Voilà plus de 33 ans que le regretté Président Félix Houphouët Boigny a quitté ce monde, que son Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA) crée en 1946, avant l’indépendance du pays, s’interroge et scrute son horizon.
Que reste-t-il, ou que restera-t-il de ce legs après l’élection présidentielle en Côte d’ivoire en 2025. C’est bien la question que se posent beaucoup d’observateurs de la vie politique dans ce pays, non sans raison d’ailleurs.
C’est vrai que la succession « mal préparée » pour certains et volontairement provoquée sans dauphin pour d’autres, qui est pointée du doigt pour imputer une certaine responsabilité à Houphouët, n’est pas à écarter dans le différend Ouattara / Bédié au lendemain du décès « du Vieux » de Yamoussoukro. La suite on la connait. Bédié président de l’Assemblée national succède au Président Houphouët Boigny en 1993 à son décès, et se fait élire en 1995 sur un « coup de pouce » du défunt président au nez et à la barbe de Ouattara et de Gbagbo.
Son magistère on se rappelle a été marqué pour la première fois par la crise identitaire de « l’ivoirité » à l’origine de la première césure au sein du PDCI entre partisans de Ouattara supposés être d’origine étrangère qui pouvaient être des concurrents de Bédié lui-même théoricien de l’ivoirité.
Le Rassemblement des Républicains (RDR) se crée autour d’Alassane Ouattara, sur les flancs du parti historique pour l’affaiblir avant que le coup d’état de 1999 vienne mettre un terme au mandat de Bédié pour installer un régime militaire, le 1er dans l’histoire de la Côte d’ivoire.
La suite on la connait, la Côte d’ivoire entra dans un cycle de violence politique et électorale qui a abouti au départ de du Général Robert Guei et à la prise du pouvoir par Laurent Gbagbo en 2000.
Les péripéties qui avaient conduit à la création du RHDP en 2005 composée entre autres du RDR et du PDCI, avait laissé croire à une recomposition de la famille des houphouetistes, qui malheureusement n’a pas tenue.
L’élection de Alassane Dramane Ouattara (ADO) en 2011 devant Gbagbo et Henri Konan Bédié arrivé troisième avec 25%, marque un recul net du PDCI et a depuis plongé le parti dans des querelles internes de leadership comme c’est le cas toujours au lendemain de défaites électorales.
L’élection présidentielle d’octobre 2015 est venue accentuer les dissensions avec l’appel de Daoukro lancé en septembre 2024, par Henri Konan Bédié en faveur d’un soutien à la candidature d’Alassane Ouattara. La suite on la connait, des ténors du parti comme Kouadio Konan Bertin, Jérôme Brou Kablan, Charles Konan Banny et Amara Essy boudent le congrès du Parti qui enregistre une seconde scission.
Après avoir soutenu Ouattara en 2010 et 2015, le PDCI s’est vu refusé l’alternance, dans le cadre de leur compagnonnage par le RDR, pour présenter un candidat PDCI dans le cadre du RHDP à l’élection de 2020. La rupture de cette alliance, 3 ans après le second mandat de Ouattara, pour faire cavalier seul sera du reste sans succès, d’ailleurs le parti du sphinx de Daoukro y laissera sur place quelques-uns de ses ténors qui ont suivi Ouattara.
C’est dire que cette longue série de défection a fini par faire du PDCI le plus ancien parti de Côte d’ivoire et peut-être de l’Afrique de l’ouest encore en vie, un parti de niveau moyen comme ceux des autres pays de la sous-région comme le Parti socialiste au Sénégal, l’ADEMA au Mali, le Parti Progressiste Nigérien ( qui n’est plus représenté au parlement).
Au gros risque plane aujourd’hui sur le PDCI avec la candidature de Jean Louis Billon envers et contre la volonté de l’« establishment du PDCI et de ses hiérarques » qui ont déjà porté Tidjane Thiam à la tête de leur parti et qui d’office en est devenu la candidat à la présidentielle.
Le risque porte moins sur la compétition qui pourrait être organisée entre les deux protagonistes et qui serait salutaire, et exemplaire pour le continent, mais dans le discours. Il semble que le PDCI ne soit pas guéri de « sa maladie identitaire ». Bédié avait prétexté de l’ivoirité pour écarter Ouattara, qui finalement est devenu Président. Aujourd’hui l’argument brandi contre Tidjane Thiam, et par Billon lui-même est qu’il est resté hors du pays depuis plus de 15ans, il ne connait pas le pays, ses enfants ne vont pas à l’école ivoirienne, et enfin on interroge ses origines sénégalaises alors que lui-même est un neveu du fondateur Houphouët Boigny. Que faut-il d’autre pour creuser encore les divisions ?
Hélas ce discours risque de prospérer et d’exacerber la césure au sein du PDCI et conduire irrémédiablement à sa perte. C’est loin d’être une vue de l’esprit. Les anciens ou les sages peuvent-ils ramener tout le monde à la maison, dès lors qu’ils ont pris fait et cause pour l’un des protagonistes Tidiane Thiam notamment ? That is the question.