Maroc: Luis Arce versus Evo Morales - Une rivalité funeste pour la Bolivie

La Paz — L'actuel président de Bolivie, Luis Arce, et son prédécesseur et mentor, Evo Morales, sont engagés dans une lutte acharnée pour le pouvoir, à la veille d'un scrutin présidentiel à haut risque, alors que la situation économique dans le plus pauvre des pays sud-américains est au bord de l'implosion.

Dans cette bagarre pour le pouvoir, tous les coups sont permis et les deux rivaux ne reculent devant rien pour marquer des points, voire mettre KO l'adversaire. Le dernier épisode de ce bras de fer entre Evo Morales (2006-2019) et son ancien ministre de l'Economie devenu président, Luis Arce, a été un mandat d'arrêt avorté contre Morales pour « viol et traite de personnes ».

L'ancien chef de l'Etat, devenu une figure de proue de tous les peuples indigènes d'Amérique latine, a accusé son rival de mener contre lui « une guerre judiciaire » pour l'écarter de la course à la présidentielle. En arrière-plan de cette rivalité funeste pour la Bolivie, se trouve la volonté de Morales de revenir « coûte que coûte » au pouvoir, alors que la Constitution bolivienne interdit formellement plus de deux mandats présidentiels.

Dans un entretien avec la MAP, la députée bolivienne Tatiana Anez Carrasco explique les raisons profondes de cette rivalité qui pourrait conduire la Bolivie à sa perte. Pour la jeune représentante de la région de Santa Cruz, « Morales, qui se trouve écarté des affaires de l'État et des nominations de ministres et de hauts responsables, met au défi le gouvernement ».

« Il faut toutefois garder à l'esprit qu'Evo Morales avait violé la constitution pour se perpétuer au pouvoir en 2019 et en même temps, l'actuel gouvernement justifie son incapacité à résoudre la crise politique, sociale, économique et environnementale, en rejetant la responsabilité sur les gouvernements précédents, auxquels, qu'il soit dit en passant, il (Luis Arce) a également participé activement en tant que ministre de l'Économie », a poursuivi Tatiana Anez.

Le mois dernier, Morales a lancé une marche de plusieurs jours à travers le pays, qui a culminé le 23 septembre dans la capitale, dans une démonstration de force contre le gouvernement de son ancien allié et actuel rival, qui l'accuse de vouloir déclencher « une guerre civile » en Bolivie.

Pour Tatiana Anez, cet antagonisme préjudiciable pour le pays « existe parce que le pouvoir n'est pas partagé et parce que les intérêts personnels l'emportent sur l'intérêt général. Des situations similaires se sont produites dans d'autres pays, comme en Équateur avec le président de l'époque, Lenin Moreno, et son prédécesseur Rafael Correa », condamné par contumace en 2020 à huit ans de prison pour corruption.

Ces divergences entre les deux dirigeants de la gauche bolivienne (Mouvement vers le socialisme-MAS) jettent une ombre d'incertitude sur la présidentielle de 2025. La branche du MAS conduite par Evo Morales reproche au gouvernement tous les maux du pays : corruption, clientélisme, trafic de drogue, crise économique, pénurie de dollars et baisse de la production des hydrocarbures, etc. Et ce ne sont pas les arguments qui lui manquent.

A cause de sa forte dépendance aux matières premières, la Bolivie souffre de l'affaiblissement des exportations de gaz et d'un déficit budgétaire croissant qui jettent le pays dans les bras des institutions financières internationales.

Au plan factuel, le pays est littéralement en feu. Des incendies gigantesques dans l'ouest du pays ont détruit plus de sept millions d'hectares de forêt et de végétation, obligeant la Bolivie à lancer un SOS à la communauté internationale pour l'aider à endiguer cette catastrophe environnementale, dont les conséquences se dissiperont peu à peu lorsque les flammes seront maîtrisées.

Sur le plan politique, la soif de pouvoir d'Evo Morales a érodé son projet de reconquérir la tête de l'Etat, tout en exacerbant la crise dans le pays.

Le climat de déliquescence qui prévaut depuis plusieurs mois dans le pays a connu son expression la plus désastreuse en juin dernier, lorsqu'une partie de l'armée aurait tenté de renverser le gouvernement.

Morales a immédiatement accusé son rival d'avoir fomenté un « auto-coup d'Etat » avec un double objectif : donner l'image d'un président qui tient les rênes et faire oublier la crise économique dans le pays.

Ces accusations ont été ensuite confirmées par l'auteur du présumé coup de force, l'ancien chef d'Etat major, Juan José Zuniga, qui a affirmé à la presse locale avoir simulé ce coup d'Etat, mené en coordination avec Luis Arce dans le but de propulser sa popularité.

Aux yeux de la députée Tatiana Anez, le mal qui ronge le pays ne peut être anéanti que si les Boliviens mettent en oeuvre un système fédéral qui réduirait l'hégémonie de « l'État centralisé ».

Il s'agit en fait de se mettre au diapason de l'appellation officielle du pays : l'Etat plurinational de Bolivie. Un système qui reconnaît la pluralité ethnique, géographique et politique de ce vaste territoire enclavé entre l'Argentine, le Chili, le Pérou, le Paraguay et le Brésil.

Ce système garantirait, selon elle, une meilleure répartition des ressources sur la base d'un recensement de la population crédible.

Dans un contexte régional crispé à cause de la situation post-électorale au Venezuela, la Bolivie semble être prise en étau entre Evo Morales, qui se projette comme un « Caudillo » des hautes terres des Andes, et Luis Arce, qui malgré son expertise comme fonctionnaire de la Banque Mondiale manque de charisme.

Alors que le syndrome équatorien pointe à l'horizon, l'administration d'Arce se débat tant bien que mal pour sortir le pays de sa crise économique aiguë, tandis que son rival Evo Morales se tient en embuscade pour revenir au pouvoir. Ce qui est sûr pour le moment, c'est que le pays se prépare à vivre un tournant dans son histoire moderne.

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