Madagascar: Album - ' Ravitoto ' de Bolo : de l'artiste à l'homme

Après sept ans à préparer et fignoler, l'album " Ravitoto " de Bolo est maintenant disponible en streaming. Le bijou est parfait et humain.

Peu ont réussi à chanter ses doutes, ses espoirs, à étaler sa personnalité, à raconter la vie, avec autant de poésie. En somme, chanter l'humanité. Bolo le fait dans " Ravitoto ", son album qui a été présenté officiellement samedi soir au Chat'Ô Ivato. Pour comprendre la teneur de cet opus, sur l'aspect musical et textuel, il faut remonter loin, chez certains des " mitady ny very ". De leur plume florissante particulièrement réactive aux réalités des choses. Ensuite, une ou deux générations après, avec Levelo, où les mots s'assemblent d'une spontanéité naturelle. Pourtant muni d'un sens aigu de la mélodie, du terroir, du folk et au ras du quotidien.

Dans la musique malgache, depuis le " marovany " jusqu'au synthé dernier cri, qu'importe le genre, il y a cette unicité. " Ravitoto " en est imprégné. Ce blues de l'âme pour certains ou cette flamme joyeuse pour d'autres. Cette unicité telle une âme commune nichée dans l'affect, pour les plus exigeants Bolo arrive sur le titre éponyme à ce disque à engager l'intellect. Il en jette les bases. " Avec l'expression si l'arbre est devenu pirogue, c'est la terre où il a grandi qui est bon. Donc, si je ne veux pas être une pirogue ? Et si je ne suis pas devenu une pirogue ? ". Avec ces quelques questions, il en a fait une chanson à contre-courant et introspectif.

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Les enjeux environnementaux modifient aussi les paramètres. Il y revendique alors. " J'ai fait ce qui plaît aux gens/même si c'était contre mon gré/Afin d'avoir les louanges de la société/que c'est un enfant sage... Cet arbre veut devenir une pirogue/Arrosez-moi, je me fane/Mais l'arbre ne sera pas pirogue/Il deviendra ravitoto tiré du (bois de) manioc ". Le sol fertile est en premier lieu le cocon papa et maman, la pirogue est le rejeton. Un faux pas de ce dernier et c'est l'opprobre du patronyme paternel. Pourtant il va sans dire que dans le pays, le " ravitoto " est parmi les mets préférés des chaumières des latérites et des apparts des bitumes. Le bonheur des papilles.

Dans le public avant-hier soir au Chat'ô se trouvait quelques représentants du gotha de la scène musicale tananarivienne, Hery Randriamampianina, le boss de Miritsoka, Noah Raoelina, de Lamba 1, Tongue Nat et Bambs, des références du rap malgache et d'autres. Scène impensable, lors des échanges avec ce public, une dame a demandé l'avis des parents de Bolo, sur leur fils devenu artiste malgré leur réticence. Le père et la mère sont montés sur scène. Les mots de la mère ont complètement scellé le sort de " Ravitoto ". Les mots de la mère valaient bénédiction. " Au fond, tout ce que nous lui avons dit, nos conseils, c'est lui qui les a le plus assimilés. Je te remercie ".

A entendre les 12 titres du disque (Samy hafa, Anamalaho, Kompozé...), l'instrumentation sonne comme une reconstruction, épure en écho à la titraille et l'esprit du produit. Une mise en avant faite d'au moins six musiciens sur un combo avec des instruments à corde, à percussion, à vent, synthé. Il serait facile d'en déduire, qu'aujourd'hui, il suffit de s'entourer des meilleurs musiciens de la place pour percer. Même si l'artiste chante sur un chien qui aboie ou les mouches qui volent. En écoutant Bolo sur scène, la présence des Peanuts était une évidence. The Peanuts rassemble les pointures actuelles de la musique en général, du jazz en particulier.

Les frères Joro et Anjara Rakotozafiarison, aux guitares. Miantsa Randriamihajasoa, au saxophone et à la flûte, Santatra Andria, une vraie révélation, à la batterie, Tojo Rabekoto, à la basse et Anjatiana Andrianoroarivo et ses blagues à la Carlos, grand ami de Jamel Debbouze, au synthé. Le tempo moyen dominant de Ravitoto est complété par un caractère presque soul et une polyphonie ensorcelante. Marié à la poésie de Bolo, c'est la face cachée de l'iceberg qui se dévoile. Le jeu est net, les nuances perçantes, c'est hors du temps. " Ravitoto " occupe plutôt les espaces. Avec l'artiste, il aura fallu ce petit régiment de musicien pour vraiment accompagner sa poésie.

" Le chagrin, la colère, des objectifs inachevés, vis-à-vis de mes parents d'abord, c'était à l'époque. J'étais adolescent. Après mon bac, j'ai immédiatement souhaité devenir artiste. La réponse de mes parents a été catégorique. Alors, j'ai tourné ce chagrin vers mes parents. Je n'étais encore qu'un gosse. Plus tard, j'ai pensé que si j'avais un enfant et qu'il me disait qu'il voulait faire de la musique, je me poserais tout de même des questions. Alors ce n'est pas une vengeance, c'est plutôt une revanche parce que je me suis donné les moyens pour y arriver. Je pense que mes parents avaient raison. Mon souhait était qu'ils me soutiennent un peu plus dans la musique, c'est ce que je désirai, c'est ce qui m'a manqué ", met en avant Bolo. C'était il y a longtemps !

L'artiste a tout simplement réussi à sortir un des meilleurs albums de musique urbaine de Madagascar de ce premier trimestre. Son père peut en être fier. Ralobo, l'autre nom au mic' de Bolo, a réussi à se hisser au sommet dans la musique. Et bien au-delà, à écouter " Masoandro ", cette magnifique ballade ne figure pas dans l'opus, le petit gosse en colère est maintenant devenu un homme. La meilleure des récompenses.

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