Le procès de détournement des fonds au ministère de l'Action humanitaire s'est poursuivi, le vendredi 13 décembre 2024 avec les témoignages des anciens directeurs de l'administration financière, Zoulkoffi Konaté et Odile Parkouda ainsi que le Secrétaire permanent du Conseil national de secours d'urgence et de réhabilitation (SP/CONASUR), Soumaïla Zoromé.
C'est l'ancien Directeur de l'administration financière (DAF), Zoulkoffi Konaté qui a ouvert le bal des auditions du 13 décembre 2024 au Tribunal. Durant sa gestion de juillet 2020 à Juin 2022, le mis en cause, Hamidou Tiégna, en complicité avec Pétroline Tarpilga, ont détourné deux chèques de (3 375 000 F CFA et 8 400 000 F CFA) avec la cosignature de celui-ci. Face aux deux accusés, le témoin a affirmé n'avoir pas cosigné ces chèques. Mais, il a affirmé avoir eu des doutes à un moment donné sur la gestion du compte de M. Tiégna.
« Dès lors, je vérifiais toutes ses opérations, la traçabilité chaque jour. Je faisais suivre les numéros des chèques de façon chronologique et nous avions des réunions de gestion chaque semaine et je n'ai pas constaté d'irrégularités », a-t-il déclaré. Pourtant, il y a eu des dysfonctionnements dans la gestion de Tiégna et de dame Tarpilga, a fait observer le président du Tribunal. Et l'accusé Tiégna de confirmer qu'effectivement M. Konaté n'était au courant de rien.
« J'ai imité sa signature », a-t-il confié. Séance tenante, le président du Tribunal a fait reproduire ladite signature. Au vu de toutes les parties au procès, la signature est différente de celle de M. Konaté.
« Comment as-tu fait pour encaisser ces chèques ? », a demandé le procureur. « J'ai perdu la main. Si je me mets à imiter, je vais finir par la maitriser », a rétorqué M. Tiégna.
Selon le président, dans les pièces justificatives d'un gestionnaire de compte, il y a le livre journal, un document capital pour une bonne gestion, mais l'ancien DAF ne l'a pas exigé lors des contrôles de gestion.
Celui-ci a fait remarquer que l'accusé refusait d'établir ledit document. Face au refus manifeste du prévenu à tenir son livre journal, pourquoi ne l'avoir pas demandé une lettre d'explication ? « Je l'ai interpelé à plusieurs reprises en vain. En plus, c'est un agent qui a été nommé par arrêté ministériel. Je ne peux pas l'obliger à le faire », a répondu le témoin.
A la suite de Konaté, c'est son successeur, Odile Parkouda qui est venue expliquer sa gestion de juin 2022 à mars 2023 au sein du ministère en charge de l'action humanitaire. Durant cette période, à l'entendre, il n'y a pas eu de dysfonctionnements dans la gestion des comptes.
Elle a relevé que tous les gestionnaires de comptes avaient leur livre journal excepté, M. Tiégna, qui refusait d'en avoir malgré ses multiples interpellations. « Le déblocage des fonds sur le compte de celui-ci se faisait pour acheter des vivres et pour mener des activités du ministère.
Je faisais chaque fois des copies des chèques tirés, vérifiais les relevés et les pièces justificatives. En plus, une réunion hebdomadaire est tenue en vue de s'assurer qu'il n'y a pas d'irrégularités », a-t-elle soutenu. Et, c'est pendant le temps de flottement lors de la scission du ministère en 2023 que le mis en cause, Hamidou Tiégna a pu imiter la signature de Dame Parkouda sur un chèque de 20 millions qu'il a encaissé au Trésor. « Comment avez-vous fait ? », a demandé le procureur.
Il a reconnu avoir eu du mal à imiter cette signature, car elle était compliquée à reproduire. Mais après plusieurs tentatives, finalement le chèque est passé.
Le conseil de l'accusé Tiégna a fait observer que s'il y avait un livre journal, lors des contrôles, on allait laisser apercevoir beaucoup plus de traces des irrégularités et on aurait pas eu cette sortie énorme d'argent entre 2023 et 2024 avec 490 pièces justificatives mal établies.
La fiche de déblocage du SP/CONASUR
C'est le secrétaire permanent du Conseil national de secours d'urgence et de réhabilitation (CONASUR), Soumaïla Zoromé qui a clos les auditions du jour. Lors de son interrogatoire, il fait savoir au Tribunal que le processus de déblocage des fonds au ministère pour envoyer les convois dans les zones à fort défi sécuritaire se fait avec sa cosignature.
« Nous avons à notre dispositions 20 millions F CFA pour faire convoyer les vivres et autres aux personnes déplacées internes. Une fois cette somme épuisée, nous avons l'appui du ministère. C'est le DAF, actuel Directeur de la gestion financière (DGEF) qui m'informe des besoins », a-t-il précisé.
A l'écouter, l'appui se fait de deux natures à savoir, le déblocage par chèque ou par virement bancaire sur le compte de dépôt du SP/CONASUR. C'est sur la base d'une fiche de déblocage où le DGEF exprime les besoins, le chèque est tiré. Le SP cosigne avec le DGEF et le gestionnaire du compte et le ministre décide.
« En l'absence du ministre, c'est le DGEF en la personne de Camille Yé qui décide. Une situation qui se régularise au retour de l'autorité », a reconnu M. Yé. Et le témoin de poursuivre que les pièces justificatives pour cette sortie d'argent sont les états d'émargements des manutentionnaires, les contrats de marchés, les reçus ou les factures. « Le paiement intervient toujours après le service fait », a-t-il ajouté.
« Les mis en cause profitaient de l'expression des besoins pour glisser des chèques qu'ils se partageaient ? », a interrogé le président du Tribunal. M. Zoromé a déclaré n'être pas au courant de cela.
« Mieux, je n'ai jamais reçu ni partagé de l'argent avec eux », a -t-il confié.
A cette préoccupation, l'accusé Hamidou Tiégnan a rassuré le Tribunal
que le SP/CONASUR n'était au courant de rien.
« Tout se passait entre moi, Salifou Ouédraogo et Camille Yé. Les activités
fictives sont organisées, Salifou trouvait les pièces justificatives et on se
partageait l'argent », a-t-confirmé.