Afrique de l'Ouest: L'engagement controversé de l'Allemagne au Sahel

Des débats houleux ont lieu au sein de la coalition gouvernementale allemande sur la prolongation du mandat de la Bundeswehr au Mali
10 Octobre 2022

Des manifestations anti-occidentales au Niger ou au Mali et le putsch militaire au Burkina Faso continuent de remettre en question l'intervention militaire allemande au Sahel.

La députée allemande Sevim Dagdelen, notamment porte-parole pour les relations internationales et le désarmement du groupe parlementaire du parti d'extrême gauche Die Linke, n'y va pas par quatre chemins pour évaluer l'engagement de la Bundeswehr au Sahel.

"L'intervention de l'armée allemande devient de plus en plus un désastre total. Ni la chaîne de sauvetage ni une protection aérienne suffisante ne sont assurées. Les conditions du mandat ne sont donc plus remplies. Le retrait doit désormais être organisé rapidement si l'on ne veut pas vivre une débâcle similaire à celle de l'Afghanistan. Ceux qui laissent la Bundeswehr sur place mettent en danger la vie des soldats de manière irresponsable", a-t-elle indiqué à la DW.

Environ 1.100 soldats de la Bundeswehr au total participent à la Minusma, la mission des Nations unies au Mali. En septembre dernier, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, avait menacé de retirer ses soldats du pays si les militaires ne répondaient pas aux besoins de sécurité des troupes allemandes.

Alliances avec la Russie

Pendant ce temps, un deuxième coup d'Etat en huit mois a eu lieu fin septembre au Burkina Faso, le plus petit Etat du Sahel. Objectif déclaré : faire face aux islamistes qui, malgré les neuf mois de gouvernement militaire, contrôlent désormais près de 30 % du territoire national.

Et le chef de la junte, le capitaine Ibrahim Traoré, n'exclut pas de nouvelles alliances, notamment avec la Russie qui bénéficie de la sympathie d'une bonne frange de la population burkinabè.

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Au Mali, l'alliance avec Moscou est déjà actée. Début octobre, Vladimir Poutine s'est entretenu par téléphone avec le chef de la junte malienne, Assimi Goïta, affirmant qu'il souhaitait distribuer au Mali des engrais russes bloqués, selon ses déclarations, en raison des sanctions occidentales depuis l'offensive en Ukraine.

Mais avec l'Allemagne ou les autres pays qui composent la Minusma, les relations sont plutôt froides.

Une situation qui a poussé les responsables au sein même de la coalition gouvernementale allemande à appeler à mettre fin au plus vite à l'intervention allemande, du moins au Mali. De telles déclarations ont été faites récemment dans ce sens par Joe Weingarten du SPD et Marcus Faber (FDP) dans le journal die Welt.

Ne pas prêter le flanc aux Russes

Mais pour la cheffe de la diplomatie allemande du parti des Verts, il n'est pas encore question d'abandonner. Quitter le Mali serait synonyme de prêter le flanc aux Russes, à en croire Agnieszka Brugger, la vice-présidente du groupe parlementaire des Verts au Bundestag.

"Nous observons comment des Etats comme la Chine, mais aussi et surtout la Russie, tentent depuis quelques années d'étendre leur influence dans toute l'Afrique, notamment dans la région du Sahel, Ce faisant, ils ne considèrent certainement pas en premier lieu les préoccupations de la population civile et ses besoins, mais sont très clairement en train d'étendre leur influence géopolitique dans la région", a-t-elle déclaré à la DW.

"Nous pouvons d'ores et déjà observer que les opérations russes dans le nord du Mali se déroulent avec un très grand manque d'égards" pour les populations civiles, a-t-elle ajouté.

Les activités du groupe de mercenaires russes Wagner, proche du Kremlin, sont particulièrement visées. Depuis l'arrivée des militaires au pouvoir à Bamako, Wagner est ainsi devenu officiellement un prestataire de services de sécurité sans mandat international.

Renforcer la coopération avec les pays du Sahel

Mais pour parvenir à une meilleure coopération avec le Mali ou les autres pays du Sahel, les pays occidentaux devraient arrêter de se focaliser sur la Russie. C'est du moins l'avis de Wendyam Sawadogo, chercheur au centre néerlandais de recherches sur les conflits Clingendael.

"Il ne s'agit pas aujourd'hui, diplomatiquement parlant, de s'opposer catégoriquement à l'extension de la coopération de ces pays avec d'autres partenaires. Mais voir plutôt comment eux, en tant que partenaires au développement depuis la nuit des temps, peuvent renforcer leurs propres relations avec ces pays, ce qui contribuera du même coup à légitimer et renforcer encore l'importance de leur présence", affirme le chercheur.

Dernièrement, l'engagement français au Sahel a fait l'objet de critiques, poussant la France à se retirer militairement du Mali.

Certains reprochent à l'ancienne puissance coloniale de couvrir ses propres intérêts économiques par son action militaire, notamment au Niger. Pour la diplomatie allemande, il s'agit de sortir de l'ombre française en misant sur une stratégie au niveau européen.

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