Cote d'Ivoire: Forum international sur le leadership et la prospective 2022 - Adama Coulibaly présente les conditions d'une souveraineté économique de l'Afrique

Dans le cadre de la cérémonie d'ouverture de l'édition 2022 du Forum international sur le leadership et la prospective organisé par le Centre d'Etudes Prospectives (CEP) ce lundi 3 octobre 2022 au Sofitel Hôtel Ivoire, un panel autour du thème " l'Afrique face à la reconstitution de l'ordre économique mondial " a été coanimé par le ministre de l'Economie et des Finances, Adama Coulibaly, son collègue du Budget et du Portefeuille de l'Etat, Moussa Sanogo, et le Président du Conseil de Surveillance et membre du conseil présidentiel pour l'Afrique mis en place par le président Macrode KPMG France , Lauriano Do Rego. Modératrice de ce panel, la ministre Kaba Nialé, a interrogé le regard du ministre Adama Coulibaly sur la question de la souveraineté économique de l'Afrique.

Pour la ministre du Plan et du développement, il s'agissait plus précisément de savoir comment ce continent s'organise en vue de conquérir sa souveraineté économique, indispensable à ses ambitions en terme de développement durable, non sans oublier la réforme sollicitée au niveau des institutions de Bretton Woods et le recours aux Droits de Tirages Spéciaux (DTS) pour financer le développement du continent dans les circonstances actuelles de besoins de plus en plus accrus en terme de confort de trésorerie.

La problématique ainsi posée, le ministre de l'Economie et des Finances s'est attelé d'abord à éplucher certains concepts clés comme la souveraineté alimentaire, la souveraineté économique vue sous l'angle de l'industrialisation et de la souveraineté monétaire. Dans un contexte mondialisé où la vie en autarcie n'est pas possible, la souveraineté économique doit être appréhendée comme une faible dépendance de l'Afrique vis-à-vis du reste du monde.

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De la dépendance des pays africains

Abordant la question de la dépendance alimentaire, le ministre Adama Coulibaly a dit ne pas comprendre que l'Afrique qui dispose de 60% des terres arables du monde puisse éprouver de réelles difficultés pour assurer sa souveraineté alimentaire ; une situation qui s'est notamment accrue avec la crise Russo-Ukrainienne avec le manque d'approvisionnement en engrais et en blé.

Relativement à la dépendance économique, le ministre de l'Economie et des Finances a regretté que plus de 60 ans après leur indépendance, les pays africains continuent d'exporter des matières premières. Aussi bien pour les produits agricoles que miniers. De sorte que finalement, la valeur ajoutée est essentiellement captée par les pays qui transforment et qui commercialisent lesdits produits. Prenant l'exemple du cacao, il a indiqué que lme business du chocolat rapporte 110 milliards de dollars.

" Les pays producteurs comme la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Cameroun, le Nigéria captent seulement 6% ; ce qui fait moins de 6 milliards de dollars. C'est quand même choquant que des pays, des populations qui s'échinent à produire ne puissent pas engranger suffisamment de ressources pour rémunérer leur labeur. C'est un problème assez sérieux ", a déploré le ministre Adama Coulibaly, tout en notant que le constat est le même au niveau minier avec la bauxite qui a pour produit fini l'aluminium, ainsi que le lithium qui rentre dans la fabrication des batteries,le tantale composant des smartphones, etc.

De la souveraineté monétaire et financière

Poursuivant son exposé, le Ministre de l'Economie et des Finances a noté que la souveraineté monétaire et financière suppose l'intégration du continent. Il s'est- félicité de la prise de conscience et surtout de la volonté politique et des avancées très importantes sur la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECAF). Son souhait est que cette zone de libre-échange aboutisse à une monnaie qui soit capable de fluidifie r les échanges.

