Selon une étude publiée en février 2025, 14 % des diabétiques en Afrique sub-saharienne souffrent de l'ulcère du pied diabétique (couramment appelé pied diabétique).
Il s'agit d'une des complications du diabète résultant d'un certain nombre de facteurs tels qu'une mauvaise circulation ou une pression exercée sur les pieds.
Publiée dans la revue Diabetes Research and Clinical Practice, l'étude en question est intitulée « Pied diabétique : une évaluation systématique et une méta-analyse de sa prévalence et des facteurs associés chez les personnes atteintes de diabète sucré en Afrique sub-saharienne ».
Elle révèle que la plupart des besoins liés au diabète en Afrique sub-saharienne ne sont actuellement pas couverts, et les troubles liés au pied diabétique sont exacerbés par la question du coût des soins, mais aussi par un manque de connaissances, entre autres.
"La priorité devrait être donnée à la prévention, et principalement à l'identification des pieds à risque chez les personnes atteintes de diabète"José Luis Lázaro Martínez, Clínico San Carlos de Madrid (Espagne)
Pour arriver à ces résultats, les chercheurs ont effectué une évaluation systématique et une méta-analyse en synthétisant les résultats de plusieurs études et en traitant les données ainsi recueillies.
« Comme nous l'avons mentionné dans l'analyse, la prévalence du pied diabétique chez les personnes atteintes de diabète sucré varie énormément, entre un minimum de 2,1 % et un maximum de 32,5 % », explique Kirubel Eshetu Haile, un des auteurs de l'étude.
Le chercheur, qui enseigne l'Ecole des sciences infirmières du College of health sciences and medicine, Wolaita Sodo University en Ethiopie, précise que le principal objectif était de rassembler les données nécessaires pour mettre au point des interventions ciblées en proposant des mesures qui permettent de limiter l'incidence et la gravité du pied diabétique.
Selon l'équipe de recherche, ce taux de prévalence de 14 % de pied diabétique chez les patients souffrant de diabète sucré en Afrique subsaharienne est supérieur à celui que l'on observe dans d'autres régions du monde.
Manque de connaissances
« Parmi les personnes diabétiques les plus touchées identifiées dans notre étude, on compte celles qui habitent en zone rurale, qui souffrent d'une neuropathie périphérique, qui ne prennent pas bien soin d'elles, qui ont déjà eu un pied diabétique et qui vivent avec le diabète depuis plus de 10 ans », explique le chercheur.
Cette source confie à SciDev.Net que les défis liés au pied diabétique sont nombreux en Afrique sub-saharienne où la plupart des besoins des diabétiques ne sont pas couverts, où ils reçoivent moins d'attention et où les aspects invalidants du pied diabétique sont exacerbés par les questions relatives aux coûts des soins, par le fait que les gens ne prennent pas bien soin d'eux et par un manque de connaissances.
Fait surprenant, ajoute le chercheur, dans certains pays d'Afrique Sub-saharienne, les morsures de rat contribuent aussi à l'apparition du pied diabétique, en particulier chez les personnes vivant en zone rurale, ce qui en fait un facteur associé à la maladie, révèle-t-il.
Contacté par SciDev.Net, Peter Schwarz, président de la Fédération internationale du diabète, affirme que dans les pays en développement, le pied diabétique et les amputations subséquentes sont « malheureusement » très répandus.
Il ajoute que la pauvreté, le manque d'infrastructures de santé et d'hygiène et le fait de marcher pieds nus aggravent souvent l'impact des lésions causées par la maladie.
Moins d'un tiers des médecins savent les symptômes
La Fédération ajoute qu'en raison d'un manque de formation, on estime que moins d'un tiers des médecins savent identifier les symptômes du pied diabétique pour en parler avec leurs patients.
« Toutes les personnes diabétiques devraient être testées et orientées en fonction de leurs facteurs de risque afin qu'elles puissent bénéficier de programmes cliniques de prévention et de traitements », plaide Peter Schwarz.
