Mauritius: «Investissement Public» sans valeur

Chaque année, dans le budget national, mais aussi tous les cinq ans, dans les manifestes électoraux, les hommes politiques aiment dire à la population qu'on doit «investir» (notez les guillemets) dans tel programme, tel domaine ou telle organisation du secteur public.

Cet «investissement» est un doux euphémisme pour plus de dépenses publiques, et «investir», une aimable litote pour taxer. Si l'investissement privé signifie risquer son argent pour réaliser des gains de valeur, «l'investissement public» consiste à prendre et dépenser l'argent des autres (les contribuables) afin de satisfaire des intérêts spécifiques et de se faire ainsi réélire. L'investissement privé crée des richesses, «l'investissement publi » en détruit : le premier exige de différer des dépenses alors que le second relève de dépenses immédiates.

Sidérantes, les constatations du dernier rapport du bureau de l'Audit sur les investissements de l'État. On y lit que, dans MauBank Holdings (23 années d'investissement), dans Mauritius Post (23 années), dans National Property Fund (neuf années) et dans National Transport Corporation (huit années), «the entire investments of the Government, costing Rs 20.9 billion, have been wiped out by accumulated losses and were accounted at zero fair value». On apprend aussi que «investments (at cost) totalling Rs 77.5 billion, representing some 85 per cent of the total cost of investments in Shares and Equity Participation, did not yield any return since they were acquired». Parmi les 33 sociétés qui n'ont généré aucun rendement depuis leur création, se trouvent, outre les quatre susmentionnées, Central Water Authority (31 années d'investissement), SME Equity Fund (18 années), National Housing Development Company (17 années), Landscope (15 années), Polytechnics Mauritius (11 années), Mauritius Africa Fund (huit années), Wastewater Management Authority (sept années) et Metro Express (six années).

Tous ces investissements non rentables démontrent que l'État n'est pas bon à «picking economic winners», mais plutôt à «throwing good money after bad». Les raisons, répétées ad nauseam, sont l'incompétence, l'interférence politique, l'incurie bureaucratique et l'absence d'un vrai mécanisme de sanctions qui, pour citer Mauritius Times, «fosters a culture of impunity, where accountability becomes a mere afterthought rather than a guiding principle».

Même sans ces raisons, les investissements étatiques échoueraient sur la base du fait que c'est impossible de déterminer la valeur dans le secteur public : il n'y a ici aucun système de prix de marché, et donc aucun contrôle par pertes et profits. Si, au contraire, toutes ces sociétés déficitaires étaient du secteur privé, elles auraient déposé le bilan depuis longtemps, ou bien leur direction serait mise à pied. Sans le verdict du marché, nul ne peut affirmer qu'un investissement est profitable.

Dans la sphère étatique, la «valeur» est dictée par l'influence qu'exercent les politiciens, les bureaucrates et les groupes de pression pour plumer le plus possible les contribuables. Il n'y a qu'un semblant de compétition dans les offres de service à l'État, et très peu d'incitations à minimiser les coûts ou à maximiser la productivité et la qualité des services publics. En l'absence de signaux de prix pour révéler les préférences des individus, on ne peut pas savoir correctement si un programme public satisfait la demande. Néanmoins, il n'est jamais temporaire, mais toujours permanent : en cas d'échec, le gouvernement ne l'arrête pas, mais double la mise pour qu'il soit un succès.

Le troisième devoir du souverain

D'aucuns pointent les «défaillances du marché» pour justifier que l'État investisse. Or, elles sont causées par les distorsions de prix créées par les interventions de l'État elles-mêmes. Ce sont ses politiques (salariale, fiscale, monétaire) qui empêchent le marché de purger les mauvais investissements privés pour revenir à une croissance saine. En investissant, l'État omet de prendre en compte les coûts invisibles qu'il impose sur la population, en termes de taxes, de dette publique (impôts futurs), d'inflation, de hausse de taux d'intérêt, d'effet d'éviction sur l'investissement privé et de désincitation à l'épargne.

Mais Adam Smith n'accorde-t-il pas au souverain trois devoirs à remplir ? Pour lui, «le troisième, c'est le devoir d'ériger ou d'entretenir certains ouvrages publics et certaines institutions que l'intérêt privé d'un particulier ou de quelques particuliers ne pourrait jamais porter à ériger ou à entretenir, parce que jamais le profit n'en rembourserait la dépense à un particulier ou à quelques particuliers, quoiqu'à l'égard d'une grande société, ce profit fasse beaucoup plus que rembourser les dépenses».

Il faut toutefois préciser que le père de la science économique énonce là deux conditions qui autorisent une intervention de l'État dans l'économie, à savoir qu'aucune entreprise privée n'est capable de rentabiliser ces travaux publics, et qu'ils doivent bénéficier à toute la grande société, pas uniquement à un groupe aux dépens des autres. Quel programme public peut répondre à ces deux critères à la fois ? Pas beaucoup.

Si l'auteur de «La richesse des nations» (1776) admet que l'État construit des routes, des canaux, des ports et des ponts, c'est parce qu'ils facilitent le commerce de marchandises, assurent l'extension de la taille du marché et augmentent les débouchés. Reconnaissons que c'est justement dans ces infrastructures que notre gouvernement a énormément investi. Mais attention aux dépassements de coûts, tels que les Rs 550 millions de plus qu'a coûtés le SAJ Bridge. Car, pour citer «Mauritius Times», «such cost overruns not only defy the principles of fiscal prudence but also betray a fundamental disregard for the public interest».

Les «investissements publics» s'ajoutent au produit intérieur brut, mais n'accroissent pas la richesse du pays. Ils ne font que déplacer des ressources des gens, via la taxation ou l'endettement, vers d'autres personnes selon le bon vouloir du Prince. Un pays ne s'enrichit que lorsque, à l'instar des entrepreneurs, on crée quelque chose que les consommateurs valorisent.

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