Sénégal: Le jeu et l'enjeu des Législatives

Les Sénégalais doivent voter pour élire leurs députés. (image d'archives)
16 Novembre 2024
analyse

Le 17 Novembre 2024, c’est-à-dire 8 mois après la présidentielle du 24 Mars 2024, le Sénégal tiendra ses élections législatives anticipées, suite à la dissolution du parlement par le Président de la République, en vertu des pouvoirs constitutionnels, qui lui sont dévolus de dissoudre le parlement deux ans après son installation.

L’enjeu de ces législatives n’a -t-il pas finalement tué le jeu électoral et politique de manière générale ?

Le jeu électoral lors de ces législatives, est quoiqu’on puisse en tirer comme analyse, augure sans conteste d’une nouvelle recomposition dans l’espace politique. En effet, le choc du seul tour de scrutin de la présidentielle n’est pas totalement amorti. Les forces initialement coalisées durant la présidentielle se sont disloquées, pour former des alliances qui pour certains sont « contre nature ».

D’autres entités ou leaders politiques font leur apparition, parfois sur les flancs des partis traditionnels, ou de la société civile ou du secteur privé. Enfin, des inter coalitions se font jour pour atténuer le résultat de l’élection au niveau départemental qui pourrait être défavorable à l’opposition en cas de pluralité de listes en compétition. En effet au niveau départemental c’est le scrutin majoritaire à un tour tout à fait à la portée du parti Pastef.

Au total, 41 Listes sont entrées en lice, toutes contre le PASTEF, parti au pouvoir, dont la tête de liste , et président dudit parti, est le Premier ministre Ousmane Sonko.

Voilà donc la configuration du jeu des acteurs, à partir de laquelle on peut tracer le marqueur le plus visible sur les intentions des uns et des autres, avec d’une part, des candidats dont le discours tranche avec la situation antérieure, où le gouvernement disposait d’une majorité absolue à l’Assemblée. Il faut faire barrage à cette éventualité.  D’autre part, les partisans du Pastef pour qui, élire le Président de la République avec 54,28%, et ne pas lui donner la majorité qualifiée à l’Assemblée nationale, hypothèque la mise en œuvre de ses réformes. Pis il engagerait le pays dans une cohabitation lourde d’instabilité, au regard de la nature du régime politique encore en vigueur, mais aussi du précédent connu avec l’Assemblée nationale sortante qui avait refusé la tenue du débat d’orientation budgétaire.

Last but not least, la configuration actuelle avec les inter-coalitions si elle réussit à faire échec à la majorité qualifiée du PASTEF, ne garantit aucunement une cohérence des positions politiques au Parlement. L’expérience récente a montré que ce sont des alliances de circonstances et le risque est donc très grand d’avoir une instabilité chronique qui plomberait toute action du gouvernement.

Mais l’enjeu de ces législatives c’est surtout qu’elles vont sceller définitivement la fin d’un cycle toute une génération d’hommes politiques, qui ont quasiment traversé les régimes de Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall, en cas de victoire de PASTEF.

Mieux, la nouvelle Assemblée qui se préfigure à l’horizon sera sans aucun doute le véritable siège du débat politique, du débat public. Ne pas y être c’est être condamné pour les cinq ans à venir à être hors du jeu politique formel et donc sans possibilité réelle de se faire entendre. C’est aussi cela la démocratie.

Ce n’est pas tout, il va y avoir une nouvelle distribution des élites, qui jusque-là étaient des jeunes outsiders dans les partis, dans la diaspora, dans le secteur privé, ou la société civile.

Enfin, la promesse du pouvoir de faire de la reddition des comptes, considérée comme une « demande sociale », rend absolument nécessaire l’obtention d’une majorité confortable pour réaliser ce dessein.

En effet, si on veut attraire des anciens ministres en justice, cela n’est possible que devant la Haute Cour de Justice, que la nouvelle Assemblée nationale doit installer, et dont la composition fait appel à 8 députés /juges titulaires et leurs suppléants) et du 1er Président de la Cour Suprême, qui la préside.

La future assemblée aura donc parmi ses premiers dossiers prioritaires la mise en place de cette juridiction spéciale, mais également de solder le passif des 81 morts lors des événements politiques de 2021 à 2024, couverte par la loi d’amnistie qui a été votée par l’ancien parlement.

Tout dépendra de l’ampleur du score du vainqueur.

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