" Les échanges intra-africains aujourd'hui, c'est 16%. En Europe, au niveau de l'Union Européenne (UE) qui dispose de la même monnaie, l'Euro, les échanges intra-européens, c'est 68%, c'est-à-dire que les pays échangent plus des 2/3 en termes d'importations et d'exportations. En Asie, c'est 59% d'échanges. Comparativement à l'Afrique où on a 16%, le constat est que les pays n'échangent pas entre eux.

Ça pose un problème très sérieux. Il faut donc aller vers des mécanismes qui permettent de soutenir, de renforcer davantage, de booster les échanges entre eux ", Or ici a encore a regretté le Ministre Adama Coulibaly, la multiplicité des monnaies en circulation sur le continent ne facilite pas les échanges. Et parfois pour des paiements entre pays voisins, il faut recourir à un pays tiers hors du continent. Il faut developper le marché des capitaux en Afrique

L'UA, a assuré le ministre Adama Coulibaly, en a pris bonne conscience. A ce propos, il a fait savoir qu'il est prévu de développer une union douanière, de développer également une zone économique, un marché commun africain et aussi une union monétaire africaine. Je pense que les choses vont avancer. " Dans le cadre de l'agenda 2063, il est prévu justement sur la période décennale 2013-2023 qu'il y ait des jalons qui soient fixés. Et nous voyons ces jalons avec la ZLECAF. Donc, il faut nécessairement faire en sorte que cette monnaie unique vienne, qu'elle soit une réalité et qu'elle puisse soutenir les échanges sur le continent ", a-t-il révélé.

De la réforme du système des Nations Unies et des institutions de Brettons Woods

" Quatre-vingt ans après, la situation a beaucoup changé. Les BRICS (Brésil, Russie, Chine, Afrique du Sud) représentent plus de 40% de la population. Ce n'était pas le cas il y a quatre-vingt ans. Donc, la dynamique a changé puisqu'on parle de prospective. Aujourd'hui, l'Afrique a une population qui représente à peu près 17% de la population mondiale. Mais à l'horizon 2050, ça sera 25% de la population. On ne peut pas ignorer ce poids démographique. Il faut absolument que tout cela soit pris en compte dans la réforme du système des Nations Unies. C'est pour cette raison que les pays africains demandent qu'il y ait une plus forte représentativité de l'Afrique dans ces instances internationales ", a-t-il expliqué.

Sur les institutions de Brettons Woods qui sont en fait la Banque mondiale et le Fonds monétaire internationale (FMI) qui fonctionnent sous forme de, le Ministre Adama Coulibaly a souligné que lors de la crise de la Covid en 2020, le FMI a mis à disposition 650 milliards de dollars de DTS. Cela, faut-il le rappeler, est destiné aux pays qui ont des parts dans le capital du FMI. " Mais toute l'Afrique n'a comme quota que 5%.

Ce qui fait que sur les 650 milliards, toute l'Afrique ne disposait que de 31 milliards, alors que les besoins les plus importants sont sur le continent. Les autres pays qui avaient des quotas plus importants n'avaient en fait pas besoin de ces DTS. Donc, le mécanisme qui a été mis en place était de dire que ces pays ont des réserves confortables et qu'ils n'ont pas besoin de ces ressources. Leurs DTS pourraient alors être réallouer aux pays africains qui en ont le plus besoin. Les discussions ont continué.

Aujourd'hui les fonds qui sont constitués n'ont pas atteints le niveau requis puisqu'on demandait 100 milliards de dollars. Nous sommes aujourd'hui à peu près à 40 milliards de dollars. Il y a donc des efforts à faire ", a estimé le Ministre de l'Economie et des Finances, avant d'insister sur la nécessité de réformer le système pour que les pays qui sont vraiment dans le besoin soient ceux-là qui bénéficient le plus des ressources de ces institutions. Et du point de vue politique également, a-t-il ajouté, il faut qu'on soit à la table où les décisions se prennent. " Il faut que les pays africains soient plus représentés dans les instances et que les décisions soient prises en toute connaissance de cause pour satisfaire les pays qui ont le plus besoin de ressources ", a conclu le ministre Adama Coulibaly.

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