Afrique: Magnum Photos et les migrants de retour s'associent pour raconter des histoires en Afrique de l'Ouest

Une des images produites par Fatou pour composer son histoire « La tomate et la lame » (The tomato and the blade) sur le MGF.

«La photographie consiste à immortaliser une image susceptible de laisser une impression dans l'esprit des gens.» Abdul Kharim, volontaire de Migrants comme Messagers en Sierra Leone.

La coopérative photographique internationale Magnum Photos et le projet Migrants comme Messagers (MaM) de l'OIM ont uni leurs forces pour donner aux migrants de retour en Afrique de l'Ouest les moyens de raconter des histoires vives et poignantes de leur pays dans le but de créer un livre photo présentant 16 histoires inédites. Plus qu'un exercice visuel, il s'agissait d'un dialogue entre les communautés et les narrateurs. À travers leurs récits, les volontaires MaM (migrants de retour) donnent un aperçu authentique des réalités complexes en Côte d'Ivoire, en Gambie, en Guinée, au Libéria, au Nigéria, au Sénégal et en Sierra Leone, exposant des facettes contrastées de la réalité.

L'un des reportages photographiques, réalisé par Fatou au Sénégal, met en exergue une pratique qui touche près de 2 millions de femmes (UNICEF, 2022) au Sénégal : les mutilations génitales féminines (MGF). À l'aide d'une tomate, d'un mouchoir blanc, de l'aide de sa fille et des conseils de Lindokuhle Sobekwa (photographe de Magnum Photos), Fatou expose et explore ce sujet tabou de la région, qui affecte la vie de milliers de filles et de femmes au Sénégal.

«Je suis consciente de l'intelligence et de la capacité des femmes et de la manière dont nous pouvons développer le monde, pourtant, les femmes souffrent encore dans notre société. En tant que femme impliquée dans l'égalité des genres, notamment dans la lutte contre toutes les violences faites aux femmes, je pense que l'une des plus grandes violences faites aux femmes est de nous priver de notre bonheur et de voir notre plaisir sexuel étouffé», explique Fatou.

En juin 2022, un atelier de cinq jours sur la photographie et la narration, organisé par Magnum Photos à Dakar, au Sénégal, a formé 21 volontaires MaM de sept pays à la production d'histoires photographiques captivantes. Alors que tous les volontaires ont reçu des conseils en ligne de Magnum Photos et de l'OIM, trois pays sélectionnés - la Guinée, la Sierra Leone et le Sénégal - ont également reçu la visite des photographes de Magnum Photos, Cristina de Middel, Thomas Dworzak et Lindokuhle Sobekwa, qui ont travaillé avec les volontaires pour les aider à façonner leurs histoires.

Fatou travaillant sur le reportage « La tomate et la lame » (The tomato and the blade) sous la direction du photographe Lindokuhle Sobekwa de Magnum Photos sur les dunes du Lac Rose au Sénégal.

«Les participants proposent des récits intérieurs sur leur vie et des histoires communautaires qui sont toutes liées, mais différentes. Ces histoires sont rendues vivantes à travers les photos : perte, deuil, guérison, fierté, liens et joie. La photographie est un excellent moyen d'expression. Ces histoires ouvrent une conversation bien plus importante à entendre», explique Lindokuhle Sobekwa, photographe de Magnum Photo travaillant avec les volontaires de MaM au Sénégal.

Explorant un autre phénomène majeur dans la région, la traite des personnes, Smith, au Libéria, a réalisé un reportage photo racontant l'histoire d'une Libérienne qui a été trompée par la promesse d'un emploi bien rémunéré à l'étranger et s'est retrouvé dans une situation d'esclavage moderne. Smith est entré en contact avec cette jeune femme parce qu'il a rencontré un membre de sa famille à l'aéroport, alors qu'il se rendait à l'atelier à Dakar. Grâce aux échanges sur WhatsApp avec la jeune Libérienne, Smith a créé son reportage photo sur la traite des personnes. Le cas a été transmis à l'OIM qui a pu aider la jeune femme à rentrer en toute sécurité au Libéria.

Les récits de ce livre exposent différentes perspectives des migrants de retour, mettant en lumière leurs difficultés et les raisons qui les poussent à s'embarquer dans ces dangereux périples, alors que les reportages des médias se focalise souvent uniquement sur les difficultés rencontrées par les migrants lors d'un voyage de migration irrégulière.

