Le journaliste Habib Marouane Camara a été violemment interpellé par des gendarmes mardi 3 décembre. On ne sait pas où il se trouve depuis. Son avocat dénonce une « arrestation arbitraire » alors que les autorités affirment ne pas en être informées. Cette arrestation rappelle celle de Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, les leaders du Front national pour la défense de la Constitution, et le kidnapping de l'ancien secrétaire général du ministère des Mines, Saadou Nimaga, en plein Conakry.
C'est un communiqué signé de la rédaction du site d'information qu'il dirige, Le Révélateur 224, qui nous apprend l'arrestation du journaliste Habib Marouane Camara en Guinée. Selon ses collègues, il se rendait le soir du mardi 3 décembre à un rendez-vous avec l'homme d'affaires Kerfalla Person Camara, dit « KPC », à Lambanyi, en banlieue de Conakry. Et c'est en chemin, près du domicile de « KPC », qu'il a été arrêté par des gendarmes, devant témoins. Selon le communiqué, les « gendarmes ont cassé le pare-brise de devant, avant de l'extraire de force de son véhicule. [...] [Ils] l'ont assommé avec des coups de matraque avant de le conduire vers une destination inconnue ».
Les avocats de Kerfalla Person Camara ont déclaré que leur client n'a « joué aucun rôle dans les faits liés à la situation actuelle de Monsieur Habib Marouane Camara ». Lors d'un point presse qu'il a tenu le lendemain, l'avocat du journaliste, maître Salifou Beavogui, a quant à lui dénoncé une « arrestation arbitraire » et réclame la « remise en liberté immédiate » de son client. Il a affirmé que le procureur du tribunal de première instance de Dixinn, compétent sur cette zone, n'a pas été informé de cette arrestation.
Les demandes de libération se multiplient
Le Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG) dénonce également l'arrestation d'Habib Marouane Camara et demande sa libération. Le secrétaire général du SPPG, Sékou Jamal Pendessa, a été reçu par le Premier ministre Bah Oury mercredi 4 décembre et lui a demandé des informations sur le sort de son confrère. Pendessa a rapporté à RFI la réponse qu'il a reçue : « Le Premier ministre nous a dit qu'il allait chercher à s'informer. Et si Marouane était entre les mains des services de l'État, que ses droits et libertés soient respectés et que son dossier soit traité conformément à la loi. »
Après cette rencontre, le Premier ministre a publié sur sa page Facebook qu'il était attaché à la liberté de la presse. « Prenez toujours en compte le contexte de fragilité du pays », a-t-il ajouté. Sa publication ne mentionne cependant pas le nom d'Habib Marouane Camara. Reporters sans frontières (RSF) « appelle les autorités à se prononcer sur le sort du journaliste Habib Marouane Camara ». Pour Jeanne Lagarde, chargée de plaidoyer à RSF, « cet enlèvement ressemble à ceux des personnalités enlevées cette année », en faisant référence aux disparitions forcées de Foniké Menguè et de Mamadou Billo Bah, les leaders du Front national pour la défense de la Constitution, et au kidnapping de l'ancien secrétaire général du ministère des Mines, Saadou Nimaga.
Message inquiétant aux journalistes
Jeanne Lagarde ajoute que « cet acte odieux envoie un message désastreux, inquiétant, aux journalistes, notamment critiques de la junte ». Les principaux médias audiovisuels ont en effet vu leurs agréments retirés par la junte en mai dernier. L'ambassade des États-Unis à Conakry a de son côté exprimé sa « vive inquiétude » face à « l'enlèvement » d'Habib Marouane Camara et demande aux autorités de Conakry de la « transparence » sur la situation du journaliste.
Habib Marouane Camara travaillait aussi pour Djoma, une radiotélévision privée, jusqu'à ce qu'elle soit fermée par les autorités de transition. Depuis quelques semaines, il disait faire l'objet de menaces. Elles se seraient accentuées ces derniers jours, au point qu'il avait posté le 28 novembre sur sa page Facebook qu'un « commando [était] à ses trousses ». Son avocat avait déjà alerté sur ces menaces. Le 27 novembre, il avait déclaré que son client « a reçu des menaces d'enlèvement imminent par un groupe d'individus inconnus ».
Les autorités jointes par l'AFP disent ne pas être informées de l'arrestation. RFI a tenté en vain de joindre le porte-parole du gouvernement et le ministre de l'Information. Ce dernier a indiqué à RSF n'avoir « aucune information pour le moment », et qu'il faudra « patienter avant d'en avoir ».