Somalie: La région du Puntland «révoque sa reconnaissance» du gouvernement fédéral

Ce dimanche, les autorités de cette région semi-autonome de Somalie ont déclaré ne plus reconnaitre le gouvernement fédéral de Mogadiscio. Pourquoi le Puntland marque son désaccord avec l'État ?

La décision du Puntland marque son opposition à la révision constitutionnelle adoptée samedi 30 mars à l'unanimité par le Parlement somalien. Cette révision prévoit la mise en place d'un régime présidentiel et l'instauration d'un suffrage universel direct en Somalie. Jusqu'à présent, le pays disposait d'un système électoral basé sur un scrutin indirect, avec de grands électeurs représentant les clans et sous-clans de la société somalienne.

Les autorités de la région accusent le président somalien Hassan Cheikh Mohamoud d'avoir violé la Constitution et d'avoir perdu sa légitimité. Pour rappel, l'adoption du régime présidentiel votée samedi 30 mars résulte d'un accord conclu l'année dernière avec les dirigeants des États fédérés. Mais cet accord n'avait pas été signé par le président du Puntland, Said Abdulali Deni.

Région semi-autonome depuis 1998, le Puntland demande donc « un processus constitutionnel mutuellement accepté » et un référendum public pour faire adopter la nouvelle Constitution. Dans un communiqué, les autorités locales indiquent que le Puntland disposera de son propre gouvernement tant que le pouvoir fédéral somalien n'accèdera pas à ses demandes. Une manière pour cette région de maintenir le statu quo.

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Pour Gérard Prunier, historien et spécialiste de la corne de l'Afrique, la faiblesse de l'État somalien et les divisions claniques expliquent la nature de cette nouvelle rupture : « Le Puntland n'a jamais réussi à décider qu'il était un État indépendant, mais il ne veut absolument pas être sous l'autorité de Mogadiscio. Il n'y a pas d'autorité centrale, il y a un gouvernement qui a un siège à New York aux Nations unies, mais qui ne représente rien que lui-même, c'est-à-dire un petit morceau du sud-est de la Somalie. »

« Le Puntland a des atouts dans sa manche »

Pour Omar Mahmoud, chercheur à l'International Crisis Group, le Puntland voit en effet dans la mise en place de ce régime présidentiel un renforcement de la centralisation de l'État fédéral somalien, avec lequel cette région riche en pétrole entretient des relations tendues depuis des années. Le gouvernement fédéral n'a pour l'heure pas réagi à la décision des autorités du Puntland.

L'unité de la Somalie est-elle donc menacée ? Marc Lavergne, chercheur émérite au CNRS à l'Université de Tours et spécialiste du Moyen-Orient et de la Corne de l'Afrique, ne voit pas de menace pour le système fédéral de la Somalie.

« Comme toujours dans ces sociétés claniques, on essaie de tester le rapport de forces. Aujourd'hui, il y a un équilibre instable entre les régions fédérés et le pouvoir fédéral. Ca n'est pas un acte d'autorité du Puntland qui veut faire sécession ou qui veut s'imposer à la place de Mogadiscio. On considère toujours que Mogadiscio est la capitale, qu'il y a un président. Ce président a pris l'initiative de vouloir centraliser davantage l'État. Peut-être était-ce un peu maladroit, ça provoque des réactions. D'un autre côté, le Puntland est très courtisé sur la scène internationale. Par l'Éthiopie qui cherche toujours à déboucher sur la mr ou l'océan et aussi par les Émirats. Il y a une présence militaire qui avait été installée dans le port de Bossasso et c'est une région sensible, c'est l'entrée de la mer rouge. Donc le Puntland a des atous dans sa manche et n'a pas envie que le pouvoir central se renforce. »

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