A Brazzaville pour solliciter le soutien du Congo à sa candidature au poste de vice-présidente de la Commission de l'Union africaine (UA) pour le compte de son pays, le Dr Hanan Morsy, dans une interview exclusive aux Dépêches de Brazzaville, dévoile sa vision pour le continent africain.
Vous êtes candidate au poste de vice-président de la Commission de l'UA. Peut-on connaître les raisons qui motivent votre candidature ?
Comme vous le savez, l'Egypte fait partie des Etats fondateurs de l'UA et sa contribution figure parmi les plus importantes au sein de notre organisation continentale, mais aussi dans toutes les initiatives stratégiques que l'organisation mène. Mon pays croit fermement que l'UA est la voie la plus appropriée pour porter tous les pays africains et promouvoir l'agenda du développement. Autant dire que l'Egypte estime que ma candidature est la mieux placée pour servir les intérêts de l'UA.
Ma motivation personnelle, c'est l'amour pour le continent et ma croyance en l'avenir de l'Afrique qui a un vaste potentiel pour relever les défis en tous genres et surmonter les obstacles de toutes sortes, à savoir la dette, la sécurité et les changements climatiques.
Dotés d'une population majoritairement jeune, nous sommes le continent qui dispose en plus d'immenses ressources pour développer l'énergie solaire et faire face au problème énergétique auquel il est confronté.
Étant au Congo, je ne peux m'abstenir d'évoquer le bassin du Congo qui représente le poumon du monde en termes de réserve de carbone. Il est l'opportunité pour l'Afrique de relever ce défi. Le bassin du Congo est aussi le relais de l'UA qui progresse de plus en plus et doit faire face aux problèmes globaux tels que les tensions géopolitiques et le protectionnisme afin de promouvoir le multilatéralisme au détriment du bilatéralisme prôné par certains pays.
Vous avez œuvré dans différents organismes, institutions internationales et sous-régionales. Forte de votre expérience, quelles seront vos priorités une fois élue à ce poste ?
Une fois élue, je vais focaliser mes priorités en trois volets, à savoir les réformes, les ressources et les peuples. Il s'agit, en effet, d'accélérer les réformes institutionnelles prônées par les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA ainsi que le consensus entre tous les pays. Une autre priorité consistera à réduire les dépenses de l'UA dans les projets qui n'aboutissent pas ou qui n'ont pas un impact considérable sur la vie de la population en orientant ces ressources financières vers des projets plus porteurs qui manquent malheureusement de financements.
Aussi, je vais travailler pour une meilleure gestion et (une plus grande) mobilisation des ressources financières que l'UA reçoit des partenaires et organisations financières tant continentales qu'internationales. Cela au regard de mon expérience dans la gestion des ressources financières de différentes institutions.
Nous allons également travailler à la mise en oeuvre de l'agenda de l'UA concernant les intérêts de la population et des pays africains. Car mon engagement a pour objectif de voir les conditions des peuples s'améliorer à travers des projets qui les touchent directement et qui impactent en même temps leur vie. C'est une façon aussi d'attirer vers leur organisation continentale certains citoyens qui n'y sont pas attachés pour la simple raison qu'ils ignorent son rôle, son existence et ce qu'elle leur apporte concrètement. D'où le bien-fondé de créer une vraie connectivité entre les communautés locales, la diaspora, les parlements, les communautés économiques régionales et tous les acteurs de la société.
Nous avons aujourd'hui besoin d'une Union qui fonctionne à merveille et j'entends œuvrer pour la protection des intérêts des pays africains par eux-mêmes. Tout ceci arrive à un moment historique où l'Afrique jouit d'une place dans le G20, ce qui va nous aider à promouvoir nos intérêts. Au plan régional, l'UA est appelée à jouer un rôle de premier rang dans la préservation, le maintien de la paix et la sécurité ainsi que l'intégration régionale et le développement durable. Du point de vue stratégique, la mise en oeuvre de la zone de libre-échange continentale africaine est donc une opportunité pour l'emploi et la croissance.
L'UA fait aujourd'hui face à plusieurs défis : financiers, sécuritaires et climatiques. Comment comptez-vous vous y prendre pour tenter de trouver des réponses à ces problèmes ?
Commencer avec le défi climatique parce que le Congo prend le leadership de ce dossier. Pour ce faire, ma solution à ce sujet est d'œuvrer pour aboutir à un consensus de tous les pays sur ce dossier afin de disposer d'un agenda sans lequel nous ne pourrons pas avancer ni trouver de solutions. Nous sommes tous conscients que nous devons aller vers le zéro carbone, mais il nous faut un intervalle de temps qui corresponde aux besoins de développement des pays africains parce qu'il existe une nette différence entre notre développement et celui d'autres continents.
Comme le fait la République du Congo, le développement du marché de carbone va donner au pays une compensation juste et équitable. Ce qui appelle à des solutions collectives, par exemple, dans la construction des marchés carbones en matière de régulation harmonieuse entre les Etats africains.
S'agissant du financement, ce qui bloque les pays africains dans la réalisation de l'agenda 20-63 pour le développement durable c'est bien le manque de financement parce que nous n'arrivons pas à avoir un montant suffisant correspondant aux besoins des pays pour la mise en oeuvre des programmes conçus.
En matière de sécurité, nous allons privilégier les solutions globales au niveau du G20 et la coordination sous-régionale.
Quelles stratégies envisagez-vous mettre en place pour promouvoir le consensus qui a souvent fait défaut au sein de l'UA sur certaines questions d'intérêt continental ?
J'étais co-présidente d'un groupe de travail sur l'architecture financière globale où j'ai travaillé avec des ministres des Finances et du Développement de l'UA afin de parvenir à un consensus qui amène à des solutions communes et (une) position d'ensemble. Je vais donc me concentrer sur cette stratégie pour implémenter les actions de sorte à mieux faire avancer l'agenda de l'UA.
Vous êtes à Brazzaville dans le cadre d'une tournée de présentation de votre candidature. Avez-vous le sentiment d'avoir obtenu le soutien des autorités congolaises ?
Effectivement, je suis en tournée africaine et j'ai visité plusieurs pays avant la République du Congo qui est une étape d'une importance stratégique au regard des relations très importantes qui lient la République Arabe d'Egypte et la République du Congo. Ce sont des relations historiques auxquelles nous tenons beaucoup.
Le but de cette visite est de présenter la vision de la candidate égyptienne que je suis, les priorités, le programme de travail pour fixer les Etats membres de l'UA sur ce que nous allons faire une fois élue au poste de vice-président de la commission. Cette vision, je l'ai présentée ici au Premier ministre et au ministre des Affaires étrangères à la lumière de la vaste expérience qui est la mienne.
Nous avons eu des échanges fructueux et nous espérons le soutien du Congo. De même, j'ai transmis la lettre du président Abdel Fattah al-Sissi adressée à son frère et homologue, Denis Sassou N'Guesso, qui témoigne des relations fraternelles et remarquables qui existent entre nos deux pays.