Ouganda: Des citoyens protestent en publiant photos et vidéos d'abus sur les réseaux sociaux

Dénoncer publiquement pour libérer la parole et pour mobiliser. La stratégie gagne du terrain parmi les milieux militants du continent africain, notamment en Ouganda. Pour contourner la répression, la contestation y a pris une nouvelle tournure : encourager les internautes à dénoncer les abus ou l'inaction de leurs dirigeants, en diffusant des photos et des vidéos sur les réseaux sociaux. Rencontre avec l'initiateur du mouvement.

En Ouganda, tout débute en avril 2023. Le caricaturiste Jimmy Spire est témoin d'un accident de la route causé par un nid de poule béant. En réaction, il lance un défi sur les réseaux sociaux. « J'ai dit : " Prenez une photo ou une vidéo d'un nid de poule autour de vous et partagez en disant où il se trouve, son diamètre, sa profondeur, pour la touche satirique, et même son âge." »

Le succès dépasse ses attentes : « On devait débuter un lundi, mais le dimanche. je recevais des messages d'internautes qui me disaient "On est prêts, on veut commencer". »

Des messages par milliers

Les messages affluent par milliers. L'État ougandais est obligé de réagir, l'opération est baptisée « exposition ». Jimmy Spire décide de recommencer : « J'ai lancé un sondage pour demander aux gens quel sujet choisir : la santé, l'éducation ou la sécurité. Je voulais qu'ils se disent : " C'est notre opération, c'est nous qui décidons." Depuis, ils ont massivement voté pour la santé. »

Depuis, ces campagnes de dénonciation se sont multipliées, sur les ONG, la gestion des déchets ou encore la corruption parmi les députés : « Ce qui est sorti a beaucoup choqué. On sait qu'il y a de la corruption. Mais quand c'est étalé comme ça, au grand jour, avec des documents noir sur blanc et des chiffres. Ça a mis les gens en colère. » L'indignation est telle qu'elle a conduit à l'organisation d'une marche sur le Parlement Ougandais, cet été.

« Cela permet aux Ougandais de ne pas rester des spectateurs »

Pour ne pas être seul en première ligne, le caricaturiste et professeur d'université Jimmy Spire délègue désormais l'organisation de ces expositions à un collectif d'activistes. Parmi eux, la journaliste et défenseuse des droits de l'homme Agather Atuhaire. Elle explique, le succès, selon elle, de cette nouvelle forme de mobilisation qui n'est pas destinée à remplacer les manifestations de rue, mais permet de redonner une voix et des leviers d'action aux citoyens.

« Cela permet aux ougandais d'être impliqués, de ne pas rester des spectateurs. Ils se disent : "Je suis témoin de quelque chose, je peux le partager et le dénoncer." Ça leur permet de sentir que leur voix peut être entendue, sans attendre qu'un journaliste écrire un article sur nous ou même qu'ils entendent parler de nous. Tout le monde devient un acteur, avec sa propre voix. C'est puissant, c'est un aspect très important. Deuxièmement, ça permet de rassembler des informations. On ne peut pas être au courant de tout, mais quand on demande aux gens ce qu'ils vivent, on est surpris de tout ce qu'ils savent. Si on parle des systèmes de santé, on peut débattre ici de la situation de l'hôpital de référence, à Kampala. Mais ceux qui vivent dans des régions plus reculées, ils peuvent dire : "Chez nous, les patients dorment par terre, il n'y pas de lit." C'est comme ça que les gens sont traités ici. C'est ça qu'ils vivent. »

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.