Tunisie: « Coeur Hanté » de Walid Ayadi - Une invitation au rire et à la réflexion

15 Mars 2025

Faut-il détester ces familles et plus largement cette société ou s'agit-il tout simplement de se regarder dans la glace et de se réconcilier avec ce que nous sommes ?

En silence, loin des tumultes de la télévision, de ses artifices et de ses enjeux financiers et égocentriques, le théâtre continue à agiter des idées, à susciter des vocations et à empêcher de tourner en rond. « Coeur hanté », la pièce de théâtre de Walid Ayadi, magnifiquement jouée par une douzaine d'acteurs tous autant séduisants avec leur jeu qui mêle habilement humour et profondeur.

Une mention tout de même pour deux actrices : l'authentique Fatma Sfar et une découverte, en tout cas pour moi, Amina Bdiri, véritable actrice caméléon, qui surprend par sa capacité de métamorphose sur scène. Dans la pièce, Amina Bdiri, c'est cette jeune femme qui débarque de nulle part dans un bourg où deux familles voisines se chamaillent, se querellent mais qui, au fond, se ressemblent.

On ne sait si c'est une créature qui vient du ciel, elle est en tout cas pure, mais, comme une éponge émotionnelle, elle se laisse contaminer par les impuretés de l'âme humaine. Surnommée « jenneya » (la fée) alors qu'elle n'a jamais prétendu l'être, elle est tourmentée, bousculée, par ces deux familles qui ne veulent, en réalité, qu'une chose, c'est qu'elle les aide à tirer profit de son supposé pouvoir.

Truffée de situations burlesques et satiriques qui dénoncent les travers de notre société et de nos politiques, «Coeur hanté» est une invitation à rire de ce qui ne devrait pas faire rire,une fois que tombe le rideau. Comme le Candide de Voltaire, l'être venu d'ailleurs est une métaphore, l'innocence de la pureté, confrontée à l'absurdité des luttes de pouvoir au sein de la société.

Faut-il détester ces familles et plus largement cette société ou s'agit-il tout simplement de se regarder dans la glace et de se réconcilier avec ce que nous sommes ? Walid Ayadi, avec qui nous avons eu le loisir de discuter, préfère ne pas répondre à cette problématisation de la pièce. «Je laisse à ceux qui viennent voir la pièce le soin de juger et de développer leur propre réflexion, nous dit-il. L'idéal pour un metteur en scène est que chaque spectateur reparte avec sa propre interprétation de l'oeuvre».

Walid Ayadi consent à qualifier son oeuvre de politique, car, au fond, «tout est politique», mais assure, comme tout héritier qui perpétue la tradition de l'école El Teatro, qu'il prend, dans son travail, de la hauteur par rapport à l'actualité, pour ne pas tomber dans une sorte de manichéisme ou de naïveté. Et ça tombe bien, les acteurs avec qui il a travaillé et continue de travailler sont de la même école, ce qui explique sans doute l'incroyable complicité dans le jeu.

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