Le secteur de l'éducation nationale au Gabon est aujourd'hui confronté à une problématique de taille : la prolifération des syndicats. Actuellement, près d'une quarantaine d'organisations syndicales se disputent l'attention des autorités. Si, historiquement, le syndicalisme a été conçu comme un instrument de défense des droits des travailleurs, cette fragmentation soulève des doutes quant à son efficacité réelle.
Nombre de ces syndicats n'ont que peu ou pas de membres, à part leurs présidents ou secrétaires exécutifs. Pire encore, la question syndicale semble souvent dévoyée, certains responsables utilisant leur position pour obtenir des avantages personnels, à travers des méthodes douteuses comme le chantage ou les manigances politiques.
Dans ce contexte, la fragmentation du syndicalisme dans l'éducation est-elle productive pour le système éducatif gabonais ou ne fait-elle que contribuer à son affaiblissement ? Et surtout, comment cette réalité s'inscrit-elle dans le contexte actuel de transition politique et de restauration des institutions sous la présidence du général Brice Clotaire Oligui Nguema ?
Une fragmentation qui dilue la force syndicale
À première vue, l'existence de nombreux syndicats pourrait être perçue comme une richesse démocratique, permettant une pluralité de voix et une diversité de points de vue dans la défense des intérêts des enseignants. Cependant, cette prolifération se révèle, en réalité, contre-productive. Elle affaiblit le mouvement syndical en dispersant les efforts et les moyens.
Les revendications des enseignants sont souvent émiettées entre plusieurs organisations qui manquent de coordination. Au lieu de former un front commun solide face aux autorités, les enseignants se retrouvent divisés, ce qui compromet leur capacité de négociation. Chaque syndicat cherche à imposer ses priorités, rendant les revendications collectives floues et désordonnées.
Jean-René Mba Mounguengui, Secrétaire national d'une organisation Syndicale de l'Éducation Nationale, a maintes fois exprimé son inquiétude à propos de cette situation : "Lorsque nous sommes dispersés, nos revendications perdent en force. Nous avons besoin d'une unité syndicale pour mieux défendre les intérêts des enseignants et du système éducatif gabonais." Cette fragmentation, loin d'être une source de diversité, entrave la mobilisation massive nécessaire pour obtenir des gains significatifs, tout en favorisant des querelles internes qui retardent toute avancée réelle.
Des syndicats sans base solide : un syndicalisme de façade
Un des problèmes majeurs de cette prolifération est l'existence de syndicats sans véritable base représentative. Ces syndicats, qui comptent souvent uniquement leur président ou secrétaire exécutif comme membres actifs, ne servent pas à défendre les intérêts collectifs des enseignants, mais à satisfaire des ambitions personnelles.
Dans ce cadre, la lutte syndicale se transforme en levier de pression utilisé pour obtenir des avantages individuels, souvent à travers des pratiques telles que le chantage ou des manoeuvres politiques. Certains responsables syndicaux menacent d'organiser des grèves non pas pour améliorer les conditions de travail des enseignants, mais pour obtenir des concessions personnelles ou des financements.
Cette dynamique, loin d'apporter des solutions aux nombreux défis du système éducatif gabonais, dégrade l'image du mouvement syndical et érode la confiance des enseignants. "Ce type de syndicalisme n'apporte rien de positif à notre cause", se plaint un enseignant du secondaire technique. "Nous sommes fatigués de ces syndicats fantômes qui ne cherchent qu'à s'enrichir à nos dépens."
Les conséquences pour le système éducatif gabonais
Les effets de cette prolifération syndicale sur le système éducatif gabonais sont multiples et préoccupants. En premier lieu, elle engendre une instabilité chronique. Les grèves, souvent fragmentées et mal coordonnées, perturbent le calendrier scolaire, affectant la continuité des cours et le niveau d'apprentissage des élèves. Plutôt que de se concentrer sur des réformes de fond ou des solutions pédagogiques, les autorités doivent fréquemment gérer des crises syndicales dont les fondements sont parfois superficiels.
Ensuite, cette cacophonie syndicale rend difficile la mise en place d'un dialogue social efficace et constructif. Négocier avec une multitude de syndicats aux intérêts divergents devient une tâche ardue pour les autorités, et les solutions viables tardent à émerger. Chaque syndicat cherchant à imposer son agenda, il devient impossible de mener des réformes structurelles essentielles pour améliorer les conditions des enseignants et la qualité du système éducatif.
Un enjeu de crédibilité dans le contexte de transition nationale
La prolifération des syndicats dans l'éducation gabonaise prend un relief particulier dans le contexte de transition politique que traverse le pays sous la présidence du général Brice Clotaire Oligui Nguema. La restauration des institutions, un des axes centraux de cette transition, vise à rétablir l'ordre, la transparence et la crédibilité dans tous les secteurs de la société, y compris le syndicalisme.
Il est attendu que les syndicats d'enseignants s'arriment à cette dynamique de restauration. Le syndicalisme doit s'éloigner des pratiques de chantage et des intérêts personnels pour redevenir un outil de dialogue social authentique, axé sur l'amélioration des conditions de travail des enseignants et la qualité du système éducatif. Dans ce contexte, la crédibilité de l'engagement syndical devient une question prépondérante : les syndicats doivent prouver qu'ils sont des acteurs responsables, soucieux du bien commun et capables de porter des revendications légitimes de manière constructive.
Comme l'a déclaré le président de transition lors d'une de ses interventions : "Nous avons besoin de partenaires engagés pour réformer notre pays, pas de fauteurs de troubles. Le syndicalisme doit retrouver son rôle véritable, celui de défenseur des droits des travailleurs, dans un esprit de responsabilité et de dialogue."
Vers un regroupement des forces syndicales pour plus de crédibilité
Pour de nombreux observateurs, la solution à cette fragmentation passe par une rationalisation du paysage syndical. La fusion des syndicats en organisations plus fortes et représentatives permettrait de défendre plus efficacement les intérêts des enseignants et de dialoguer avec les autorités avec plus de poids. Une telle réforme renforcerait la solidarité entre les enseignants et contribuerait à restaurer la confiance dans le mouvement syndical.
"Il est impératif que nous repensions notre manière de faire du syndicalisme", affirme Walter Litonath "Dans ce contexte de transition, nous avons besoin d'organisations syndicales fortes, responsables et transparentes, qui puissent véritablement défendre les intérêts des enseignants. Cette multiplication anarchique des syndicats ne fait que nous affaiblir."
Un syndicalisme à reconstruire pour s'arrimer à l'esprit de la transition
La prolifération des syndicats dans l'éducation nationale au Gabon, loin d'être une force, s'avère être une source de division et d'instabilité. La fragmentation du mouvement syndical affaiblit les enseignants dans leurs revendications et empêche la mise en place de réformes structurelles nécessaires pour améliorer le système éducatif.
Dans le contexte de transition actuelle, marqué par la restauration des institutions, la crédibilité de l'engagement syndical devient un enjeu central. Pour jouer pleinement leur rôle dans cette nouvelle dynamique nationale, les syndicats doivent se réformer, se regrouper et s'engager dans un dialogue social constructif, axé sur l'amélioration des conditions de travail des enseignants et la qualité de l'éducation.
Seule une union forte et représentative permettra de porter des revendications solides et d'obtenir des résultats durables, à la hauteur des ambitions de la transition politique actuelle, pour le bien de tout le système éducatif gabonais.
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