terre à Banka dans l'Ouest du pays.

Dans quelles conditions la Cour d'appel de l'Ouest avait- elle rendu l'arrêt N°22/civ, le 17 mars 2021, dans une affaire opposant M. Jean-Claude Nguemeni aux ayants-droit de feu Mme Monkam Elise, décédée le 6 juin 2019 ?

Cette question est au centre d'une enquête judiciaire ouverte en juin 2022 devant le Tribunal de grande instance (TGI) du Haut-Nkam à Bafang. Un homme d'affaires, M. Nguemeni Jean-Claude plus connu sous le petit nom de Longchamp, un avocat, Me Ngadjui Siko Louis Nestor, et un huissier de justice, Me Djoumgoue Benjamin, sont les principales cibles d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par M. Monkam Nitcheu Guy Faustin, frère et héritier de la défunte Monkam Elise.

Ces derniers doivent répondre de trois infractions au total : "faux en écritures publiques et authentiques, déclarations mensongères et fabrication de preuves". Les actes incriminés ont été posés dans le cadre d'une bataille judiciaire pour la dispute d'un lopin de terre à Banka dans l'arrondissement de Bana.

M. Monkam Nitcheu accuse les deux hommes de loi d'avoir usé de tricherie pour faire obtenir à l'homme d'affaires une décision de justice prétendument contradictoire. L'arrêt querellé avait été rendu par un trio des juges conduit par M. François Xavier Mbono, le président de la Cour d'appel lui-même. Mais le processus ayant abouti à cette décision est jonché d'actes de faux.

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C'est que, de son vivant, Mme Monkam Elise avait elle-même interjeté appel contre deux décisions de justice rendues en sa défaveur par le TGI de Bafang le 7 mars 2016 et le 15 février 2017 . Sauf qu'après le décès de la recourante, ni sa famille, si son conseil n'avaient reçu l'ordonnance fixant les frais de reproduction du dossier et l'avis d'audience de la Cour d'appel. C'est à la suite des recherches engagées après la découverte de l'arrêt du 17 mars 2021 que le pot aux roses sera découvert.

Sommation interpellative

Quelles sont les découvertes faites par la famille de Mme Monkam à la suite de ses recherches ? Elle découvre que le président de la Cour d'appel avait effectivement rendu l'ordonnance N°342 le 8 octobre 2020 pour fixer au 14 octobre suivant la date de la première audience de l'affaire. Et, dans le dossier de la procédure, cette ordonnance est réputée avoir été transmise (signifiée) le 13 octobre à Mme Monkam Elise, pourtant décédée en juin 2019, avec la précision que cette signification a été faite par exploit d'huissier de justice au domicile de la concernée à Banka, précisément entre les mains de "son frère", le nommé Kolloko, qui devrait lui transmettre l'acte en question. L'huissier de justice instrumentaire, Me Djoumgoue Benjamin, aurait agi à la demande du greffier en chef de la Cour d'appel de l'Ouest à Bafoussam.

M. Kolloko étant inconnu de la famille de Mme Monkam Elise et cette dernière étant disparue long- temps avant la prétendue significa- tion de la date d'audience de la Cour d'appel, une "sommation interpel- lative" sera servie à Me Djoumgoue Benjamin le 22 juin 2021, pour qu'il s'explique sur l'authenticité de ce qui est déclaré en son nom dans le dossier judiciaire. L'huissier de justice ayant contesté sa signature et les énonciations contenues dans l'exploit qui lui est attribué, des investigations supplémentaires seront menées dans les services du greffe de la Cour d'appel. Elles permettent de découvrir que la correspondance du greffier en chef destinée à Mme Monkam Elise et signée le 9 octobre 2020, a été "déchargée le même 9 octobre 2020 pour notifi- cation par voie d'huissier de justice par Me Ngadjui Siko Louis Nestor". Or, Me Ngadjui Siko Louis Nestor, qui est avocat, est connu de la famille Monkam comme le conseil et petit frère de M. Nguemeni Jean-Claude.

L'avocat n'ignore pas que Mme Monkam n'est pas de ce monde, disent les membres de la famille Monkam, qui le reconnaissent comme leur voisin. Incongruités... Il se trouve que le 13 juillet 2020, par un autre exploit fait au nom de Me Djoumgoue Benjamin, huissier de justice à Bafang, la défunte Mme Monkam Elise est réputée avoir reçu notification, toujours par l'en- tremise de "Kolloko, son cousin ainsi présenté", d'une ordonnance de M. le président du TGI du Haut- Nkam datée du 4 octobre 2018 par laquelle celui-ci a fixé "les frais de reproduction du dossier à 30.000 francs". Cet autre exploit d'huis- sier de justice réputé faux est à la base de la délivrance le 7 septembre 2020 par le greffier en chef dub TGI du Haut-Nkam, d'un procès-verbal de carence ayant servi dans l'enrôlement de la procédure de recours initiée par Mme Monkam Elise à la Cour d'appel de l'Ouest dont l'issue a été favorable à M. Nguemeni Jean-Claude. Ce sont toutes les incongruités ras- semblées par la famille Monkam qui sont à l'origine de la plainte avec constitution de partie civile introduite le 30 mai 2022 devant le juge d'instruction du TGI de Bafang.

Rappelons que l'arrêt N°22/civ rendu le 17 mars 2021 par la Cour d'appel de l'Ouest précédé par tous ces actes argués de faux avait confirmé le jugement N°06/civ du TGI du Haut-Nkam.

Par ce jugement ; le tribunal déclare que "l'im- meuble objet du Titre foncier N°2423/H-N est attribué en toute propriété à Nguemeni Jean- Claude". Il ordonne aussi "à M. le conservateur de la propriété fon- cière du Haut-Nkam de procéder à la mutation au profit de Nguemeni Jean-Claude du Titre foncier N02423/H-N". La copie-grosse (expédition définitive) de cet arrêt avait été signifiée à M. Monkam Nitcheu Guy Faustin par l'entremise de son avocat le 1er juin 2021, lui permettant de constater les conséquences des manigances faites au niveau du TGI de Bafang et à la Cour d'appel de l'Ouest dans le dossier de sa défunte sœur. M. Monkam Nitcheu avait alors fait pourvoi et saisi, avec succès, le président de la Cour suprême pour paralyser les effets de l'arrêt du 17 mars 2021. L'affaire est loin d'être achevée.

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