Rabat — La littérature sert à préserver la mémoire et à donner une âme aux récits de l'histoire, ont souligné les intervenants à une table ronde, tenue samedi à Rabat sous le thème "littérature et mémoires". Lors de cette rencontre organisée dans le cadre de la 6ème édition du festival "Littératures itinérantes", les participants ont mis la lumière sur les mémoires individuelle et collective, évoquant leur capacité à illustrer des faits historiques que l'Histoire elle-même est souvent incapable de concevoir et de transmettre entièrement.
A cette occasion, le romancier marocain Abdelfattah Kilito a mis en évidence ces deux types de mémoire, affirmant que la littérature a réussi à braquer les projecteurs sur des événements, des situations et des personnages de manière peu ou prou différente de ce que l'on trouve dans les livres d'histoire.
La littérature, a-t-il indiqué, rappelle des étapes de la vie autres que "celles que nous avons retenues dans notre esprit à partir des titres des livres d'histoire", offrant ainsi une perception mythique des faits. Pour sa part, le poète et romancier marocain Mohammed Achaari a relevé une relation "confuse et espiègle" entre la mémoire et la littérature.
Selon lui, la mémoire se contente de rapporter ce qui s'est passé effectivement en réalité, alors que la littérature raconte "ce qui se produira" et ce qui "aurait pu se produire". "Nous sommes enclins à croire que la littérature doit perpétuer la mémoire individuelle et collective et qu'elle est censée rapporter les événements et les faits ou être un témoin de l'époque", a indiqué Achaari, notant que c'est l'écriture littéraire qui permettra à l'Homme d'atteindre son essence et de retrouver des détails absents, malgré son oscillation entre la mémorisation et l'oubli.
Pour Ashraf Al-Ashmawy, romancier égyptien, un homme de lettres recherche la vérité et l'aspect humain, tandis que l'historien se tient aux documents et transmet une image "sèche et dénuée des sentiments". M. Al-Ashmawy a fait savoir que la littérature a pris la place qui lui échoit dans la préservation et la transmission de la mémoire, précisant qu'elle a évolué de manière significative au cours des 50 ou 60 dernières années.
Quant à Jokha Alharthi, écrivaine et universitaire omanaise lauréate du prix "Man Booker International Prize" pour son roman "Ladies of the Moon", elle a noté que l'écrivain transmet un récit adapté et différent de ce qui s'est produit d'après l'imaginaire collectif, estimant qu'il existe un fil conducteur entre la mémoire collective et la mémoire individuelle. La mémoire individuelle joue un rôle de plus en plus important dans la construction d'un récit persuasif dans la production littéraire, ce qui se révèle être un défi difficile à relever en raison de la présence d'événements et de faits dans la mémoire.
Organisée sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, cette manifestation voit la participation d'une quarantaine d'écrivains marocains et étrangers et offre l'occasion au public de rencontrer ces hommes et femmes de lettres pour échanger et débattre de leurs oeuvres, indiquent les organisateurs. Le programme comprend également un concours de la nouvelle pour les jeunes âgés de 18 à 30 ans, afin d'encourager la créativité littéraire auprès de cette catégorie.