« Il est justifié de déclarer que notre communauté est en état d'urgence ». Tels sont les propos tenus mardi 9 décembre par le président de la Commission de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, Omar Touray, devant le Conseil de médiation et de sécurité de la Cédéao.
Deux jours après la tentative de putsch au Bénin, dix jours après celui de Guinée-Bissau, il faisait référence à la multiplication des coups d'État militaires ces dernières années et à l'expansion de la menace jihadiste dans la zone Cédéao. À ce stade, aucun mécanisme formel d'état d'urgence n'a été actionné.
« C'est juste une formule pour décrire la situation », décrypte un cadre de la Cédéao, qui précise que « pour l'instant, il n'y a pas encore de mécanisme spécifique validé par la conférence des chefs d'État ». Plusieurs experts sollicités par RFI expliquent d'ailleurs qu'il n'existe à proprement parler, dans les textes de la Cédéao, aucun statut d'état d'urgence à l'échelle communautaire, ni aucun précédent s'en rapprochant dans l'histoire de l'organisation.
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Les sanctions économiques ou la suspension d'un État membre des instances de la Cédéao sont prévues par le Protocole sur la bonne gouvernance. Lorsque de telles sanctions avaient été décidées après les coups d'État militaires au Mali ou au Niger par exemple, aucun « état d'urgence de la Cédéao » n'avait été actionné - et pour cause, ce statut n'existe pas.
« Une idée qui n'a jamais quitté la Cédéao »
Toutefois, pour Jean-François Akandji-Kombé, spécialiste centrafricain des droits communautaires en Afrique et professeur à la Sorbonne, les mots du président de la commission, Omar Touray, n'ont pas été choisis par hasard. « La mention de l'état d'urgence me rappelle cette idée, ancienne dans le cadre de la Cédéao, qui était de mettre en place un système de sécurité collective, d'être un peu une agence décentralisée de l'Union africaine en matière de sécurité collective lorsqu'il y a une menace qui pèse sur les États de l'espace. La Cédéao devrait être mise en mesure de prendre des mesures d'intervention, des mesures même de police, développe Jean-François Akandji-Kombé. C'est une idée qui n'a jamais quitté la Cédéao. Peut-être qu'en mentionnant la notion d'état d'urgence, il y a ceci qui est dans l'air, pour peut-être une discussion entre les chefs d'État et de gouvernement. »
Omar Touray envisage-t-il la création d'un tel mécanisme ? « Les événements de ces dernières semaines ont démontré l'impératif d'une profonde introspection sur l'avenir de notre démocratie, a également déclaré mardi le président de la commission, et l'urgence d'investir dans la sécurité de notre communauté. »
Échelle nationale
Autre possibilité : les États, sur leur territoire respectif et en vertu de leur législation nationale, peuvent eux-mêmes se déclarer en état d'urgence ou d'exception, si l'ordre public est menacé. La petite phrase d'Omar Touray pourrait donc également être interprétée, selon le professeur Jean-François Akandji-Kombé, « comme une incitation de la Cédéao à ce que les États membres puissent prendre les mesures prévues par leur constitution. »
Le prochain sommet des chefs d'État de la Cédéao, prévu ce dimanche 14 décembre à Abuja, devrait être l'occasion pour l'organisation d'apporter de nouvelles précisions.