Armand Dagraça, citoyen gabonais, fait une analyse pour expliquer la nécessité pour les pays d'Afrique centrale de quitter le franc CFA et de se diriger vers une monnaie africaine souveraine
Le franc CFA, monnaie utilisée par près de quatorze pays d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale, est de plus en plus perçu comme un vestige de la colonisation et un outil de la "Françafrique". Cette monnaie, qui a été introduite pendant l'époque coloniale, est aujourd'hui critiquée pour son impact sur la souveraineté économique et politique des pays africains. Il est donc impératif de revoir cette situation et d'envisager la création d'une monnaie africaine indépendante, non seulement pour réaffirmer la souveraineté des nations, mais aussi pour favoriser un développement économique et industriel durable.
1. Le franc CFA comme un vestige de la colonisation
Le franc CFA a été institué par la France pendant la colonisation comme une manière de maintenir le contrôle économique sur ses anciennes colonies. Bien que les pays utilisant cette monnaie aient accédé à l'indépendance, la gestion de leur politique monétaire reste partiellement entre les mains de la France. Le système actuel impose que ces pays conservent des réserves de devises en France, et que la Banque de France garantisse la convertibilité de leur monnaie. Cette situation est perçue comme un rappel de l'époque coloniale où les pays africains étaient subordonnés aux intérêts économiques de la puissance coloniale.
Le maintien du franc CFA empêche, en grande partie, ces pays de prendre pleinement en charge leur destin économique. En effet, malgré leur indépendance politique, les États de la zone CFA continuent de dépendre de la politique monétaire et des décisions de la France. De plus, la parité fixe du franc CFA avec l'euro, héritée de la colonisation, contraint les pays à suivre une politique économique souvent déconnectée de leurs besoins réels.
2. Un obstacle au développement économique et industriel
L'une des critiques majeures à l'encontre du franc CFA réside dans sa capacité à freiner le développement économique des pays concernés. Le fait que les pays membres de la zone CFA ne puissent pas ajuster leur politique monétaire à leurs propres besoins les empêche d'adopter des mesures économiques autonomes qui pourraient favoriser leur croissance.
Par exemple, un pays africain qui connaît des difficultés économiques ne peut pas dévaluer sa monnaie pour stimuler ses exportations, car la parité avec l'euro est rigide. Cette absence de flexibilité nuit à la compétitivité et au développement industriel local, rendant ces pays plus vulnérables aux chocs économiques externes.
En outre, les pays de la zone CFA doivent verser une partie importante de leurs réserves de change au Trésor français. Cette pratique conduit à une fuite des ressources financières cruciales, au détriment d'investissements dans des projets de développement locaux. En ne contrôlant pas leur monnaie, ces pays sont empêchés de réaliser des projets d'infrastructures, de soutien à l'industrie locale ou de stimulation de l'économie par des politiques monétaires adaptées.
3. La nécessité d'une monnaie africaine indépendante
Pour sortir de cette dépendance, il est crucial que les pays d'Afrique centrale et d'Afrique de l'Ouest fassent un choix stratégique : celui de se doter d'une monnaie souveraine, gérée par une institution africaine indépendante.
À l'instar de ce que font d'autres puissances économiques comme les États-Unis avec le dollar, l'Afrique pourrait envisager de créer une monnaie reposant sur une réserve solide d'actifs, notamment l'or, qui constituerait une garantie économique forte. Une telle monnaie, fondée sur des ressources tangibles et gérée par des institutions africaines, offrirait une meilleure stabilité et une plus grande liberté pour les pays africains de développer des politiques économiques adaptées à leurs réalités.
De plus, la création d'une monnaie africaine permettrait de renforcer l'intégration économique du continent. Une monnaie commune facilitera les échanges commerciaux intra-africains, en éliminant les contraintes liées aux fluctuations des devises étrangères et en permettant aux pays africains de se soutenir mutuellement sur le plan économique.
4. Le rôle des dirigeants africains et l'urgence d'un renouvellement politique
Un autre point essentiel dans cette dynamique est le renouvellement des dirigeants africains. Les présidents actuels, qui ont souvent des liens forts avec la France et la Françafrique, représentent un frein au changement. Il est nécessaire que ces dirigeants cèdent la place à une nouvelle génération de leaders, plus en phase avec les aspirations de leurs peuples et capables d'imaginer un avenir économique et politique indépendant pour l'Afrique.
Les jeunes dirigeants, tout en restant respectueux des aînés et de l'histoire, ont les capacités et la vision nécessaires pour piloter des réformes monétaires et économiques audacieuses. Ils sont plus enclins à défendre une monnaie africaine, à repenser les relations avec la France et à investir dans des projets d'infrastructure qui renforceront l'autonomie économique du continent.
5. Conclusion : vers une Afrique souveraine et prospère
La sortie du franc CFA n'est pas seulement une question de monnaie, c'est avant tout une question de souveraineté, de dignité et de développement pour l'Afrique. En créant une monnaie africaine souveraine, les pays d'Afrique centrale et de l'Ouest auront la possibilité de libérer leurs économies de la tutelle étrangère et d'investir dans leur propre développement. Il est donc urgent que les dirigeants africains se réunissent pour prendre des décisions courageuses et mettre en place les structures nécessaires pour une monnaie qui reflète les aspirations du continent.
Le temps est venu pour l'Afrique de prendre son destin économique en main, de renoncer aux vestiges de la colonisation et de faire face à son avenir avec confiance et autonomie.