Ile Maurice: Tina Staub - Nager pour soulager des vies

A l'heure où vous lirez ces lignes, la sportive Tina Staub aura bouclé son challenge à but social, soit un tour de Maurice à la nage en neuf jours et avec une aisance déconcertante. Portrait d'une femme qui carbure à l'endurance et à ses " appels intérieurs ".

Lorsque le bateau accoste la jetée de l'hôtel Véranda Paul et Virginie à Grand-Gaube, mardi, vers 17h15, et que Tina Staub en émerge, toujours vêtue de sa combinaison Arena (wet suit) kakhi à rayures bleu marine sur laquelle elle a enfilé un blouson imperméable, ses chaussons de plongée encore aux pieds et ses mains encore gantées et qu'elle ébouriffe sa chevelure noire à mèches bleues, on peine à croire qu'elle est dans l'eau depuis 5 heures du matin tant elle paraît en forme. Et que c'est ainsi chaque matin depuis qu'elle a commencé ce challenge six jours plus tôt.

Elle nous reçoit immédiatement et se raconte sans détour. Sandhya Dunputh est née il y a 40 ans. Le prénom Tina lui colle à la peau depuis l'enfance depuis que son frère aîné avait du mal à dire Sandhya, l'appelant constamment Tina. Depuis, elle est Tina pour tout le monde.

Cette jeune femme originaire de Vacoas et dont le père, retraité, travaillait autrefois à la Compagnie nationale de transport et dont la mère est femme au foyer, a fait ses études secondaires au Lorette de Rose-Hill. Durant ses années scolaires, elle s'adonnait certes à un peu d'athlétisme et de cross-country mais pas de façon intensive. Les années passant, elle a réalisé, sans pouvoir se l'expliquer clairement et encore moins à son entourage immédiat, qu'elle avait besoin de respirer et se retrouver dans de grands espaces naturels et qu'elle suffoquait quand elle restait trop longtemps dans des endroits clos. "J'avais constamment besoin d'être dans la nature, en forêt, à la mer, à l'extérieur. C'était compliqué car ce besoin de sortir pouvait être mal interprété."

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En 2013, elle répond à ce besoin d'être dans la nature en s'adonnant au trail en montagne, au début sur de petites distances. Puis elle se lance avec le Raid West, une course de la ligue de trail de Maurice, et avale sans peine 12 kilomètres. Au fur et à mesure des courses auxquelles elle participe, Tina réalise qu'elle se retrouve complètement dans les longues distances et l'endurance. "C'est quelque chose que je ne retrouve pas dans ma vie de tous les jours. C'est intérieur, un voyage intérieur. A chaque fois, je découvre quelque chose sur moi, j'ai beaucoup d'insignts. Après un long entraînement, je suis inspirée et j'écris, par exemple, des poèmes. Je trouve beaucoup d'inspiration dans le sport d'endurance. Si je devais résumer ce sentiment, je dirai que le sport d'endurance me permet d'être déconnectée des autres et d'être connectée à moi".

En 2018, elle veut s'essayer au triathlon et se dit qu'il est temps pour elle d'apprendre à nager et pendant quatre mois, elle se rend à la piscine et suit les conseils avisés d'un coach. Après quoi, elle prend part au Nando's Open Water Swim et effectue la traversée de Pereybère à Grand-Baie, long de 3.8 kms. Et là, c'est une autre révélation. Elle se sent davantage connectée à la mer. "Quand tu cours, tu dois être concentrée et regarder où tu mets les pieds. Quand tu nages, tu n'as qu'à suivre le bateau, qui te donne la direction et tu es beaucoup plus connectée à toi. Sur chaque 15 à 20 mouvements de bras, tu lèves la tête pour voir le bateau et t'assurer que tu n'as pas dérivé mais à part ça, tu ne te soucies de rien d'autre."

Tina Staub, qui exerçait jusqu'à l'année dernière comme coach de développement personnel, effectue son premier tour de Maurice en courant en 2020, soit 283 kms réalisés en 68h30, avec des arrêts pour manger et faire deux siestes de 20 minutes et trois autres de dix minutes. En discutant avec Yan de Maroussem, son coach pour ce tour de l'île pédestre, elle exprime son désir de relever un autre défi de natation, soit effectuer un parcours de 10 kms. Il lui rit au nez en lui disant qu'avec l'endurance qu'elle a développée, elle est capable de boucler ce parcours en quatre heures et que s'il y a un défi à relever, c'est bien celui de faire le tour de Maurice à la nage. Son mari Vincent Staub, à qui elle s'en ouvre, abonde dans le même sens. Mais l'idée doit encore faire du chemin dans sa tête.

En 2021, Tina Staub refait le tour de Maurice en trail, soit un parcours de 215 kms, le même que celui réalisé par Yan de Maroussem, et à hauteur de Bel Ombre, lorsqu'elle regarde la mer, elle entend un appel. "J'ai reçu comme un calling, comme si que la mer me parlait. Elle m'a dit pourquoi faire des tours de l'île rien que sur terre. Viens me rejoindre." Elle s'est donc entraînée pour relever ce défi, faisant du cross-fit en salle pour se muscler, couplé à la course et à la natation.

