Au Mali, trois figures du Mouvement pour la paix au Mali (MPPM), également membres du parti politique Sadi, sont détenues depuis plus d'un an et demi, malgré une décision de la Cour africaine des droits de l'homme. Moulaye Baba Haidara, Mahoumoud Mohamed Mangane et Amadou Togola sont poursuivis notamment pour « complot contre la sûreté de l'État », « complot contre le gouvernement » ou encore « atteinte à l'unité nationale et au crédit de l'État ». Ils avaient osé dénoncer des exactions de l'armée malienne.
Dans sa lettre envoyée vendredi dernier 20 décembre, Maître Mariam Diawara demande à la Cour africaine des droits de l'homme de rendre une ordonnance pour garantir la libération des trois hommes, voire de saisir la Conférence de l'Union africaine. Le 29 octobre dernier, cette Cour avait ordonné leur libération afin notamment qu'ils puissent être soignés.
Graves tortures
Deux jours plus tard, le 31 octobre 2024, le juge d'instruction en charge de l'affaire au Mali ordonnait leur mise en liberté d'office pour un autre motif : le non-renouvellement de leur placement sous mandat de dépôt, arrivé à terme le 10 octobre. Une décision qui n'a pas davantage été exécutée.
Baba Moulaye Haidara, Amadou Togola et Mamoudou Mohamed Mangane ont été victimes de graves tortures : flagellations, scarifications, électrocution des testicules pour l'un d'entre eux.
Enlevés entre le 25 mai et le 23 juin 2023, il y a un an et demi, les trois hommes ont tous été détenus par la Sécurité d'État du Mali, au secret, pendant plusieurs mois, jusqu'à ce que leur cas soit enfin transmis à la Justice, début octobre 2023.
Exactions de l'armée
Leur « faute » : avoir dénoncé, lors d'une conférence de presse du Mouvement pour la paix au Mali, plusieurs cas d'exactions attribués à l'armée malienne contre des civils. « Ce n'était pas pour déstabiliser l'État, ils n'étaient même pas à l'extérieur, explique Maître Diawara, il s'agissait d'alerter les autorités et de plaider pour la paix. » Mais au Mali de transition, dénoncer les violences de l'armée n'entre pas dans le cadre de la liberté d'expression.
Les trois hommes sont donc toujours en prison et n'ont même jamais, selon leur avocate, été auditionnés par le juge depuis leur placement sous mandat de dépôt.
Au printemps 2022, Oumar Mariko avait dans l'urgence pris le chemin de l'exil pour éviter une arrestation : le président du parti Sadi, dont les trois cadres du MPPM sont également membres, venait lui-même de s'indigner, lors d'une réunion politique publique, des exactions attribuées à l'armée nationale.
L'armée malienne et les autorités politiques de transition ont toujours catégoriquement rejeté les nombreuses accusations de violences portées contre les Fama et leurs partenaires russes du groupe Wagner, mettant en avant le « professionnalisme » des Fama, promettant des enquêtes dont les conclusions n'ont jamais été communiquées, et dénonçant de supposées tentatives de désinformation visant à nuire à l'image des forces maliennes.