Abdul Kahrim travaillant sur son reportage « Strangers in the Night » sous la direction du photographe Thomas Dworzak de Magnum Photos à Freetown, Sierra Leone.

Les volontaires MaM sont des migrants de retour qui ont quitté leur pays pour différentes raisons : certains cherchaient à poursuivre leurs études à l'étranger, d'autres espéraient améliorer leur situation économique, d'autres encore fuyaient la violence familiale. Cependant, beaucoup ont été confrontés à la terrible réalité des dangers de la migration irrégulière, notamment l'emprisonnement, la détresse économique et les violences physiques.

«Étant une jeune pleine de rêves, je voulais étudier la médecine en Espagne», a expliqué Fatou.

Dans le sillage des nombreux départs d'embarcations de Yarakh, au Sénégal, en 2006, Fatou Guet Ndiaye a embarqué sur une «pirogue» en direction de l'Europe. Après plusieurs jours de flottement dans l'immensité de l'océan, les bouteilles de carburant sont à sec. Ils ont fait demi-tour et sont rentrés à Saint-Louis, dans le nord du Sénégal.

En 2019, Fatou est devenue volontaire au sein de Migrants comme Messagers (MaM) - une campagne de sensibilisation entre pairs qui aide les jeunes à prendre des décisions éclairées en matière de migration en Afrique de l'Ouest. Elle est mère, graphiste et est l'un des auteurs de ce livre photos.

Le processus de co-création de ce livre photo a encouragé les volontaires à se découvrir, non pas comme des migrants, mais comme des acteurs de leur pays, où ils bâtissent des vies épanouies pour eux-mêmes et leurs familles. Le livre photo s'intitule «Cowries» (cauris), un coquillage marin que l'on trouve couramment sur les vêtements et les bijoux d'Afrique de l'Ouest. Autrefois utilisé comme monnaie, le coquillage blanc est également utilisé par les Yoruba (un groupe ethnique d'Afrique de l'Ouest) pour prédire l'avenir. Les reportages photographiques sont comme les cauris, en ce sens qu'ils sont uniques et diversifiés à la fois. Chaque histoire unique reflète les nombreuses réalités similaires de cette région et amplifie les voix de ses habitants. Cowries est disponible en ligne ici.

Sous la direction de la photographe de Magnum Photos, Cristina de Middel, le jeune agriculteur Maurice travaille sur son projet dans le but de susciter l’intérêt des jeunes pour l’agriculture.

Amanda Nero est Responsable du développement des médias pour le projet «Migrants comme Messagers» au Bureau régional de l'OIM pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre.

 

Boilerplates

Magnum Photos

La coopérative photographique internationale Magnum Photos a été fondée en 1947, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, par quatre photographes pionniers : Henri Cartier-Bresson, Robert Capa, George Rodger et David Seymour. Après 75 ans, l'agence et le collectif de photographes s'engagent toujours à maintenir ses idéaux et sa déontologie, un mélange idiosyncrasique de journalistes, d'artistes et de narrateurs; partageant la vision relative aux chroniques sur les événements mondiaux, les personnes, les lieux et la culture avec un récit puissant qui défie les conventions, brise le statu quo, redéfinit l'histoire et transforme les vies.

Migrants comme Messagers (MaM)

Migrants comme Messagers est une campagne de sensibilisation entre pairs qui aide les jeunes d'Afrique de l'Ouest à prendre des décisions éclairées sur la migration. La campagne est menée directement par plus de 400 volontaires migrants de retour au pays qui partagent des récits authentiques de leurs expériences migratoires avec leurs communautés et leurs familles. Par le biais d'interviews et d'activités sur le terrain, ces volontaires font participer leurs pairs afin qu'ils puissent eux aussi raconter leur histoire. La narration authentique, l'engagement entre pairs, les activités communautaires et la diffusion dans les médias sociaux et les plateformes de messagerie rendent ces histoires accessibles à un public plus large, notamment aux décideurs locaux, aux chefs de communauté, aux chefs religieux et aux jeunes de la région. Migrants comme Messagers est financé par le Gouvernement néerlandais et mis en œuvre par l'Organisation internationale pour les migrations. Plus d'informations : https://www.migrantsasmessengers.org/fr.

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