Afrique: Un nouvel acteur pour changer la donne - L'Académie de l'OMS et son projet pour la santé mondiale

Le Directeur général de l'OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, et le résident français Emmanuel Macron lors du lancement de l'Académie de l'OMS à Lyon.
18 Décembre 2024
tribune

Lorsque j’étais Ministre de la santé de l’Éthiopie, notre objectif était de transformer le système de santé du pays et j’étais alors en quête de conseils sur la voie à suivre. Il se trouve que l’Organisation mondiale de la Santé avait à m’offrir exactement ce dont j’avais besoin. Mais ce n’est pas l’OMS qui m’en a informé – je l’ai appris grâce à un moteur de recherche.

Je ne suis pas seul à avoir connu cela. Si la qualité des produits techniques de l’OMS – ses lignes directrices, ses normes et ses critères – est largement reconnue dans le monde, le manque de dispositifs institutionnels de formation a bien souvent empêché de les transposer en actions de terrain. Parfois, nos produits finissent au fond d’une étagère ou d’une boîte de réception de messagerie, sans jamais avoir été ouverts. Si l’OMS fournit des formations dans les pays, celles-ci n’avaient jusqu’alors ni été intégrées à un véritable système institutionnel, ni dispensées à suffisamment vaste échelle.

C’est l’une des raisons pour lesquelles, suivant mon élection comme Directeur général de l’OMS, en 2017, nous avons engagé la série de réformes les plus ambitieuses de l’histoire de l’Organisation afin de rendre l’OMS plus efficace, plus efficiente et plus réactive, le but étant de répondre aux besoins des pays et de les aider à relever les défis auxquels ils sont confrontés.

Parmi ces besoins, il faut renforcer les moyens de mieux faire face à l’évolution des menaces pour la santé, y compris aux risques d’épidémies et de pandémies. Or, nous avons constaté que, même si l’OMS possédait de riches connaissances et de compétences pointues, nous ne disposions d’aucun dispositif systématique ou institutionnel pour les faire partager.

C’est ainsi qu’est née l’idée de l’Académie de l’OMS : une nouvelle institution chargée de doter les personnels de santé et d’aide à la personne, les décideurs politiques et le personnel de l’OMS des savoir-faire et des compétences nécessaires pour agir efficacement pour la santé pour tous.

Lors de la réunion du G20 en Argentine en 2018, à l’occasion d’une discussion de couloir, j’ai évoqué l’idée de l’Académie de l’OMS avec le Président de la France, Emmanuel Macron. Il a immédiatement compris ce dont il s’agissait et m’a invité à l’Élysée pour en discuter plus en détail avec lui. En 2019, nous avons signé une lettre d’intention pour installer l’Académie à Lyon ; en 2021, nous avons posé la première pierre, et aujourd’hui nous allons ensemble ouvrir les portes de cette nouvelle institution.

Grâce au généreux soutien du gouvernement de la France, de la région Auvergne-Rhône-Alpes, de la Ville et de la Métropole de Lyon, l’Académie met à disposition un campus de formation à la pointe du progrès, adapté à des formations en personne aussi bien qu’à distance, ainsi qu’une plateforme d’apprentissage en ligne qui exploite l’intelligence artificielle et d’autres technologies pour donner gratuitement accès à des cours de grande qualité sur les enjeux de santé prioritaires.

L’Académie de l’OMS ne s’occupera pas de la formation initiale des médecins, des sage-femmes, des pharmaciens ou des autres professionnels, mais elle offrira des occasions d’apprentissage tout au long de la vie permettant aux personnels de santé et d’aide à la personne de se tenir au fait des dernières évolutions dans leur domaine.

Cela sera particulièrement profitable aux soignants et aux décideurs des pays à faible revenu, qui, souvent, n’ont pas accès à la formation.

L’Académie s’appuie sur le partenariat étroit que la France et l’OMS entretiennent de longue date. D’une certaine manière, c’est en France qu’est née l’OMS : la première Conférence sanitaire internationale s’est tenue à Paris en 1851 et l’Office international d’hygiène publique – l’ancêtre de l’OMS – a été créé à Paris en 1907.

L’ouverture de l’Académie de l’OMS à Lyon revêt donc une importance à la fois symbolique et stratégique. Lyon est un pôle de santé publique très dynamique où se trouvent des centres de recherche et des établissements de formation médicale de renommée mondiale. La ville bénéficie également d’une situation géographique stratégique : elle est située à peine deux heures du Siège de l’OMS à Genève, où travaillent la plupart des experts chargés d’assurer les formations en personne.

L’inauguration du campus de Lyon et le lancement mondial d’un ensemble diversifié de cours en ligne sont l’aboutissement d’un cheminement qui a duré sept ans, en même temps que le début d’une nouvelle étape. Pour que l’Académie soit une réussite, elle devra être au diapason des priorités et des besoins des pays, qui devront tous se mobiliser et coopérer.

Cela étant, si l’Académie constitue une grande avancée, elle ne représente qu’une partie de la solution. Notre objectif est de renforcer les capacités des personnels de santé, partout dans le monde, mais la pénurie de ressources humaines est criante au niveau mondial : selon les prévisions, 10 millions de personnels de santé et d’aide à la personne seront nécessaires d’ici à 2030, dont plus de la moitié en Afrique.

La crise mondiale du personnel de santé ne pourra être réglée sans volonté politique et sans que les gouvernements, les organisations internationales et le secteur privé n’y consacrent les investissements nécessaires. L’Académie de l’OMS est un tremplin, mais les gouvernements doivent agir face aux causes premières du déficit de personnel. Cela passe par l’amélioration des conditions de travail, une juste rémunération et des carrières conformes au principe du travail décent, seul moyen d’attirer de nouveaux talents vers le secteur de la santé.

En fin de compte, il ne saurait y avoir de santé sans les soignantes et les soignants. Les agents de santé sont là quand nous poussons notre premier cri et quand nous rendons notre dernier souffle. Ces femmes et ces hommes sont là quand nous sommes le plus vulnérables ; ils et elles sont présents au cœur des crises, que celles-ci soient d’ordre personnel, comme le diagnostic d’un cancer, ou aient une ampleur mondiale, comme une pandémie. Ainsi, investir dans les agents de santé, c’est investir non seulement dans un monde en meilleure santé, mais aussi dans un monde à la fois plus stable et plus sûr.

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