Afrique Centrale: «Interpellation » de Félix Tshisekedi par Blinken - Pourtant, le G7 n'a pas cité le Rwanda comme pays agresseur !

*Par le canal de l'Ambassade des Etats-Unis à Kinshasa, le Département d'Etat - via le Bureau de son porte-parole - a rendu public le 24 mai 2023 le contenu de l'échange téléphonique que le Secrétaire d'Etat Anthony Blinken a eu avec le Chef de l'Etat congolais la veille. En voici intégralement le contenu : « Ils ont discuté de la violence actuelle et de la situation humanitaire désastreuse dans l'est de la RDC. Le Secrétaire Blinken a exprimé sa profonde préoccupation pour les personnes tuées, blessées, déplacées et rendues vulnérables par la violence.

Il a noté les appels des Etats-Unis au Rwanda pour qu'il mette fin à son soutien au M23 et a réitéré la nécessité pour tous les acteurs étatiques de cesser de collaborer avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et d'autres groupes armés non étatiques.

Le Secrétaire Blinken et le Président Tshisekedi ont discuté de l'importance et de l'urgence du retrait et du désarmement du M23 conformément au communiqué de Luanda, et pour toutes les parties de s'acquitter de leurs obligations du Communiqué de Luanda et de s'engager dans le cadre des processus de Luanda et de Nairobi.

Le secrétaire a réitéré sa préoccupation concernant les discours de haine et la rhétorique clivante. Il a également souligné le droit du peuple congolais à manifester pacifiquement pour exprimer ses préoccupations et ses aspirations, et l'engagement des États-Unis en faveur d'élections libres et équitables en RDC ».

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G7 n'a même pas reconnu la thèse de l'agression

La phrase intéressante pour l'opinion congolaise en ce qui concerne la situation sécuritaire à l'Est est le fait pour Anthony Blinken de noter « les appels des Etats-Unis au Rwanda pour qu'il mette fin à son soutien au M23 ».

La question est de savoir quelle est la décision ou quelles sont les décisions du Gouvernement américain à l'encontre du Gouvernement rwandais, tant il est vrai que Washington reconnaît clairement les effets dévastateurs de l'aventure du M23 - comme ceux de tous les autres groupes armés - dans l'hinterland kivutien ! Réponse : aucune !

Il est indiqué de rappeler la tenue, du 19 au 21 mai dernier, du sommet du G7 (structure informelle dotée cependant d'une puissance politique, diplomatique et économique plus forte que le Conseil de sécurité de l'ONU) à Hiroshima, ville japonaise sur laquelle l'administration américaine avait largué en 1945 la bombe atomique aux côtés de Nagasaki, bombe fabriquée à partir de l'uranium de Shinkolobwe extrait en terre congolaise du Katanga.

Constitué de la France, des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de l'Italie, du Canada (tous membres de l'Otan) et du Japon, le G7 n'a même pas reconnu la thèse de l'agression développée et soutenue par la RDC.

Au point 62 de son communiqué final, le G7 se limite à déclarer : « Nous réaffirmons notre attachement à la souveraineté, à l'indépendance, à l'unité et à l'intégrité territoriale de la République démocratique du Congo.

Nous accueillons avec satisfaction l'arrêt des hostilités convenu en mars et nous appelons à sa pleine mise en oeuvre. Nous condamnons la progression du mouvement armé du 23 mars (M23) sanctionné par les Nations Unies et nous nous joignons aux chefs d'État et de gouvernement africains pour l'appeler à se retirer de tous les territoires sous son contrôle ».

Ainsi, fait-il certes allusion à la situation sécuritaire dans la sous-région des Grands-Lacs, exactement comme pour d'autres sous-régions de l'Afrique, mais en ignorant ouvertement la thèse de l'agression rwandaise.

En un mot, Washington ne reconnaît pas cette agression parce que dans son entendement, il y a simplement soutien à une organisation insurrectionnelle !

Ils continuent de s'invectiver

Pourtant, la RDC mérite mieux ne serait-ce que par rapport à Hiroshima et Nagasaki. Pour l'histoire, le Japon de l'empereur Hirohito, au même titre que l'Italie de Mussolini, avait appuyé la cause hitlérienne lors de la Seconde guerre. Au moins une chose est vraie : il a fallu les conséquences de la bombe atomique pour que, d'une part, la guerre s'arrête et, d'autre part, la reconstruction de l'Europe et de l'Asie soit entreprise par les États-Unis via le Plan Marshall.

Depuis, la majorité des Etats occidentaux membres du G7 se sont fortement industrialisés et utilisent aujourd'hui les notions de Démocratie, Droits de l'homme et Démocratie comme des valeurs universelles imposables à toute l'humanité.

Des valeurs pour lesquelles la RDC peine à se développer. D'ailleurs, ce pays continue d'être étranglé autant par sa classe politique que sa société civile en interne, et par des bras séculiers comme le Rwanda de Paul Kagame en externe, pour le compte des puissances occidentales bien identifiées.

Au point 2 du communiqué, les pays membres du G7 disent croire dans les « principes internationaux » et les « valeurs communes », cela « en défendant et en consolidant l'ordre international libre et ouvert fondé sur des règles de droit et en respectant la Charte des Nations Unies au profit de tous les pays, quelle que soit leur taille » et en (s'opposant) « fermement à toute tentative unilatérale de modifier par la force ou la contrainte le statut établi pacifiquement de territoires, où que ce soit dans le monde, et en réaffirmant que l'acquisition de territoires par la force est prohibée ».

Or, ces pays ont tous entendu le 15 avril 2023 Paul Kagame faire au Bénin une déclaration violant l'un des principes sacrés des chartes de l'Onu et de l'Union africaine, à savoir l'intangibilité des frontières.

Quand alors, par rapport à l'agression rwandaise pourtant avérée, on constate le silence des pays membres du G7, la condescendance des pays membres de l'Otan et l'attentisme des pays membres des Nations-Unies et de l'Union européenne actifs dans ces deux structures qui exercent pourtant une forte emprise sur le monde (ne suivez pas mon regard), on ne peut que se demander si les autres exigences évoquées par Anthony Blinken dans sa conversation téléphonique avec Félix Tshisekedi (élections, respect des droits de l'homme etc.) ne cachent pas autre chose pendant que les Congolais d'en haut, eux, sont toujours dans ce qui les passionne le plus depuis 1960 : la distraction !

Trempés dans l'égocentrisme, ils continuent de s'invectiver pendant que la maison Congo brûle...

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