Afrique de l'Ouest: Controverse autour du référendum - Que peut encore la CEDEAO dans le bourbier malien ?

analyse

La Charte de la Transition « ne donne aucun mandat au président pour toucher la moindre disposition de la Constitution en vigueur ». C'est en ces termes que le président de l'Association malienne des procureurs et poursuivants, Cheick Mohamed Chérif, attire l'attention du président bissau-guinéen, président en exercice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) qui est, par la même occasion, interpelée pour peser de tout son poids pour empêcher la tenue du référendum constitutionnel du 18 juin prochain, jugé illégal.

Cette sortie des magistrats intervient après la fronde des chefs religieux contre la disposition de la laïcité dans la nouvelle loi fondamentale et des critiques virulentes des organisations de la société civile et de partis politiques membres de « l'Appel du 20 Février » qui estiment que les militaires n'ont reçu aucun mandat pour « plonger le pays dans l'inconnu » voire dans un Etat de non-droit parce que le projet de constitution remettrait en cause l'indépendance de la Justice et organiserait l'impunité pour certaines personnalités. Mais la question que l'on peut bien se poser est la suivante : que peut encore l'organisation ouest-africaine dans les marécages du Djoliba ?

La question est d'autant plus importante que la CEDEAO avait déjà félicité la Transition malienne pour la fixation du calendrier de ce référendum qui constitue une étape importante dans le processus de retour du Mali à un régime constitutionnel normal. L'organisation ouest-africaine peut-elle donc aller dans le sens des magistrats sans se dédire ? Et si malgré tout, elle décidait de le faire, de quelle marge de manoeuvre dispose-t-elle ; elle qui a été déjà malmenée et finalement affaiblie par les Maliens eux-mêmes dans la gestion de cette crise ?

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Il appartient aux Maliens de dessiner ensemble les lignes de leur avenir

En tout état de cause, même si les procureurs et poursuivants qui sont d'ailleurs soutenus par la Référence syndicale des magistrats (REFSYMA) sont en droit de donner leur opinion sur le processus référendaire et tentent ainsi d'afficher leur indépendance vis-à-vis de l'Exécutif, il faut craindre que leur initiative ne soit vouée à l'échec. Car, il en faudra plus pour faire plier Assimi Goïta qui a résisté à de plus grandes bourrasques.

Et l'on pourrait même être tenté de lui donner raison s'il choisit de faire la sourde oreille. En effet, où étaient ces hommes de loi pour ne sortir du bois qu'à quelques encablures de la tenue du référendum ? L'on peut même s'interroger sur leurs intentions réelles : n'offrent-ils pas une raison supplémentaire aux militaires de faire durer davantage la transition en bloquant le processus du retour à l'ordre constitutionnel normal ? Ou tout simplement ne jouent-ils pas aussi le jeu des intérêts partisans au détriment des intérêts de la Nation ? A

utant de questions que l'on peut se poser. Car, dans cette foire d'empoigne que constitue le Mali d'aujourd'hui, chacun prêche pour sa chapelle : les imams ne veulent pas de la laïcité de l'Etat, les politiques ne veulent pas d'une candidature d'Assimi Goïta, les magistrats ne veulent pas d'une mise sous ordre de l'Exécutif, les nordistes ne veulent pas d'un Etat unitaire fort, etc.

C'est donc dire que les causes qui ont plongé le Mali sont encore bien présentes. Et le pire, dans cet Etat grabataire, est que des Maliens inconscients continuent de mettre l'accent plus sur ce qui les divise que sur ce qui les réunit, oubliant que leurs intérêts tiennent à l'existence même de l'Etat. Dans un tel contexte, que peut bien faire la CEDEAO ?

« La plus belle femme du monde, dit le proverbe, ne peut donner que ce qu'elle a ». Cela dit, il appartient aux Maliens eux-mêmes de dessiner ensemble les lignes de leur avenir soit en s'unissant intelligemment pour sauver leur pays qui est plus que jamais à la croisée des chemins, soit en périssant dans leurs divisions absurdes.

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