Ile Maurice: Le 1er-Mai de tous les espoirs

En quoi les rassemblements du 1er-Mai sont-ils un enjeu crucial pour les partis politiques qui vont s'affronter aux prochaines élections ?

Il est d'abord d'ordre psychologique et tient à l'impact du déplacement des foules sur la psyché des électeurs indécis et non partisans. Un nombre croissant de citoyens n'ont aucune conviction politique, aucune loyauté partisane. Ce nombre d'électeurs irrésolus augmente quand il apparaît que les offres politiques existant, lors d'un scrutin, ne les conviennent pas.

Lors des prochaines élections, l'électeur sera en présence d'une offre politique pléthorique et relativement mieux structurée que celle des élections passées. Cette situation est susceptible de provoquer un double effet : (i) la réduction du nombre d'abstentionnistes, en particulier chez les jeunes, contestataires des partis traditionnels, qui devraient trouver chaussures à leurs pieds ; (ii) la dispersion des voix de l'opposition au détriment de l'alliance travailliste-MMM et favorisant objectivement le dessein de Pravind Jugnauth. C'est la parabole du riz frit si justement sermonnée par Nad Sivaramen dans ces colonnes.

Pour les partis traditionnels, les rassemblements du 1er Mai, en cette année d'élection, visent trois objectifs distincts : le premier est une opération de mobilisation et de galvanisation de leurs partisans ; le deuxième vise à établir un rapport de force entre les deux principales factions concurrentes aux yeux de l'ensemble de l'électorat et donner ainsi le sentiment d'une forte adhésion à leur mouvement ; le troisième cible les médias et les réseaux sociaux pour profiter de leur impact multiplicateur.

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Il y aura infiniment plus d'auditeurs sur les chaînes des radios privées qui diffusent en temps réel les moments forts des meetings, sur les sites numériques des journaux, et sur les réseaux sociaux. Le ton et le contenu des harangues n'en tiennent pas compte, c'est une erreur de communication.

Par ailleurs, les stratèges politiques ont constaté qu'il existe un petit pourcentage de l'électorat qui est opportuniste et cynique, qui attend de connaître la direction du vent qu'il s'empressera d'épouser. C'est ce qui fait que, souvent, le groupement qui fait figure de favori, parce qu'il aura gagné la bataille des foules, remporte effectivement la course.

Ce sont pour toutes ces raisons que les partis politiques investissent de ressources dans l'organisation de ces meetings. Mais il ne faudrait pas, non plus, surévaluer le pouvoir d'influence des rassemblements. Bien entendu, l'électeur ne se décide pas que sur ce seul constat. Et l'on pourra opposer à cette théorie de l'affluence plusieurs circonstances qui ont démontré que la capacité de mobilisation d'un parti n'est pas gage de sa supériorité dans les urnes. Les directeurs de campagne des partis politiques le savent mais tous s'engagent dans la bataille des foules parce qu'un succès d'affluence est une prime électorale qui gonfle à bloc autant les dirigeants que les partisans.

Pour ce prochain 1er-Mai, les jeux sont troublés et la bataille des foules s'annonce incertaine.

Théoriquement, l'alliance menée par Pravind Jugnauth part avec un avantage. Le MSM a démontré, à plusieurs reprises, qu'il n'a aucun scrupule à exploiter à son avantage la logistique de l'État et ses moyens financiers colossaux pour mobiliser des foules même s'il reste à savoir si elles sont toujours une expression de soutien politique.

Dans l'immédiat, relayé astucieusement par la MBC-TV, l'impact de ces manifestations publiques pour le pouvoir est incontestable. On peut prévoir que le MSM ne lésinera sur aucun moyen pour susciter le plus gros effet. Le lieu choisi, à Vacoas, relativement restreint, est susceptible, de plus, d'amplifier l'effet de masse.

Dans le camp des partis de l'opposition parlementaire, ce sera un premier test qui permettra de prendre la mesure de sa force synergique. On ne peut pas dire que la valse-hésitation des dernières semaines a été propice à une mobilisation optimum de ses partisans. Mais paradoxalement, le retrait de Xavier Duval de l'alliance semble avoir galvanisé ses partisans, en particulier au MMM.

Le meeting travailliste-MMM à Port Louis, au coeur de circonscriptions qui lui ont été globalement favorables aux dernières législatives, devrait lui donner un avantage si son électorat se mobilise nettement.

Reste le fond.

S'il est vrai que les foules aux meetings du 1er-Mai ne sont pas en quête d'instruction politique - les uns font foule en venant exprimer leur soutien, les autres viennent évaluer l'importance de la foule - il faudrait aussi, en cette année d'élection, que les partis qui aspirent au pouvoir, ceux qui se présentent en alternative, comme ceux qui réclament le renouvellement de leur mandat, parlent surtout de leurs projets pour l'avenir.

Faute de propositions nouvelles, réalistes et réalisables, faute aussi d'une invitation à rêver le pays de demain, il restera de ce 1er Mai cacophonique beaucoup de bruits pour rien.

Et pourtant, il faudra bien faire un choix : voter pour ou voter contre !

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