Guinée Bissau: Repositionnement diplomatique ou manœuvre ?

11 Décembre 2024
analyse

La visite officielle du président Bissau guinéen Umaro Sissoko Emballo en France pour la réouverture de l’église notre dame de Paris, après l’incendie qui l’avait frappée en 2019, et la réception qui lui a été réservée à l’Elysée marque un tournant dans l’orientation géopolitique de ce pays frontalier du Sénégal.

Le marqueur le plus visible a été révélé lors du point de presse conjoint avec les deux chefs d’État, notamment en ce qui concerne les sujets abordés qui portaient à la fois sur la sécurité, la stabilité de la Guinée Bissau, et notamment le contexte régional en crise.

À l’analyse, on se rend compte que grosso modo les deux dimensions internes comme externe, de la coopération sont bien présentes.

Autrement dit, Umaro Sissoko Emballo est, comme on le sait, en fin de mandat et avait annoncé son désir de ne pas se représenter, pour faire volte-face aussitôt après, et dans des conditions qui jurent avec la démocratie, en ce sens qu’il excluait ses principaux challengers des futures élections. Il s’y ajoute, que le pays traverse aujourd’hui une crise économique très sévère, qui fait que l’appui budgétaire de la France est absolument bienvenu. Sera-t-il sans contrepartie ? Très peu sont ceux qui seraient tentés d’y croire.

En effet, son voisin immédiat le Sénégal, dans la foulée des autres pays francophones notamment de l’AES, qui abritaient des forces françaises sur leurs territoires, ont décidé de s’en débarrasser arguant de leur souveraineté, qui ne saurait s’accommoder de la présence de troupes étrangères sur leur sol.  La Guinée Bissau pourrait bien être une base de repli, comme le Niger l’avait fait lorsque les troupes de Barkhane avaient été chassées du Mali.  Le président Emballo lorgne sans doute de ce côté, et en tirerait un profit substantiel, car ces dites troupes pourraient à la fois venir en soutien à son régime sérieusement fragilisé par la crise institutionnelle qu’il traverse, avec son Parlement dissout, et les perspectives de vide institutionnel consécutif au report des élections législatives qu’il a décidé.

Ce repli des éléments de la base française à Dakar, mais pourrait aussi contribuer à la stabilité du régime en proie à de nombreuses menaces des narco trafiquants et djihadistes, qui sillonnent la région.

La France maintiendrait ainsi, sa présence dans la région a une position extrêmement stratégique dans le golfe de Guinée, au regard de la recomposition qui est en train de s’opérer, sans elle en Afrique de l’ouest, où elle presque tout perdu.

La Guinée Bissau se relancerait diplomatiquement dans la sous-région, et Sissoko Emballo, après sa présidence « catastrophique » de la CEDEAO, vient de célébrer avec succès le centenaire de la naissance d’Amilcar Cabral en novembre dernier, en présence de plusieurs chefs d’état. Tout laisse croire qu’il cherche une ouverture diplomatique, que la France lui offre, pour sortir d’une sorte « d’encerclement ».

Umaro Sissoko Emballo sait bien qu’il ne pourra franchir l’année 2025, qui coïncide avec la fin de son mandat sans organiser les élections législatives et la présidentielle, au risque d’exposer son pays à une longue et profonde instabilité dont elle se remettrait difficilement tellement les tensions politiques sont vives.

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