Tunisie: Entreprises citoyennes et gouvernance locale - Le grand défi de Saïed

4 Octobre 2022

C'est le projet personnel du Président de la République, avant même son accession au pouvoir. Impliquer les citoyens dans le développement local de leurs régions, c'est l'idée qu'il défend interminablement pour booster le développement, notamment dans les gouvernorats intérieurs du pays.

Le Président de la République, Kaïs Saïed, a donné samedi dernier le coup d'envoi de la réunion de préparation du lancement de la première entreprise citoyenne. Un nouveau concept, certes innovant, mais qui se heurte, selon les observateurs de la scène nationale, à de nombreux obstacles, dont notamment la capacité des citoyens à s'entendre autour d'un même projet.

En tout cas, le coup d'envoi de ces entreprises inédites a été donné à Beni Khiar dans le gouvernorat de Nabeul, où le locataire de Carthage était présent. Selon un bref communiqué de la présidence de la République, le projet consiste en l'exploitation de parcelles des terres domaniales à Béni Khiar. La séance s'est déroulée à la Maison des jeunes de la ville, en présence de responsables locaux et de citoyens, dont notamment les jeunes actionnaires de cette entreprise.

Qu'est-ce qu'une entreprise citoyenne ?

Publié en mars dernier, un décret présidentiel stipule la création de ce genre d'entreprises. Le même décret définit la société citoyenne comme étant toute personne morale créée par un groupe d'habitants d'une région, et qui vise à réaliser l'équité sociale et une répartition équitable des richesses par l'exercice collectif d'une activité économique à partir de la zone où ils sont installés.

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L'objectif de ces nouvelles entités est la réalisation du développement régional, en particulier dans les délégations, avec une gestion collective des habitants, en fonction des besoins et des spécificités de leurs régions.

Les entreprises citoyennes auront pour mission la création de projets économiques en réponse aux besoins des habitants et en respect des spécificités de la région concernée et la gestion et la direction de ou des projets sous son contrôle.

D'autres entreprises suivront

La gouverneure de Nabeul, Sabeh Malek, a affirmé qu'une deuxième entreprise citoyenne sera créée au niveau de la délégation de Takelsa, ainsi que deux autres d'ici le mois de novembre au niveau de Soliman. " Elles permettront de valoriser des biens de l'Etat non-exploités dans le cadre d'un partenariat entre l'Etat et les citoyens ".

Elle a également indiqué que les entreprises citoyennes peuvent être régionales avec un capital de 20 mille dinars ou locales pour un capital de dix mille dinars.

Donc, en premier lieu, ces entreprises semblent s'intéresser au patrimoine de l'Etat souvent voué à l'abandon. Une situation marquée par un gâchis qui traîne depuis plusieurs décennies. Au fait, la révolution de 2011 a remis en cause la politique des terres domaniales en Tunisie. D'ailleurs, plusieurs actions de récupération de terres ont eu lieu dans plusieurs régions. Sauf que leur gestion reste toujours ambiguë.

" La participation de l'Etat se fait sous la forme d'un apport en nature, tel un immeuble ou un terrain. Les citoyens faisant partie de l'entreprise citoyenne ont les mêmes droits de vote et de prise de décision ", a précisé la gouverneure. Et d'ajouter : " Les entreprises citoyennes permettront aux habitants d'une région d'exploiter les terrains, les biens et les richesses afin de créer des emplois et de la richesse ", précisant que ces entreprises incluent tous les secteurs et que 20% de leurs gains doivent être dédiés aux actions sociales, culturelles et environnementales de la région, dans le cadre du rôle social des entreprises (RSE).

En Tunisie, la loi de janvier 1995 a fixé les formes de gestion des terres domaniales, dont une partie a été attribuée à des acteurs privés. Depuis l'indépendance en 1956, les politiques agricoles tunisiennes ont visé la croissance économique, mais aussi la lutte contre le chômage. Soucieux de créer de l'emploi pour les jeunes, mais aussi de rajeunir la population agricole, l'État a mobilisé une partie des terres domaniales dès les années 1990, en particulier lors de l'installation de périmètres irrigués, pour attribuer des lots aux jeunes agriculteurs.

On compte plus de 500.000 hectares (ha) de terres domaniales agricoles (TDA), dont 90.000 hectares sont exploités par des Sociétés de mise en valeur et de développement agricole (Smvda).

Sauf que la création de ces entreprises citoyennes ne fait pas l'unanimité pour plusieurs raisons. Certains pensent qu'il est difficile, voire impossible, de trouver le consensus autour de la gestion de ces entreprises avec un grand nombre d'actionnaires.

D'ailleurs, l'ancien ministre Faouzi Abderrahman a indiqué que cette première expérience présage ce qui va se passer à l'avenir, s'interrogeant sur l'utilité de cette catégorie d'entreprises, mais aussi sur ses inconvénients, soulignant que cette expérience rappelle le régime des terres collectives des années 60.

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