Selon certaines sources, le président Mahamat Idriss Deby, a l'intention de réhabiliter Hissène Habré, ce que dénoncent les victimes et leurs avocats.
Près d'une semaine après l'expulsion par les autorités tchadiennes del'avocat américain, Reed Brody, les organisations de défense des droits humains et victimes du régime Habré continuent d'exprimer leur incompréhension.
Venu à N'Djamena pour présenter son ouvrage sur l'ex-président Hissène Habré, Reed Brody a été expulsé du pays.
Pour de nombreux observateurs, l'expulsion de l'avocat américain Reed Brody participe de la volonté du régime de Mahamat Idriss Deby Itno d'empêcher désormais tout discussion sur le règne controversé de Hissène Habré. Car, depuis la tenue du dialogue national inclusif et souverain, les Tchadiens sont divisés autour du débat sur la réhabilitation de la mémoire de l'ancien président Hissène Habré.
Décédé en août 2021 à Dakar au Sénégal où il a été condamné à la prison à perpétuité pour crimes contre l'humanité, Hissène Habré reste une figure controversée, autant pour ses partisans que pour ses détracteurs.
"Ce n'est pas possible !"
Pour Maître Delphine Kemneloum Djiraïbé, l'une des avocates des victimes du régime Habré, la réhabilitation de la mémoire de monsieur Habré serait une insulte pour les victimes et un blanchiment de ses crimes.
"C'est inutile de dire qu'on va empêcher que les gens parlent du dossier Hissène Habré. Hissène Habré a été jugé pour des crimes graves, il a été condamné à perpétuité et est décédé en prison. Je ne sais pas par quelle porte on va passer pour parler de cette réhabilitation ? Ce n'est pas possible parce que la décision de justice est irréversible donc on ne peut pas le blanchir. Le blanchir serait nier l'existence des victimes qui sont là par milliers, ça serait nier tout le processus qui a amené à son jugement et à sa condamnatio", estime Maître Delphine Kemneloum Djiraïbé.
"Une volonté largement partagée"
La question de la réhabilitation du président Habré est portée en particulier par la communauté Gorane, dont l'actuel chef de l'État, Mahamat Idriss Déby Itno, est en partie issue.
Pour le sociologue Gondé Ladiba qui enseigne à l'université de N'Djamena, le processus est donc tout à fait logique.
"La réhabilitation de la mémoire de l'ancien président Hissein Habré a commencé à travers le dialogue national inclusif et souverain de 2022 ou les participants dans leurs résolutions ont demandé non seulement que les victimes soient dédommagées et qu'une démarche soit faite pour le retour de la famille de Habré au Tchad mais également de sa dépouille mortelle. Donc c'est une volonté largement partagée qui est de faire en sorte que monsieur Habré puisse venir se reposer sur la terre de ces ancêtres", explique l'universitaire.
Hissène Habré a dirigé le Tchad de 1982 à 1990. Son règne a été marqué par des violations massives des droits de l'homme, y compris des actes de torture et des exécutions sommaires. En 2016, il a été condamné par un tribunal spécial au Sénégal à la suite d'une plainte déposée par des victimes tchadiennes.
L'ancien président est mort en août 2021 à l'âge de 79 ans et a été inhumé au Sénégal.