Ile Maurice: Budget 2023-24 - Une nouvelle réforme fiscale attendue ?

Après les derniers soubresauts liés à la convocation de l'ex-ministre Yogida Sawmynaden aux Casernes centrales et l'arrestation de l'exhomme fort de MT et de son épouse ainsi que leur libération après deux jours d'incarcération, qui ont quelque peu retenu l'attention des internautes et de la population, les regards seront tournés vers l'Assemblée nationale cet après-midi avec le discours du Budget.

Pendant deux heures, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, tentera, ce soir, de définir sa nouvelle philosophie budgétaire pour la prochaine année fiscale, dégager les grands axes de sa politique, identifier les priorités et égrener à l'infini les mesures ainsi que la mise en place des stratégies pour leur exécution. En théorie, cela est parfait. Mais la réalité est différente et exige forcément une tout autre posture du Grand argentier. Car les attentes sont nombreuses tant de la part de la population que des opérateurs économiques.

À quelques heures de son grand oral, les paris sont ouverts sur le quatrième exercice budgétaire de Padayachy. Notamment les mesures hautement sociales qui marqueront les esprits d'une population qui ne se soucie guère aujourd'hui des grandes théories économiques et autres envolées verbales mais plutôt de la taille de leur porte-monnaie. Saura-t-il se transformer en Père Noël pendant 120 minutes et distribuer des cadeaux à tour de bras à ces ménages financièrement fragiles au bas de l'échelle ainsi qu'à ceux de la classe moyenne fortement affectée par les effets de la crise ces dernières années ?

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Sans doute, le ministre des Finances a bien ficelé le Budget 2023-24, sous l'arbitrage de Pravind Jugnauth, sachant que le contexte se prête à un budget populiste s'il n'y avait pas un cinquième budget l'année prochaine, le Premier ministre ayant décidé de rappeler le pays aux urnes avant la fin de l'année, comme l'opposition et certains observateurs tentent de faire croire ces jours-ci.

Certes, la nature des mesures que le ministre se propose de dévoiler dans quelques heures permettra de voir clair sur la proximité de la prochaine échéance électorale. Et si on s'en tient à cette copie fuitée du discours du Budget, que le député rouge, Eshan Juman, a brandi lors d'un congrès à Plaine-Verte mercredi, mentionnant, entre autres, une possible hausse du salaire minimum et de la pension de retraite, l'hypothèse d'une échéance électorale n'est pas totalement exclue.

«The writings are on the wall», diront certains, même si ces deux annonces n'auront rien de surprenant car c'était presque dans le tuyau du gouvernement depuis un certain temps. Comme celle probable de la baisse des prix des carburants.

Réforme fiscale...

En revanche, lamesure-phare qui pourrait être annoncée cet après-midi, selon nos recoupements d'informations, par le ministre des Finances serait une véritable refonte de la fiscalité, une troisième réforme après celle de Vishnu Lutchmeenaraidoo en 1985 et de Rama Sithanen en 2006. Celle de Renganaden Padayachy signera-t-elle la mort d'un régime fiscal privilégiant un taux d'impôt uniforme de 15 % sur le revenu, introduit par l'ex-ministre des Finances Sithanen, qui avait néanmoins permis que les salariés disposant d'un revenu mensuel de Rs 21 000 soient épargnés du fisc ?

En revanche, lamesure-phare qui pourrait être annoncée cet après-midi, selon nos recoupements d'informations, par le ministre des Finances serait une véritable refonte de la fiscalité, une troisième réforme après celle de Vishnu Lutchmeenaraidoo en 1985 et de Rama Sithanen en 2006.

Celle de Renganaden Padayachy signera-t-elle la mort d'un régime fiscal privilégiant un taux d'impôt uniforme de 15 % sur le revenu, introduit par l'ex-ministre des Finances Sithanen, qui avait néanmoins permis que les salariés disposant d'un revenu mensuel de Rs 21 000 soient épargnés du fisc ?

