Chaque 17 décembre, la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux travailleuses du sexe met en lumière les discriminations et agressions que ces femmes subissent au quotidien. À Maurice, bien que des projets comme Parapli Rouz aient tenté de protéger leurs droits, le manque de financement et l'indifférence générale freinent encore toute avancée significative.
Elles apaisent les désirs de certains, mais subissent l'indifférence des autres : les travailleuses du sexe restent parmi les plus stigmatisées, marginalisées et exposées aux violences dans le monde. Bien que le travail du sexe soit souvent qualifié de «plus vieux métier du monde», il demeure, au XXIe siècle, l'un des plus maltraités et incompris. Cette réalité trouve un écho particulier chaque 17 décembre, lors de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux travailleuses du sexe.
Instituée en 2003 grâce à l'initiative d'Annie Sprinkle, militante et travailleuse du sexe, et du Sex Workers Outreach Project aux États-Unis, cette Journée internationale rend hommage aux victimes de Gary Ridgway. Ce tueur en série américain aurait assassiné des dizaines de personnes depuis 1982, dont de nombreuses adolescentes fugueuses et travailleuses du sexe.
Lever le voile sur les violences
L'objectif de cette journée est clair : lever le voile sur les violences qui frappent les travailleurs du sexe. L'Union internationale des travailleurs du sexe estime leur nombre à 52 millions dans le monde, confrontés à un éventail de violences : agressions physiques, harcèlement policier, discriminations institutionnelles et violences sexuelles. Amnesty International souligne que les lois criminalisant leur activité renforcent leur vulnérabilité en empêchant de signaler les abus et en perpétuant un cycle d'impunité.
«Elles vendent leur corps», disent certains, mais en réalité, ce sont leurs droits qui sont souvent bradés. Selon plusieurs études dans le monde, les travailleuses du sexe sont souvent victimes de violences physiques ou sexuelles au cours de leur carrière, et cela bien plus que les autres professions.
Parapli Rouz a fermé ses portes
Dans certains pays, cependant, des progrès notables ont été réalisés grâce à la décriminalisation. En Nouvelle-Zélande, par exemple, un cadre légal protège les travailleuses et encadre leur activité. Plus récemment, depuis le dimanche 1er décembre 2024, l'activité de prostitution est désormais encadrée en Belgique par un véritable contrat de travail, une première mondiale. Les travailleurs du sexe auront droit à des contrats de travail officiels, à une assurance maladie, à des pensions, à un congé de maternité et à des jours de maladie. Pour l'essentiel, ils seront traités comme n'importe quel autre emploi.
À Maurice, bien que plusieurs initiatives aient été mises en place, les conditions de travail des travailleuses du sexe restent précaires. Le projet Parapli Rouz, lancé en 2010 par l'ONG Chrysalide, avait pour ambition de créer un espace de protection et d'empowerment. En adoptant le parapluie rouge comme symbole mondial de solidarité, cette organisation a joué un rôle crucial en offrant un lieu où les travailleuses du sexe pouvaient se regrouper et défendre leurs droits. Malheureusement, faute de financement, Parapli Rouz a fermé ses portes, laissant un vide difficile à combler.
«Seules contre tous (...) livrées à nous-mêmes»
Le témoignage de Karine, travailleuse du sexe de 24 ans, illustre une réalité sombre. Pour elle, le quotidien est un combat incessant. Elle témoigne des dangers croissants auxquels ses collègues et elle sont confrontées. «Avant, nous étions seules contre tous : les autorités ne nous prêtaient pas attention et, souvent, nous maltraitaient quand nous allions porter plainte. Aujourd'hui, en plus de l'indifférence des autorités, nous devons faire face à des clients de plus en plus violents, souvent sous l'effet de la drogue. Nous devons veiller les unes sur les autres pour rester en sécurité. On en a assez d'être livrées à nous-mêmes.»
Avec la montée des violences et l'absence de structures de soutien suffisantes, les travailleuses et travailleurs du sexe doivent s'organiser par leurs propres moyens pour survivre dans un environnement de plus en plus hostile.
La Journée internationale rappelle une évidence : décriminaliser le travail du sexe ne suffit pas. Il faut garantir des droits, un cadre légal et des structures de soutien. L'exemple belge montre qu'un modèle inclusif est possible, à condition d'une volonté politique et sociétale forte. Maurice peut s'inspirer de ces avancées et renouveler les efforts pour créer un environnement où les travailleuses du sexe ne seront plus stigmatisées, mais respectées.
L'avenir des initiatives comme Parapli Rouz repose désormais sur une volonté collective de changement et un soutien financier durable. Les travailleuses du sexe méritent une structure qui les représente et les défende dans un monde où leurs voix sont trop souvent ignorées.