Leon Isaacs est Pdg de "Developing Markets Associates Limited" (DMA), une entreprise britannique spécialisée dans la mobilisation de fonds dans les pays en développement. Il est reconnu pour son expertise en matière de transferts d'argent.
Lors du G20 de 2011, la communauté internationale avait appelé à une réduction de moitié des frais de transferts d'argent d'ici 2014. Or nous y sommes, et aucune tendance à la baisse ne semble s'esquisser... ?
C'est le G8 qui, en 2009, a fixé l'objectif de réduire les coûts des transferts d'argent, à hauteur de 5 % de la valeur nominale d'une transaction de 200 dollars EU, d'ici 2014.
Cela aurait signifié une réduction de 5 points de pourcentage en partant de 10 %, soit des coûts de transferts réduits de moitié. Le G20 a lui aussi adopté cet objectif en 2011.
Les données utilisées pour évaluer les coûts liés aux transferts à l'échelle mondiale sont disponibles sur le site de la Banque mondiale.
Au troisième trimestre 2013, le coût mondial moyen s'élevait à 8,96 %. La tendance actuelle est raisonnablement stable, même si on note quelques baisses. A la fin 2014, ce coût devrait osciller autour de 8 % à 8,5 %.
Les profils des migrants changent : de mieux en mieux intégrés dans les pays de migration, voire binationaux, de profils socio-professionnels à plus forte valeur ajoutée... Dans quelle mesure ce changement de profil impacte-t-il le marché des transferts d'argent ?
La demande pour les transferts de fonds restera forte. Aussi longtemps qu'existera un fossé important entre les opportunités existant dans les pays d'origine et celles qu'offrent les pays de destination des migrants, les migrations économiques persisteront. Ce qui signifie qu'il y aura toujours une demande pour les transferts d'argent.
Cependant, un changement important va aussi se produire, dans la mesure où des migrants demeurent plus longtemps dans les pays de destination, et qu'émergent ainsi une 3e et une 4e générations de migrants. Ceux-ci ont des liens moins forts avec leurs pays d'origine, ils ont tendance à envoyer de l'argent moins souvent et ils envisagent ces envois de fonds davantage à des fins d'investissement que de consommation. Aussi, la diaspora sera perçue comme un groupe de soutien plus large pour les pays d'origine et il y aura un éventail plus large d'activités, qui incluront les transferts de fonds, de l'investissement et un appui non financier, comme le partage de compétences, la formation, etc.
Autre question liée à ce que l'on nomme la « fuite des cerveaux », que connaissent nombre de pays africains : peut-on voir les transferts d'argent comme une compensation de la perte de valeur ajoutée et de productivité que représente le départ de ces élites ?
Difficile de répondre à cette question sur un équilibre entre la fuite des cerveaux et l'apport des transferts d'argent, et cela dépend des pays concernés. Le vrai défi est de créer les opportunités dans les pays d'origine, de façon à ce que les gens n'aient pas besoin d'émigrer pour des raisons économiques. Pour être réaliste, cela ne risque pas de se produire avant plusieurs années dans la plupart des pays africains.
Il faut s'attendre à ce que des gens hautement qualifiés émigrent dans l'avenir. Mais s'ils sont canalisés correctement, les transferts d'argent peuvent aider les pays d'origine et les familles des migrants, et cette aide n'existerait pas si les migrations n'existaient pas non plus.
En fin de compte, la question de la fuite des cerveaux est plus théorique que pratique. A moins qu'on ne trouve le moyen d'encourager les élites à demeurer dans leurs pays d'origine, les individus continueront de circuler et leur argent d'être transféré.