Accusé d'atteinte à la sécurité nationale, l'opposant historique ougandais, Kizza Besigye, a comparu le 20 novembre dernier devant une Cour martiale à Kampala. Placé en détention provisoire, le médecin et ancien colonel de l'armée ougandaise, plusieurs fois candidat à la présidentielle, se présentera à nouveau devant le même tribunal militaire le 2 décembre prochain.
Mais en attendant de savoir le sort qui lui sera reservé, ce sont les conditions de son arrestation qui alimentent les débats au-delà même des frontières de son pays. Puisque c'est de la capitale kényane, Nairobi où il participait, entre autres, à la dédicace d'un livre, qu'il a disparu des radars pour réapparaître devant le tribunal militaire de Kampala où il est aussi poursuivi pour activités subversives à l'étranger, visant à déstabiliser l'Ouganda.
Comme quoi, il ne fait pas bon être opposant au président Yoweri Museveni qui règne, depuis près de quatre décennies maintenant, d'une main de fer sur son pays. Un pays qu'il considère d'ailleurs comme sa « bananeraie » qu'il ne saurait abandonner au moment où elle commence à porter des fruits. Une déclaration faite à la faveur de la présidentielle de 2016 où il était candidat pour un cinquième mandat. Toujours est-il que huit ans après la tenue de ces propos, tout porte à croire que l'homme fort de Kampala n'a pas changé de philosophie.
Les détentions arbitraires, les tortures et autres procès iniques devenus le lot quotidien des Ougandais
Et l'on est d'autant plus porté à le croire qu'il fait tout pour protéger « sa plantation », que l'arrestation de celui qui fut son médecin personnel avant de devenir son plus farouche opposant en 1999, est digne du scénario des plus grands films d'espionnage ; tant le mystère reste entier autour des conditions de son interpellation. Au point que de Nairobi à Kampala, ils sont nombreux à se demander le rôle qu'a bien pu jouer le gouvernement kényan dans cette affaire.
C'est dire combien le régime de Kampala tenait à mettre le grappin sur le leader du Forum pour le changement démocratique (FDC) qu'il préfère surveiller de près que de loin, au point d'aller le chercher dans un pays, étranger pour le présenter devant un tribunal. Pendant ce temps, la répression s'intensifie dans le pays contre toutes les voix critiques ou dissidentes, au point que l'on ne compte plus les arrestations, les détentions arbitraires, les tortures et autres procès iniques devenus le lot quotidien des Ougandais.
Comme ce fut le cas en juillet dernier où une centaine de jeunes manifestants ont été placés en détention, après des manifestations contre la corruption au sein des pouvoirs publics. Quelques mois plus tard, en septembre dernier, c'est le chef de file de l'opposition, Bobi Wine, qui était blessé par balle à la jambe dans des confrontations avec la police.
En rappel, l'artiste musicien qui est très populaire auprès de la jeunesse urbaine, est devenu l'une des figures de proue de l'opposition à la faveur de la présidentielle de 2021 où il a défié le maître de Kampala dans les urnes. Et avec Kizza Besigye qui est aujourd'hui encore dans le collimateur de la Justice, le député-chanteur est l'autre poil à gratter pour ne pas dire la bête noire du régime de Kampala qui l'a accusé d'avoir attiré des jeunes dans des émeutes pour mieux lui coller de multiples infractions pénales.
Le sort de Kizza Besigye ne manque pas d'inquiéter
En fin 2020 déjà, des manifestations visant à exiger sa libération suite à son arrestation avec un autre candidat à la présidentielle de janvier 2021, avaient été réprimées dans le sang, avec une cinquantaine de morts sur le carreau. C'est dire la nature répressive du régime de Yoweri Museveni qui voit aujourd'hui le danger partout, après avoir conquis le pouvoir par les armes en 1986.
Et tout est bon pour casser de l'opposant, pour ne pas mettre en péril le fauteuil présidentiel sur lequel l'octogénaire chef de l'Etat reste scotché pour une présidence à vie, après avoir sauté le verrou limitatif de l'âge en 2017. Pendant ce temps, les soupçons d'une volonté de dévolution dynastique du pouvoir en faveur de son fils, se font de plus en plus persistants. C'est pourquoi le sort de Kizza Besigye ne manque pas d'inquiéter au regard des charges retenues à son encontre, mais aussi de la Cour martiale commise à son procès.
Lui qui ne compte plus les garde à vue et les arrestations, et dont les partisans sont régulièrement pourchassés par les forces de police à Kampala quand ils ne sont pas dispersés à coups de gaz lacrymogènes ou jetés derrière les barreaux. Ainsi va l'Ouganda dont l'image n'a jamais autant collé à celle du jardin potager de Yoweri Museveni.