Depuis quelques semaines, la province de la Gezira, située à une centaine de kilomètres à l'est de Khartoum, est plongée dans la terreur. Plus d'une centaine de villes et de villages de cette région agricole ont été pris d'assauts par les paramilitaires (FSR) dirigées par le général Hemedti qui contrôlent la région depuis décembre 2023.
À l'origine de ce carnage, la défection d'un commandant des FSR, Abu Agla Keikal, qui a rejoint le 20 octobre les rangs de l'armée régulière du général al-Burhan. En représailles, au moins 1 245 civils y ont été tués entre le 20 octobre et le 10 novembre et deux à trois fois plus de personnes blessées. Rencontre avec des survivants de ces massacres, qui ont rejoint la capitale, à Omdurman, dans les zones contrôlées par l'armée régulière.
Pour échapper aux soldats, Abu Zeid Mudassir et sa famille ont dû se faufiler de nuit à travers les champs de maïs. Au bout de quelques jours, ils ont fini par rejoindre les zones contrôlées par l'armée régulière du Soudan.
« Les paramilitaires sont arrivés montés sur des pick-up armés et des véhicules blindés. Ils ont mis le feu à la région de Tamboul. Ils ont tout détruit. Tué des citoyens. Ils battaient même des enfants, des vieux. Ils ont souillé des femmes. Au moment de la prière de l'après-midi, trois soldats des Forces de soutien rapide ont installé deux mitrailleuses Doushka sur le toit d'une école. On les a vus de nos yeux. Ils tiraient au hasard sur les civils », raconte-t-il.
« Une partie des femmes ont voulu se suicider après les viols »
L'armée régulière, pourtant postée aux abords de la région, n'est pas intervenue. Chaque jour, une centaine de blessés graves étaient admis à l'hôpital de la ville de Rufaa, selon un médecin qui a souhaité rester anonyme par peur des représailles. Il confirme les nombreux rapports indiquant que plus de 130 femmes se seraient suicidées pour ne pas être violées : « Les gens n'avaient que deux solutions : soit ils restaient et s'exposaient aux exactions, soient ils plongeaient dans le Nil. Ils préféraient prendre le risque de se noyer plutôt que d'être pris par les paramilitaires. Les femmes en particulier. À l'hôpital, nous avons reçu des cadavres de femmes noyées. Une partie d'entre elles ont également voulu se suicider après les viols. L'une d'entre elle a tenté de s'immoler. Il n'y avait pas d'essence, alors elle s'est jetée dans un feu de bois. Elle disait qu'elle avait voulu se défigurer pour ne pas être violée à nouveau. »
Le docteur accuse les paramilitaires de reproduire le génocide du Darfour, dans tout le pays. Il n'épargne pas non plus l'armée régulière qui ne fait aucun cas des victimes civiles lors de ses bombardements aériens.