Le principal parti de l'opposition tchadienne et une quinzaine d'autres partis ont laissé planer le doute, samedi dernier, sur leur participation aux futures élections législatives et locales prévues pour le 29 décembre prochain.
Ils menacent tous de boycotter le double scrutin si les standards démocratiques ne sont pas respectés, et exigent notamment la révision du fichier et du découpage électoral, le consensus entre les acteurs politiques, le report des élections, le dialogue préalable avec le chef de l'Etat et la garantie que les résultats de ces consultations électorales ne seront pas tripatouillés.
Une liste de doléances à la Prévert que rejette en bloc la plateforme politique sous la bannière de laquelle Mahamat Idriss Deby a été élu le 6 mai 2024, au terme d'une élection présidentielle "yourkou-yarka" marquée par une violence inouïe et la mort, quelques semaines plus tôt, de la figure emblématique de l'opposition, Yaya Dillo.
Dans cette coalition large de plus de deux cents partis, créée en avril dernier, pour permettre au général d'armée d'enfiler le boubou présidentiel taillé sur mesure, on en vient presqu'à rire des menaces de boycott de l'opposition, qui n'auront sans doute aucun effet sur la détermination des Tchadiens à boucler la boucle de la transition avec la mise en place de l'Assemblée nationale, des conseils provinciaux et municipaux.
Boycott ou pas, Mahamat Deby aura très probablement sa majorité parlementaire
En clair, le leader de l'opposition Succès Masra et ses camarades peuvent continuer à hurler avec les loups, mais leur coup de semonce ne remettra pas en cause pour autant la supposée ou réelle légitimité démocratique des députés et des conseillers qui seront élus, ni ne troublera le sommeil du serein Mahamat Deby qui en a déjà vu des vertes et des pas mûres au cours de ses trois petites années de règne.
Si ce boycott venait à être effectif, ce serait même du pain bénit pour le régime particulièrement répressif de N'Djamena, d'autant que les projets et propositions de lois vont rouler sur du velours entre la présidence de la République et l'Assemblée nationale, poussés par les voix des béni-oui-oui qui seront quasiment les seules audibles au futur parlement.
Pour dire vrai, boycott ou pas, Mahamat Deby aura très probablement sa majorité parlementaire, et c'est peut-être parce qu'ils ont déjà pris conscience de ces résultats imparables et favorables au pouvoir en place, que ces opposants font flèche de tout bois pour, non seulement, donner des signes de vie à leurs électeurs potentiels, mais aussi et surtout, pour faire un appel du pied à la "mangeoirité présidentielle" pour un partage du gâteau à l'issue du scrutin.
Dans un pays où la versatilité est la principale caractéristique des hommes politiques, il n'est pas exclu, en effet, que certains partisans du boycott fassent, quelques semaines avant le scrutin, une sorte de double salto arrière, pour, dans un premier temps, abandonner cet abstentionnisme improductif, puis dans un second temps, s'inféoder à la coalition au pouvoir pour espérer être élu par le jeu des alliances ou, à tout le moins, bénéficier plus tard d'un poste dans cette Administration tchadienne gangrénée par la corruption et le clientélisme.
In toto, en écoutant les balourdises politiques de ceux qui se réclament aujourd'hui de l'opposition, Mahamat Idriss Deby a certainement poussé un soupir de soulagement à l'idée de voir son pouvoir renforcé par le "touk-guilli"(plébiscite) de ses partisans en perspective.