Le jeu "Balatro", inspiré du poker, a remporté trois prix lors des prestigieux Games Awards 2024, les Oscars des jeux vidéo, prenant le milieu par surprise. Et encore plus son créateur canadien, un développeur solitaire dont on ne connaît que le pseudonyme: LocalThunk.
Pas de photo de lui, pas de vidéo non plus. Et une vie loin de l'effervescence médiatique, au coeur de la province de la Saskatchewan, dans le centre du Canada, davantage connue pour ses grandes prairies et ses mines d'uranium que pour le jeu vidéo.
Jusqu'ici, le secret entourant son identité est bien gardé. Début décembre, c'est d'ailleurs un représentant de son éditeur, Playstack, qui reçoit les trois prix, dont celui de "meilleur jeu indépendant", à sa place lors de la cérémonie annuelle des Games Awards à Los Angeles.
"Quand j'ai commencé à concevoir le jeu, je ne pensais même pas le rendre public !", confie-t-il à l'AFP par email.
LocalThunk, le concepteur canadien du jeu, qui répond uniquement par email ou par téléphone aux sollicitations des médias, veut rester dans l'ombre, car "les choses sont plus simples comme ça"
Aujourd'hui, il s'en est vendu plus de 3,5 millions d'exemplaires et le jeu est souvent présenté comme l'un des meilleurs opus de l'année.
Balatro est un jeu de "deck-building" ou de "construction de paquets", permettant aux joueurs d'améliorer leur main de cartes en utilisant diverses stratégies, et notamment la triche. Dans ce jeu aux allures de poker, les joueurs peuvent utiliser une panoplie de "jokers" ludiques pour surcharger leur main.
Et il y a aujourd'hui toute une communauté d'enthousiastes ayant rapidement élevé Balatro au rang de jeu culte. Sur le réseau social Reddit, le forum dédié rassemble déjà plus de 158.000 membres.
"La finition de ce jeu est tout simplement incroyable. Je n'insisterai jamais assez sur le caractère tactile et sur les sensations qu'il procure. Je peux presque sentir les jetons et les cartes dans mes mains", s'enflamme juhiscid, un utilisateur de Reddit.
Sur X, @thechowderhead renchérit: "Balatro est probablement l'un des meilleurs roguelikes (un type de jeu vidéo, ndlr) jamais réalisés".
LocalThunk, le concepteur canadien du jeu, qui répond uniquement par email ou par téléphone aux sollicitations des médias, veut rester dans l'ombre, car "les choses sont plus simples comme ça".
S'il précise qu'il "ne regrette pas d'avoir créé Balatro", car sa réussite lui "a permis de poursuivre une carrière" dans le développement de jeu vidéo, il reconnaît que le succès a créé "un stress supplémentaire".
Dans un monde dominé par de grands studios composés de centaines de personnes, "Balatro" s'inscrit dans la lignée de quelques oeuvres récentes au budget modeste, remarquées par la critique et le public, telles que "Papers, Please" (2013) ou "Stardew Valley" (2016), tous deux portés par des auteurs en solo.
Une exception, plus qu'une tendance, estime Émilien Roscanu, porte-parole de la guilde du jeu vidéo du Québec, le syndicat patronal.
"Pour chaque jeu qui a un très grand succès de ce type-là, il y en a plusieurs qui sont aussi bons et qui n'auront pas nécessairement l'attention du public", renchérit-il.
Il est très difficile de percer dans ce milieu, en raison du volume des jeux mis en circulation chaque jour, et encore plus en tant que développeur indépendant.
Les développeurs solos ont "plusieurs casquettes", et c'est donc "surtout le temps qui est dédié au marketing qui est plus faible", ce qui rajoute un obstacle à la visibilité des jeux indépendants.
LocalThunk a passé trois ans à développer, en solo, son premier jeu public.
Il dit s'être inspiré d'un jeu de cartes de sa jeunesse, qu'il a voulu mettre en ligne pour continuer à y jouer durant la pandémie.
La conception en solo lui permet de "poursuivre sa vision créatrice sans faire de compromis", puisqu'il "aime créer des jeux pour le plaisir, et travailler seul fait partie de ça".
"Balatro" vient d'être nommé aux Bafta Games Awards - la déclinaison des Bafta pour le jeu vidéo - pour concourir dans la catégorie du "meilleur jeu" 2025, mais LocalThunk s'explique encore mal le succès de son jeu de cartes "tordu". "Il y a tellement de jeux incroyables lancés tout le temps, je ne sais pas comment ça m'est arrivé."