En Sierra Leone, la justice intensifie la lutte contre le kush, cette drogue bon marché qui fait des ravages auprès de la jeunesse. Ces derniers jours, plusieurs vendeuses ont été condamnées à trente ans de prison pour possession ou vente de kush -- dont l'une, arrêtée dans l'enceinte d'un lycée de Freetown, alors qu'elle proposait la drogue à des élèves sous couvert de vendre de l'eau fraîche.
Ces peines de prison, parmi les plus lourdes jamais prononcées, s'inscrivent dans la nouvelle ligne dure du gouvernement dans sa lutte contre le kush. Mais sur le terrain, des voix s'interrogent : cette sévérité frappe-t-elle les bonnes personnes ? Car si les vendeurs de rue sont lourdement condamnés, les « vrais barons » du trafic restent, eux, toujours introuvables.
Le kush, « une drogue qui fait perdre une génération de jeunes »
Dans son jugement, la juge Josephine Hinga reconnaît que ces femmes sont des mères, souvent les seules pourvoyeuses de leur famille. Mais cela ne suffit pas à atténuer la peine : selon elle, le kush est aujourd'hui « une drogue qui fait perdre une génération de jeunes ». Ces condamnations sévères font pourtant polémique.
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Pour Ibrahim Bockarie, directeur de l'ONG Concerned Citizens Governance Network, « ces femmes ont été inculpées parce qu'elles n'ont pas les connexions politiques, ou parce qu'elles sont simplement des victimes des circonstances. Elles servent de boucs émissaires, alors que d'autres trafiquants présumés échappent à la justice. Leurs noms vont juste servir à montrer que le gouvernement est sérieux dans la lutte contre la drogue. Mais les vrais dealers, les vrais barons, sont très proches du gouvernement. »
« Il faut interpeller ceux qui sont en bas de la chaîne »
Une allusion notamment à Jos Leijdekkers, un trafiquant néerlandais recherché par Interpol, dont la présence aurait été signalée sur le sol sierra-léonais -- des accusations que les autorités contestent cependant. Pour Ibrahim Samuel Dugba, directeur de l'Agence nationale antidrogue, il n'y a aucune « justice sélective » : « Si un individu -- ou une femme -- est pris avec plus d'un kilo de drogue, on ne peut pas parler de justice sélective. Il faut interpeller ceux qui sont en bas de la chaîne pour remonter ensuite aux barons. L'enquête en cours doit nous dire comment ils ont obtenu la drogue -- et en suivant cette chaîne, nous saurons qui est réellement le chef du réseau. »
Les autorités de Sierra Leone assurent - en parallèle rechercher - une trafiquante présumée, Fatmata Mansaray, aujourd'hui en cavale. Elle a laissé derrière elle son passeport et sa carte d'identité dans la précipitation. L'agence anti-drogue du pays affirme « faire tout son possible » pour la retrouver.