En décidant de reporter sine die les élections législatives anticipées qui devaient se tenir le 27 Novembre de cette année, le Président de la Guinée Bissau n’est-il pas en train d’ouvrir une fois de plus la boite de pandores ?
En tout cas, tout laisse croire que derrière cette décision, qu’il y a des manœuvres aux relents politiques, dès lors qu’il y a un faisceau d’indices qui l’accrédite. C’est Umaro Sissoco Emballo lui-même, qui avait fixé au mois de juillet dernier, la date des législatives, après qu’il ait dissous l’Assemblée nationale en décembre 2023, trois jours après les affrontements armés qu’il avait présentés comme une tentative de coup d’état.
Les raisons avancées pour ce report lundi 04 novembre 2024, à savoir les problèmes d’organisation de logistiques et financiers, rendent beaucoup d’observateurs perplexes sur leur bien fondé. Le timing choisi rappelle par ailleurs, la décision de l’ancien président sénégalais Macky Sall et ami de Emballo qui, à quelques heures de la présidentielle de Février 2024, avait pris la décision d’annuler le décret de convocation du corps électoral et ainsi de reporter sine die le scrutin.
Pourquoi attendre 15 jours avant le scrutin pour décider unilatéralement du report, alors qu’il savait déjà que le mandat des membres de la commission nationale électorale était expiré depuis 3 ans et celle-ci n’a pas renouvelé ses organes ni n’a élu son président, ce qui ne lui donne pas toute la légitimité de conduire le processus électoral.
Du point de vue de certains analystes, il y a au-delà des questions juridiques, de motivations politiques profondes, qui sous-tendent cette décision du président Bissau guinéen. Il faut le souligner ses relations avec ses principaux soutiens, à savoir le MADEM, composé par les anciens du PAIGC, d’une part, et du PRS de l’ancien Président Kumba Yala, dirigé aujourd’hui par le juriste Fernando Dias, d’autre part, se sont rompues. Or c’était les deux alliés de taille qui lui avaient permis de remporter l’élection présidentielle de 2020.
D’aucuns pensent même que le Président Emballo veut s’essayer au « rétropédalage », concernant son annonce faite, le 11 septembre, de ne pas se présenter pour un second mandat au terme de celui en cours jusqu’en 2025.
Ce qui est curieux dans cette posture, c’est qu’il s’auto désigne un successeur, dont il a tu le nom, en prenant le soin d’exclure tous ses adversaires du moment qui l’ont empêché d’avoir sa majorité au parlement, à savoir : Nuno Gomes Nabiam, Domingos Simoes Pereira, encore moins Braima Camara.
Comment compte-t-il s’y prendre ? Comment ceux qui sont ainsi désigné comme exclu d’avance de la prochaine présidentielle vont –ils réagir ?
La Guinée Bissau risque d’ouvrir un nouvel épisode de son instabilité cyclique, qui risque de déborder chez les voisins, si la question des futures élections législatives, mais également présidentielle n’est pas prise en charge très vite par la CEDEAO, voire l’Union Africaine.