Suite à l'accord de principe entre Maurice et le Royaume-Uni sur la rétrocession des Chagos, l'espoir d'un retour n'a jamais été aussi tangible pour les exilés de cet archipel de l'océan indien. Cependant, la communauté chagossienne insiste pour être incluse dans les futures négociations menant à la signature d'un traité définitif. Rencontre avec quelques-uns des rares natifs de cette communauté vivant à Maurice.
Dans sa modeste demeure de Roche-Bois, une banlieue ouvrière au nord de Port-Louis, capitale de Maurice, Rosemond Bertin attend impatiemment de pouvoir enfin retourner sur sa terre natale, les Chagos. L'espoir d'un retour n'a jamais été aussi fort dans son esprit depuis l'annonce, le 3 octobre, de la reconnaissance par Londres de la souveraineté mauricienne sur l'archipel des Chagos et l'engagement de permettre le retour des Chagossiens, à l'exception de l'île de Diego Garcia, devenue une base militaire américaine, cause de leur déracinement. « Si l'occasion se présente, je laisse tout derrière moi et je repars immédiatement sur mon île », s'enthousiasme-t-elle.
Elle avait 16 ans, était déjà mariée et mère d'un premier enfant, quand en novembre 1972, Rosemond et onze autres membres de sa famille ont été forcés par les autorités britanniques à monter à bord d'un navire sans destination précise. « Nous ne savions pas où nous allions. Nous étions entassés dans la cale comme des esclaves, cela ressemblait à un trafic humain », raconte cette native des Chagos, aujourd'hui âgée de 68 ans.
« Si un bateau se présentait maintenant, je partirais immédiatement »
Les Chagossiens estiment qu'il reste seulement environ 200 natifs encore en vie, principalement à Maurice, avec d'autres aux Seychelles et au Royaume-Uni.
À la question de savoir ce qu'elle pense de Maurice, Rosemond Bertin répond, d'un ton mêlé de tristesse et d'incompréhension face à son exil : « J'ai réussi à vivre à Maurice, même si cela a été très dur. Je ne peux pas être critique envers Maurice et les Mauriciens. Maurice a été une mère adoptive pour moi. Mais ma véritable mère, c'est Chagos. Je veux retrouver ma terre. »
À l'autre bout de la capitale, à Pointe-aux-Sables, Eileen Talat, 60 ans, observe avec mélancolie la mer et les navires au large de Port-Louis. « À chaque fois que je parle aux journalistes de notre expulsion, je revis ce moment de déracinement », raconte-t-elle avec émotion. Comme Rosemond, elle sent que le retour tant espéré n'a jamais été aussi proche : « Si un bateau se présentait maintenant, je partirais immédiatement, avec quelques vêtements seulement pour tout bagage. »
La mère d'Eileen, Lisette Talat, figure emblématique de la lutte pour le retour des Chagossiens, est aujourd'hui décédée. Sa photo orne le mur du siège du Groupe Réfugiés Chagos à Pointe-aux-Sables, où les Chagossiens se rassemblent régulièrement sous la direction d'Olivier Bancoult, le leader du mouvement.
« Nous demandons également des réparations financières »
Le dimanche 13 octobre, ils se sont retrouvés pour définir une position commune après l'accord de principe conclu entre Port-Louis et Londres sur la rétrocession des Chagos et le retour des Chagossiens. Olivier Bancoult, lui-même déporté à 4 ans depuis Peros Banhos, a exprimé son regret de ne pas avoir été consulté durant les deux années de négociations entre les gouvernements mauricien et britannique. Il se bat notamment pour que Diego Garcia, comme Peros Banhos et Salomon, soit ouvert au retour des Chagossiens. « Nous demandons également des réparations financières, ainsi qu'une part des revenus générés par le bail militaire », souligne-t-il.
Lundi 14 octobre, les Chagossiens ont adressé une lettre au Premier ministre britannique Keir Starmer, via la Haute Commission britannique à Port-Louis, dans laquelle ils acceptent la poursuite les négociations, mais insistent pour que les Chagossiens soient impliqués dans les discussions. Cependant, ces pourparlers sont actuellement suspendus, car Maurice est en pleine campagne électorale pour les législatives du 10 novembre. L'opposition a insisté pour que le gouvernement sortant ne signe aucun traité avec Londres pendant cette période de transition.