Tout laisse croire que la même philosophie fiscale guidera cette troisième réforme. Au Trésor public, les experts fiscaux qui ont planché sur ce projet, avec l'expertise de la MRA, ont voulu, nous dit-on, démontrer une certaine logique fiscale : à savoir qu'un haut cadre du privé qui touche Rs 500 000 mensuellement ne peut pas s'acquitter du même taux d'imposition qu'un simple fonctionnaire percevant Rs 50 000 ou plus, mensuellement.

C'est foncièrement injuste, laisse-ton entendre à l'hôtel du Gouvernement. Pour cela, le ministre des Finances compte refondre le système en proposant des taux d'imposition fiscale graduée pour différentes catégories de contribuables.

L'annonce probable des détails de cette refonte fiscale cet après-midi pourrait être accompagnée d'applaudissements nourris de la majorité vu qu'une frange importante des contribuables pourrait être exclue du fisc ou, à défaut, ne payer qu'un faible taux d'impôt sur le revenu.

À n'en point douter, une telle mesure devrait éliminer le fardeau fiscal de certains, réduire celui d'autres, plus particulièrement les ménages de la classe moyenne, qui se trouvent majoritairement parmi les 123 000 contribuables recensés à la MRA avec des revenus mensuels de Rs 50 000 à monter, soit Rs 650 000 ou plus annuellement. En même temps, c'est une mesure d' une portée éminemment sociale que le régime compte utiliser à fond dans sa prochaine campagne électorale car elle touche un segment important de la population, toutes communautés confondues.

Les spécialistes de la fiscalité, sans pour autant anticiper la démarche de Renganaden Padayachy, soutiennent qu'après 17 ans, une nouvelle réforme fiscale était devenue nécessaire. Azad Jeetun rappelle qu'en 1985, le taux de taxation sur le revenu était aussi élevé que 70 %, ramené à 35 % dans la même année.

En 1990, dit-il, le taux d'imposition avait été baissé à 30 % alors qu'en 1993, le ministre des Finances d'alors, Rama Sithanen, avait introduit le système de Pay As You Earn et en 2006, la fameuse réforme avec un taux de 15 % jusqu'à Rs 500 000 mensuellement et de 22,5 % pour ceux touchant plus de Rs 500 000 mensuellement. Sachez que pour l'année financière 2020-21, on dénombrait 1 500 contribuables qui disposaient d'un salaire mensuel de Rs 400 000 à monter, soit Rs 5 millions annuellement.

«Pour l'année financière 2020-21, on dénombrait 1 500 contribuables qui disposaient d'un salaire mensuel de Rs 400 000 à monter, soit Rs 5 millions annuellement.»

Au-delà de cette réforme, le ministre Padayachy est attendu au tournant sur un certain nombre d'enjeux et de priorités budgétaires. D'abord et avant tout, le manque aigu de bras dans certains secteurs économiques comme le tourisme, la construction et la manufacture. Les opérateurs s'attendent à ce qu'il autorise l'importation de la main-d'oeuvre étrangère dans ces secteurs au risque d'être confrontés à un ralentissement de la croissance. Mais aussi des mesures urgentes pour stopper l'exode des cerveaux.

Ensuite, sur le front des indicateurs économiques, on peut s'interroger s'il aura maintenu le déficit budgétaire à 4 % du PIB, avec des recettes à être engrangées de Rs 150 milliards et des dépenses de l'État totalisant Rs 173 milliards au 30 juin 2023 ? Du coup, on peut se demander s'il disposera d'une marge de manoeuvre suffisamment grande pour équilibrer les comptes de l'État ?

Oui, soutiennent des économistes, affirmant que les revenus fiscaux, initialement estimés à Rs 130 milliards, pourraient exploser, dopés par une hausse des recettes de la TVA, résultant d'une inflation à deux chiffres. Enfin, il y a la dette publique que le ministre souhaite ramener à 78 % du PIB fin 2023 et un taux de croissance de 8,5 % du PIB pour l'année fiscale 2022-23.

Après trois budgets, Renganaden Padayachy souhaite marquer de son empreinte le Trésor public et s'associer à des mesures-phares comme ses deux prédécesseurs. La troisième réforme fiscale pourrait en être une. Mais plus important, il lui faut cesser d'être dans l'ombre de Pravind Jugnauth et démontrer qu'il peut exister tout seul. On le saura bien ce soir...

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