« Par ailleurs, regrette-t-il, le manque de données sur les complications liées au pied diabétique, qui permettraient d'établir des comparaisons directes entre pays, met en lumière la nécessité de trouver un consensus au niveau international et de coordonner la collecte de telles données ».
Carter Clinton, anthropologue génétique et professeur assistant à l'université d'Etat de Caroline du Nord, renchérit en disant que le principal défi en Afrique subsaharienne est le diagnostic tardif des ulcères du pied diabétique et l'accès limité aux soins spécialisés du pied ; ce qui se traduit par des taux d'amputation et de mortalité élevés.
« Comme le souligne l'étude, les personnes les plus touchées sont celles issues de milieux socio-économiques défavorisés, en particulier dans les zones rurales, qui ont des pratiques d'automédication médiocres et souffrent depuis longtemps de diabète », dit-il.
« Ces populations sont souvent confrontées à des obstacles importants en matière de soins de santé, notamment la méfiance à l'égard du système médical et l'accès limité aux services essentiels ; ce qui retarde le diagnostic et le traitement », ajoute Carter Clinton.
Programmes de sensibilisation
Selon une autre étude publiée en 2022 et intitulée « Le pied diabétique sur le continent africain : des soins cliniques à la mise en oeuvre - une évaluation du pied du diabétique au cours des 60 dernières années, de 1960 à 2020 », la prévalence du diabète augmente dans le monde entier, et c'est en Afrique que cette augmentation pourrait être la plus importante.
Cette étude rapporte que les taux de complications associées au pied diabétique ont varié au cours des six dernières décennies. Pas moins de 55 % des patients se sont manifestés tardivement pour cause d'infection ou de gangrène.
Pour les chercheurs, des programmes de sensibilisation et de prévention sont dès lors indispensables pour lutter contre les complications croissantes du pied diabétique.
La prévention et la réduction des facteurs de risque comme le tabagisme, la consommation d'alcool et des taux élevés de cholestérol et de glycémie sont primordiales.
Les experts affirment que les personnes vivant avec le diabète devraient examiner leurs pieds de manière quotidienne, en faisant particulièrement attention à la voûte plantaire et aux espaces entre les orteils pour vérifier s'il y a des rougeurs, des ecchymoses, etc.
Un avis que partage José Luis Lázaro Martínez, directeur du groupe de recherche sur le pied diabétique à l'Institut de recherche en santé de l'hôpital Clínico San Carlos de Madrid en Espagne.
Il fait savoir à SciDev.Net que « la priorité devrait être donnée à la prévention, et principalement à l'identification des pieds à risque chez les personnes atteintes de diabète ».
Obstacles financiers
Pour cela, Carter Clinton, estime que la formation des pourvoyeurs des soins de santé primaires est essentielle pour assurer un dépistage précoce, l'éducation des patients et une orientation opportune au sein de la communauté.
Mais, dit-il, « un autre défi majeur est celui de l'accessibilité financière. Même lorsque les patients reçoivent un diagnostic, les frais médicaux à leur charge les empêchent souvent de se faire soigner rapidement ; ce qui entraîne une aggravation de leur état et des coûts de traitement plus élevés ».
« Il est essentiel de s'attaquer à ces obstacles financiers par le biais de services de santé subventionnés et de programmes de soutien communautaires afin d'améliorer les résultats de l'UDP en Afrique subsaharienne », conclut Carter Clinton.
Face aux difficultés auxquelles sont confrontées les personnes diabétiques en Afrique sub-saharienne, Kirubel Eshetu Haile considère que les cliniques mobiles et les programmes de santé communautaires sont autant de solutions possibles pouvant contribuer à traiter le pied diabétique.
Au même titre que des politiques de réduction des coûts des médicaments, des campagnes de prévention, des groupes de soutien et des mesures d'encouragement à une évaluation locale de la prévalence du diabète et de son traitement.