Guinée Bissau: Amzat Boukari-Yabara - Amical Cabral, "a montré qu'il était possible de renverser les montagnes"

interview

Ce 20 janvier 2023 marque les 50 ans de la mort d'Amilcar Cabral. Révolutionnaire, agronome, artisan de la lutte pour l'indépendance du Cap-Vert et de la Guinée-Bissau, figure de la lutte tiers-mondiste, Cabral est aussi un héros du panafricanisme. Quel héritage ? Quelle actualité de ses combats ? On fait un point avec l'historien Amzat Boukari-Yabara, auteur de Africa Unite, une histoire du Panafricannisme, publié aux éditions La Découverte.

Amzat Boukari-Yabara : Amilcar Cabral laisse l'héritage d'une libération qui a abouti, qui a donné naissance à deux pays, la Guinée-Bissau et le Cap-Vert, libérés du colonialisme portugais. Il laisse aussi une pensée qui est particulièrement actuelle en termes de réflexion sur les enjeux du développement, sur les enjeux de la culture, sur la question des classes sociales et sur la manière dont le continent africain devait se positionner, vis-à-vis notamment du néo-colonialisme. Il laisse aussi un corpus idéologique et politique très consistant, qui a des résonnances, je pense, avec les enjeux auxquels l'Afrique est confrontée aujourd'hui.

RFI : Justement, est-ce qu'on doit s'emparer de son corpus puisque Cabral était aussi un théoricien ? Il a écrit, il a été agronome, est-il vraiment d'actualité encore aujourd'hui ?

Amzat Boukari-Yabara : Oui, il est absolument d'actualité sur les questions effectivement d'agronomie, il s'est intéressé à la sécheresse, il s'est intéressé également à l'organisation de la paysannerie ; c'est quelqu'un qui a posé des questions réelles, de manière professionnelle, pour construireune autre organisation sociale, une autre organisation des modes de production.

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C'est aussi un intellectuel, donc (l'accent) qu'il a mis sur la question de la culture est essentiel. Et aussi la manière dont il a posé la question du capitalisme et de manière plus générale du développement : comment des pays qui ont des conditions matérielles très limitées doivent penser et construire leur développement à partir de leurs propres ressources, plutôt que de rester dans un état de sous-développement légué par le colonialisme. Donc c'est quelqu'un aussi qui a insufflé un état d'esprit réellement positif, qui a montré qu'il était possible de renverser les montagnes, et je pense que c'est aussi cet état d'esprit là qu'il est très important de mettre en avant cinquante ans après son assassinat.

Et pourtant, Cabral, cinquante ans après, est-ce que vous avez l'impression qu'il est moins connu qu'un autre révolutionnaire, comme Thomas Sankara ?

Cabral est moins connu que Thomas Sankara, d'une part parce que c'est une époque beaucoup plus ancienne, d'autre part parce que Cabral a été assassiné avant l'indépendance réelle des territoires pour lesquels il a combattu, donc il n'a pas exercé en tant que tel le pouvoir d'État. Et puis, Sankara avait l'atout de la jeunesse, c'était le chef d'État le plus jeune à son époque. Et il y a une proximité beaucoup plus forte, je pense, avec la jeunesse, notamment d'Afrique francophone, alors que Cabral s'inscrit davantage dans l'espace lusophone, qui était un peu invisibilisé dans le contexte des guerres de libération.

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