Se sentant fin prête, Tina Staub a répondu à cet appel qui a pris la forme de ce tour de Maurice à la nage qu'elle a bouclé hier, au bout de neuf jours. Si au départ, le parcours était bien défini et qu'il était question qu'elle ne nage qu'en haute mer, les conditions météorologiques et les courants ont quelque peu modifié ses plans. "On fait un planning mais c'est imprévisible. Par exemple, je n'ai pu effectuer le parcours Souillac-Blue Bay au jour dit car les courants étaient trop forts. Hier (NdlR : lundi), je n'ai pu nager en haute mer car là aussi, les courants étaient trop forts. Je suis restée dans le lagon."

Appelée à dire pourquoi elle a associé ce défi à un but social, soit une levée de fonds au profit de la Muscular Dystrophy Association Mauritius, Tina Staub explique sa sensibilité au handicap par le fait que son fils de 14 ans souffre de trisomie 21. Elle se charge personnellement de son encadrement. "Je suis en paix avec cela." Et si elle a ciblé cette association particulière, c'est parce que le sport l'aide à renforcer ses muscles tandis que les enfants souffrant de dystrophie musculaire perdent progressivement les leurs.

Alors qu'elle nageait lors de ce défi, Tina Staub a fait de belles rencontres. Elle a, par exemple, croisé des dauphins à l'entrée de l'Île de la Passe, vu une tortue en haute mer du sud, de même qu'une raie. Mais pas de requins. "Je n'ai pas d'appréhension envers eux. Généralement, ils n'attaquent pas l'homme". Et puis, à sa cheville droite, elle porte un Shark banz, bracelet magnétique censé repousser les requins. Tout comme elle se fie aux rayures sur sa combinaison, qui selon les scientifiques et autres chercheurs de la vie marine, repoussent les requins.

Tina Staub n'aime pas que l'on qualifie "d'épreuve" chaque étape de ce défi. "Pour moi, une épreuve c'est négatif. Or, chaque étape est une expérience que je vis", dit-elle en précisant qu'une chanson est associée à chacun de ses défis. Pour ce tour de Maurice à la nage, c'est la chanson Asimbonanga de Johnny Clegg and Savuka, qui lui est restée en tête. Celle-ci est jouée à chaque fois qu'elle remonte sur le bateau après une étape et elle l'émeut jusqu'aux larmes. "Lorsque j'ai entendu cette chanson et qu'elle m'a parlée, j'ai été voir les paroles. Celles-ci parlent certes de Nelson Mandela et de ses frères d'armes mais aussi de la mer." La mer qui lui a appris et lui apprend toujours "l'adaptation et beaucoup de patience", précise-t-elle.

Son défi n'est pas encore terminé qu'elle sait déjà quel en sera le prochain. "Ce sera le Tor des Géants, soit un trail de 350 kms en six jours et demi dans les Alpes suisses, françaises et italiennes. C'était prévu pour 2020 mais le Covid-19 a tout chamboulé. Cette fois, ce sera pour septembre 2023." Pourquoi ce challenge spécifique ? Là encore, c'est une histoire d'appel intérieur. "Je me laisse porter. Je réponds à mes callings. Il faut qu'un objectif me parle. Autrement, je n'y vais pas. Je ne fais pas cela pour la gloire mais pour l'expérience, pour sortir de ma zone de confort, pour tester mes capacités d'endurance."

Tina Staub a un message pour les Mauriciens et en particulier pour les femmes. "J'ai envie de leur dire de croire en elles, d'aller vivre leurs rêves, de ne pas rester à la maison. Elles ne doivent pas hésiter à faire des choses. Elles doivent avoir confiance en elles et se lancer. Rien n'est impossible. Je ne crois pas dans ce mot... "

A hier, la plate-forme Small Step Matters avait obtenu Rs 1.5 millions

A travers Small steps matters, plateforme de crowdfunding, Tina Staub avait recueilli, à hier, Rs 1.5 millions, les entreprises ayant donné les sommes plus importantes étant IBL et ENL. Elle en espère Rs 4.5 millions qui iront financer les chirurgies d'enfants souffrant de myopathie de Duchenne et qui ont besoin d'une intervention chirurgicale car ils ont développé une scoliose, déviation permanente de la colonne vertébrale qui s'aggrave.

Il est possible d'aider à travers la plateforme en cliquant sur https://bit.ly/ultraswim_ssm, par Juice à travers l'option "Pay a merchant" (Small Step Matters) ou en scannant le QR Code (en précisant le nom ou la référence du projet - Ref: 109814) : https://www.smallstepmatters.org/checkout/ ou par Juice ou Internet Banking sur le numéro de compte suivant (en précisant le nom ou la référence du projet - Ref: 109814 ) :

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