Ile Maurice: Gassen Dorsamy - «On a mis des chatwas partout»

interview

Il avait décidé de ne pas renouveler son contrat en mai 2017 après cinq ans comme directeur général de la Cargo Handling Corporation Ltd (CHCL) car il y avait trop d'ingérence des préposés du PMO. Gassen Dorsamy, qui a aussi travaillé comme Chief Financial Officer puis Chief Executive Officer du Terminal de conteneurs du port de Tamatave, est aujourd'hui consultant à son propre compte dans la gestion et la finance.

Qu'est-ce qui explique la mauvaise performance de Port-Louis dans la troisième édition du rapport sur l'indice mondial de performance de 348 ports à conteneurs par la Banque mondiale et S&P Global Market Intelligence ?

La situation est très grave et inacceptable tenant compte des investissements de plusieurs milliards de roupies dans le port, avec des équipements dernier cri et la technologie de pointe NAVIS, numéro un mondial dans la gestion du port dont j'avais fait installer la dernière version. Le principal problème, c'est la sous-utilisation de cette nouvelle technologie, qui permet de tout contrôler et suivre à partir d'un écran d'ordinateur. C'est comme si vous avez un iPhone 14 mais que vous vous en servez que pour passer des appels et envoyer des messages alors qu'il a toute une palette de fonctionnalités. L'autre problème de Cargo est que pas mal d'équipements neufs tombent en panne régulièrement. Sans compter le problème de manning et de paiement de la prime de productivité pour des niveaux de performances débutant à 18 mouvements par heure, ce qui signifie, payer une prime même si vous êtes inefficient. Il faut aussi mentionner le problème des heures supplémentaires. Donc, il ne suffit que d'un maillon faible pour que toute la chaîne de production soit grippée.

%

Quelles sont les principales lacunes déplorées par les acteurs clés concernés ?

Chez Cargo, comme je disais, des équipements neufs dans lesquels on a dépensé énormément, dorment depuis six mois, un an, étant en panne. Par exemple, le nouveau Mafi tractor, les trois nouveaux RST Fantuzzi, le Reach stacker numéro 16 qui vient d'être livré mais qui ne fonctionne pas faute de pièces. Les anciens portiques sont presque inexploitables puisque mal positionnés. Il faut alors déplacer les navires pour permettre le débarquement des conteneurs. Le problème vient du département de la maintenance où l'entretien ne se fait pas d'après les normes. Puis, le manque de productivité influence aussi les frais portuaires, les coûts des intrants et le coût de la vie à Maurice. La Mauritius Ports Authority (MPA), qui est l'autorité portuaire, fait pression sur la CHCL pour augmenter la productivité mais de l'autre côté, plus un bateau reste à quai, plus la MPA gagne d'argent.

Comment Port-Louis pourrait-il améliorer son efficacité entre l'arrivée en rade d'un porte-conteneurs et son départ après échange de cargaison et accroître la productivité ?

D'abord, en misant sur la technologie et de façon optimale. Puis, il faut des gens compétents et non y caser des copains-copines. Ou encore permettre de baisser le niveau des critères requis pour des postes à responsabilité ou encore des exercices de promotion interne catastrophiques. On a mis des 'chatwas' partout dont le neveu d'un ancien haut fonctionnaire très proche du pouvoir au département maintenance. Par ailleurs, à Madagascar, qui se positionne honorablement au tableau, la même technologie NAVIS est en place. Sauf qu'ils sont à plus de 80 % d'utilisation des fonctionnalités contrairement à ici, avec seulement 30-40 % d'utilisation. Question productivité, avant mon arrivée, ils étaient à 14-15 mouvements par heure. Quand je suis parti en 2017, c'est monté jusqu'à 23 mouvements par heure. Sauf que depuis mon départ, la productivité stagne à 21-23 malgré de gros investissements dans des grues modernes et autres. Puis, je trouve absurde qu'on paye un boni de productivité à partir de 18 mouvements par heure. Vous croyez que les employés seront motivés à faire davantage ? Moi, j'avais proposé à partir de 22-23 et bien sûr ça n'a pas plu. Allez savoir maintenant pourquoi un rapport de PWC sur la productivité déposé en 2020 et qui dit notamment que le cargo est en sureffectifs, n'a ni été rendu public, ni été appliqué.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.