Ouganda: Interdiction de manif sur fond d'arrestation d'opposants - Museveni casse le thermomètre mais ne fait pas baisser la fièvre

Des gardes et des piétons se tiennent devant l’entrée du bâtiment parlementaire à Kampala, la capitale de l’Ouganda. (archives)
23 Juillet 2024

Le 23 juillet dernier était journée de haute tension en Ouganda où l'opposition a appelé à une manifestation contre la corruption, devant le parlement. Et ce, en dépit de l'interdiction faite par les autorités de Kampala qui ont bandé les muscles en procédant à des arrestations.

Question de briser l'élan de la lutte et la motivation des croquants dans un pays coutumier des violences meurtrières. Comme ce fut le cas en 2021 où les troubles consécutifs à l'arrestation du leader de l'opposition, Boby Wine, sur fond de contestation des résultats de la présidentielle, avaient donné lieu à une répression féroce qui avait laissé une cinquantaine de macchabées sur le carreau.

C'est dire si en bravant l'interdiction de la manifestation, les contestataires savent à quoi s'attendre. D'autant plus que le chef de l'Etat qui dirige son pays d'une main de fer depuis près de quatre décennies, avait mis en garde les manifestants en les prévenant qu'ils « jouent avec le feu ». Une déclaration qui, pour qui connaît le maitre de Kampala, est loin d'être une figure de style ; tant l'homme est connu pour être intraitable avec ceux qui osent le défier.

En choisissant de tirer la sonnette d'alarme, l'opposition est dans son rôle

Et ce n'est pas l'opposant Boby Wine qui dira le contraire ; lui qui passe pour être le poil à gratter d'un régime qui ne s'embarrasse pas de jeter au cachot à la moindre occasion. Toujours est-il qu'en parlant de « planification de manifestations illégales et d'émeutes », on est tenté de croire que le président Museveni se fabriquait déjà de solides arguments pour mieux sévir.

On est d'autant plus fondé à le croire que le mouvement se voulait une interpellation du parlement face à un mal pernicieux qui a depuis longtemps évolué en gangrène dans ce pays d'Afrique de l'Est qui occupe la 141e place sur 180 pays, du classement mondial de la lutte anti-corruption selon l'ONG Transparency International.

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Et si malgré l'interdiction de la manifestation, les organisateurs l'ont maintenue, il faut croire que le mal qu'ils voulaient dénoncer et qui ne cesse de ronger le pays, a atteint des proportions inquiétantes. Et puis, quel autre moyen d'expression avaient-ils dans un pays comme l'Ouganda que le président Museveni considère comme sa « bananeraie » ? Toujours est-il qu'en choisissant de tirer la sonnette d'alarme, l'opposition est dans son rôle. Et sa détermination à se faire entendre malgré les risques, sonne comme un refus de la résignation.

C'est pourquoi il faut croire qu'en refusant de prêter une oreille attentive aux revendications des manifestants et en bandant les muscles comme il l'a fait, le président Museveni casse le thermomètre mais ne fait pas baisser la fièvre. Car, il a beau réprimer les manifs, procéder à des arrestations, tant que les contestataires garderont la même hargne et la même détermination dans leur mouvement, il faut croire que la grogne ne s'arrêtera pas.

Au lieu de réprimer, le président Museveni gagnerait à prendre le taureau de la lutte contre la corruption par les cornes

Et le problème reste d'autant plus entier que l'une des causes de la persistance de la corruption est l'impunité dont jouissent ceux qui s'en rendent coupables. C'est pourquoi la symbolique du choix de la Représentation nationale comme lieu de manifestation, est loin d'être incongrue si l'objectif est d'inviter les élus du peuple à légiférer dans le sens de l'adoption de lois beaucoup plus strictes contre ce fléau qui est connu pour être un frein au développement.

Un fléau dont les effets nuisibles se font le plus ressentir chez les pauvres et les personnes vulnérables en ce qu'il contribue à exacerber les inégalités sociales. Autant dire qu'au lieu de réprimer, le président Museveni gagnerait à prendre le taureau de la lutte contre la corruption par les cornes pour améliorer le classement de son pays ; tant le fléau est connu pour les ravages qu'il fait aussi bien sur les plans économique, politique que social.

Toujours est-il qu'on aura toujours du mal à comprendre que dans le cas d'espèce de l'Ouganda, la prise de conscience vienne des populations alors que le gouvernement semble dans le déni total, au regard des mesures répressives prises en réponse à un mouvement qui se voulait pacifique. En tout état de cause, si l'attitude de l'Exécutif ne vise pas à montrer qu'il se satisfait de la situation, on ne voit pas non plus une volonté de faire bouger les lignes dans le sens de combattre efficacement le phénomène.

Alors que c'est dans l'attitude des dirigeants que réside toute la différence, par rapport au phénomène de la corruption qui a une portée mondiale et n'épargne aucun pays. Ceci étant, il convient de ne jamais percevoir la corruption comme un fait inéluctable ou anodin. Mais travailler plutôt à inculquer dans les mentalités, la culture de la transparence, de l'intégrité et de la responsabilité.

Pour le reste, il appartient à l'opposition ougandaise de savoir mener la lutte, pour ne pas donner l'impression d'être engagée dans un combat contre des moulins à vent. Mais aussi noble que soit leur cause, il importe, pour les manifestants, de savoir rester dans la légalité pour ne pas prêter le flanc. En tout état de cause, s'ils ont pu être inspirés par les événements qui se sont récemment déroulés au Kenya, on attend de voir s'ils parviendront à obliger le gouvernement à revoir sa copie.

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