Tunisie: Victoire de Kaïs Saïed à la présidentielle - Quelle légitimité avec un taux de participation aussi bas ?

analyse

27,7%. C'est le taux de participation à la présidentielle du 6 octobre dernier dont le président Kaïs Saïed est donné vainqueur, selon un sondage, avec plus de 89% des voix dès le premier tour, avant même la proclamation des résultats provisoires.

Une victoire qui reste seulement à confirmer par les canaux officiels d'autant plus que cette élection était une formalité pour l'ascétique locataire du palais de Carthage. En effet, le président sortant et candidat à sa propre succession, s'est donné les moyens d'une victoire sans coup férir, après avoir travaillé à verrouiller le système tout en se faisant accompagner de candidats motards.

C'est dire si la victoire, en elle-même, de Kaïs Saïed n'est pas une surprise, encore moins le pourcentage de suffrages récoltés par l'universitaire-président connu pour ses dérives autoritaires et qui a, soit dit en passant, réussi à renforcer ses pouvoirs à la faveur d'une révision constitutionnelle controversée. Mais au-delà du score, c'est le faible taux de participation qui ne manque pas d'interroger sur la légitimité de l'ancien-nouvel élu à la tête de l'Etat tunisien. En tout cas, cela devrait l'interpeller.

Tout porte à croire que les Tunisiens sont au bord du désenchantement

Car, à quoi sert-il de se faire élire sur un score stalinien si cela n'a été finalement que par une poignée d'électeurs dont on se demande s'ils sont suffisamment représentatifs de la grande masse des Tunisiens ? Bien entendu, il ne s'agit pas de remettre en cause, une victoire légalement acquise aux termes de la loi tunisienne. Mais la question qui se pose est de savoir si ce manque d'engouement des électeurs constaté dans les urnes, est la traduction de la désaffection des Tunisiens par rapport à la chose politique de façon générale.

Ou s'il faut plutôt y voir le reflet d'un désamour à l'endroit de leur président. Mais aussi surprenante que puisse paraître la question, elle est loin d'être saugrenue. Car, après un premier quinquennat caractérisé par le renforcement des pouvoirs du président sur fond de liquidation des acquis démocratiques, il y a beaucoup de choses à revoir dans la gouvernance du président Kaïs Saïed dont les réformes sont loin de soulever l'enthousiasme de ses compatriotes.

Et cinq ans après l'arrivée de Robocop au pouvoir, tout porte à croire que les Tunisiens sont au bord du désenchantement avec des perspectives d'avenir qui tardent encore à se dessiner clairement. Comment peut-il en être autrement quand on voit comment le constitutionnaliste devenu président a travaillé à mettre au pas des institutions comme la Justice et le parlement qui sont des piliers de la démocratie, de même que le gouvernement et l'opposition, après avoir oeuvré à museler toutes les voix discordantes ?

Et la presse n'est pas logée à meilleure enseigne avec ces médias cadenassés, ces journalistes embastillés qui sont autant de signes d'une démocratie en souffrance et mise à rude épreuve par un président dont l'obsession majeure reste le renforcement de son pouvoir pour se donner les moyens de sa politique.

Le président Kaïs Saïed doit avoir le triomphe modeste

Toujours est-il qu'au regard des difficultés économiques et du rétrécissement du champ des libertés individuelles, tout porte à croire que la priorité des Tunisiens est beaucoup plus ailleurs que dans ces élections visiblement jouées d'avance. C'est dire si au-delà du score stalinien de sa victoire, le président Kaïs Saïed doit avoir le triomphe modeste. D'autant plus que les défis restent entiers.

Et, aussi légitime que soit l'expansion de joie débordante de ses partisans, elle ne saurait cacher la réalité des défis qui restent entiers pour le président Kaïs Saïed qui a soumis son peuple à une cure d'austérité qui est loin de faire le bonheur de ses compatriotes. On est d'autant plus porté à le croire que tout, dans le comportement des Tunisiens, semble indiquer qu'ils ont besoin de plus pour croire en un meilleur avenir.

En tout état de cause, on attend de voir ce que le président réélu fera de son second mandat. Et si ses compatriotes peuvent espérer un changement dans la gouvernance. Pour le reste, on se demandera toujours si les Tunisiens qui se sont abstenus d'aller aux urnes, ont eu tort de ne pas le faire pour essayer de changer les choses, ou raison de ne pas se lancer dans un combat perdu d'avance, au risque de donner de la crédibilité à une élection dont les dés étaient manifestement déjà pipés.

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